Inondations, sécheresse, glissement de terrain, vents violents,… les Etats Membres de la Conférence Internationale sur la région des Grands-lacs (CIRGL) ne sont pas à l’abri des effets des changements climatiques. Pour y faire face, les gouvernements en collaboration avec leurs partenaires techniques et financiers initient des activités d’adaptations actions pour rendre leurs communautés plus résilientes.
La Conférence Internationale sur la Région des Grands-Lacs (CIRGL) est constituée de 12 Etats membres, à savoir le la République du Burundi, la République d’Angola, la République Centrafricaine (RCA), la République du Congo, la République Démocratique du Congo (RDC), la République du Kenya, la République Unie de Tanzanie, la République d’Ouganda, la République du Soudan du Sud, la République du Soudan, la République du Rwanda et la République de Zambie.
Incidence du changement climatique dans les Etats Membres de la CIRGL
Chacun de ces Etats a été fortement affecté par des par les effets des changements climatiques. A titre d’exemple, début 2014, le Burundi a connu une catastrophe due aux fortes pluies en commune Ntahangwa au nord de Bujumbura. C’est ce qu’on a appelé les inondations de Gatunguru.
Le bilan fourni par le gouvernement via son ministère de l’Intérieur a été désastreux : plus de 70 morts, 182 blessés, des personnes portées disparues, plus de 1100 maisons détruites totalement, 900 autres détruites partiellement, près de 1200 ménages sinistrés et 20 mille sans abris.
De façon globale, selon ce bilan officiel, cette catastrophe a affecté 220 mille personnes. Des infrastructures publiques telles que des écoles, des églises et des routes ont été détruites.
Dès lors, chaque année, des inondations, des glissements de terrain sont de plus en plus récurrents. Une année après, en mars 2015 à Gitaza, commune Muhuta, province Bujumbura dit rural, en mars 2015, 12 personnes ont été portées disparues, des maisons détruites, des routes cassées suite aux pluies torrentielles qui ont entraîné des glissements de terrain et des inondations.
Fin 2019, d’après le bilan fourni par le ministère ayant l’intérieur dans ses attributions, plus de 30 personnes ont été tuées dans des glissements de terrain causées par des fortes pluies dans la commune de Mugina à la frontière burundo-rwandaise au nord-ouest du Burundi. Là aussi, les dégâts matériels ont été énormes.
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Des inondations sont devenues récurrentes à Gatumba, commune Mutimbuzi, province Bujumbura. Ces dernières provoquent, depuis 2006, des déplacements de population en raison des crues de la rivière Rusizi et, plus récemment, de la montée des eaux du lac Tanganyika.
Cette dernière n’affecte pas seulement la localité de Gatumba : des plages, des bar-restaurants érigés au bord de ce lac, des quartiers comme Kibenga, Kinindo situés le long du lac au sud de Bujumbura, des routes, le port de Bujumbura, sont affectés.
La montée des eaux du Lac Tanganyika affecte également le sud du pays où tout le long du lac, des milliers d’hectares de palmiers à l’huile, principale source de revenu pour la population de la commune et province de Rumonge, ont été inondés et détruits. Le port de Rumonge, le quartier Kanyenkoko, les plages de pêche ont été aussi affectés.
Des inondations touchent également le Soudan du Sud. A titre d’exemple, en 2021, de nombreux Sud-Soudanais ont trouvé refuge le long du canal de Jonglei suite aux crues. Leur village Gorwai est devenu un marécage en raison des inondations. Et ces déplacés n’ont rien sauvé que ce soit des champs agricoles ou du bétail. A cette époque, le Programme alimentaire mondial (PAM) faisait état de près de 70 mille personnes ayant migré vers le canal de Jonglei et qui avaient besoin d’être assistées.
Au mois de novembre 2024, l’Est de l’Ouganda a été frappé par de fortes précipitations. Ce qui a entraîné des glissements de terrain dans le district montagneux de Burambuli. C’est à environ 280 km de Kampala, capitale ougandaise. La police a fait un bilan d’au moins 14 personnes mortes dont des enfants, 113 portées disparues et 15 autres blessées. Six villages ont aussi été sérieusement touchés par ces glissements de terrain.
En mai 2023, l’ouest et le nord du Rwanda ont connu de graves inondations. Le bilan humain a été trop lourd : les autorités rwandaises ont fourni un bilan de 130 morts. Des habitants de ces zones montagneuses ont été surpris dans le sommeil par de fortes pluies et des glissements de terrain. Et cette catastrophe est intervenue trois ans après celle de 2020 qui a fait au moins 65 morts.
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En 2018, dans les quatre premiers mois de l’année, les autorités rwandaises ont fait un décompte d’à peu près 200 personnes mortes suite aux inondations et aux glissements de terrain. Plus de 9 mille maisons ont été détruites par les inondations dans les 29 districts sur les 30 que compte le Rwanda, selon un bilan officiel.
En tout, en 2018, au Rwanda, les catastrophes naturelles liées aux changements climatiques ont fait au moins 234 morts depuis et 268 autres personnes ont été gravement blessées, selon une enquête officielle publiée par le ministère de la Gestion des catastrophes.
En RDC, début 2018, 44 personnes sont mortes suite aux inondations à Kinshasa, la capitale, selon le bilan officiel. Les communes les plus touchées étaient Ngaliema (13 morts) et Selembaro (9 morts). Plusieurs autres dégâts matériels ont été enregistrés.
En décembre 2019, OCHA a indiqué qu’au moins 600 000 personnes avaient été affectées par des inondations dans 12 des 26 provinces de la République Démocratique du Congo, causées par des pluies diluviennes survenues au mois d’octobre de la même année.
Et en mai 2023, ce pays a connu une des plus meurtrières inondations avec un bilan de 400 morts dans la province du Sud-Kivu selon les autorités. Une catastrophe intervenue quelques jours après la mort de 131 personnes au Rwanda voisin suite aux inondations.
Fin 2022, une centaine d’autres personnes étaient mortes à Kinshasa, en RDC suite aux pluies diluviennes ayant entraîné des glissements de terrain et inondations.
La RDC est au 5ème rang mondial de l’Indice ND-GAIN des pays les plus vulnérables aux changements climatiques vis-à-vis de leur capacité d’adaptation.
Les effets des changements climatiques sont déjà perceptibles à travers le pays, notamment la persistance des fortes chaleurs, des pluies violentes, la dégradation des terres, particulièrement par des érosions, le dérèglement des saisons, l’augmentation des séquences de sécheresse pendant les saisons de pluie, et les inondations.
Le PANA (Programme d’Action Nationale pour l’Adaptation) en 2006 identifie à cet effet les secteurs des ressources en eau, la foresterie, l’agriculture et la zone côtière comme les plus vulnérables aux effets du changement climatique.
Dans le secteur de l’agriculture par exemple, le changements climatique va entrainer une réduction du rendement global de la productivité du fait de la dégradation des conditions nécessaires pour une croissance optimale des végétaux (ex. dégradation des sols du fait de l’érosion, des inondations, et de l’insolation plus intense détruisant l’humus, augmentation du taux d’évaporation suite à l’augmentation de la température, la prolifération des mauvaises herbes, et des insectes nuisibles, etc.).
Des phénomènes nouveaux et dévastateurs
Au Burundi, à travers tout le pays, plusieurs milliers de hectares de champs agricoles ont été détruits par la tombée de la grêle, un phénomène qui était inhabituel dans le pays. De fortes pluies ont entraîné des inondations des marais cultivables. Les mouvements de terrain s’amplifient.
Le cas le plus récent est celui d’avril 2024, à Gabaniro, commune Muhuta, province de Rumonge, au sud du pays. De grosses pierres ont resurgi, enfuyant habitations, champs agricoles, etc. D’autres régions comme Kirundo ont connu une insuffisance hydrique entraînant des cas de famine, des morts et des départs de Burundais vers les pays frontaliers.
En mai 2024, les régions côtières du Kenya et de la Tanzanie ont été dévastées par l’ouragan Hidaya. Un évènement tropical qui a mis en exergue la vulnérabilité de l’Afrique de l’Est. Les cyclones sont souvent précédés de fortes pluies qui engendrent des inondations et des glissements de terrain.
En 2024, le Kenya mais surtout la République Démocratique du Congo ont été le théâtre des torrents qui ont détruit des routes et des habitations.
Globalement, comme bilan annuel des dégâts humains, des sources officielles font état d’au moins 210 personnes mortes dans les inondations au Kenya, au moins 155 personnes péries en Tanzanie et 29 morts enregistrés au Burundi.
En Zambie, un autre Etat membres de la CIRGL, la presse locale rapporte que la saison des pluies qui est normalement prévue d’octobre à mars s’est arrêtée en janvier. « Donc, trois mois de pluies seulement. Ainsi, l’extrême chaleur a entraîné de longues périodes de sécheresse avec un impact non seulement sur la sécurité alimentaire mais aussi sur la production d’énergie », indique-t-elle.
Ces perturbations météorologiques ont un impact sévère sur l’agriculture. Or, 70% de la population d’Afrique australe dépend de l’agriculture qui est encore de subsistance. La sécheresse a plongé des millions de personne dans la faim.
Variabilité pluviométrique
En Ouganda, le climat ne cesse de changer. Ce qui se manifeste par l’augmentation des températures, la variabilité des précipitations ainsi que l’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes en fréquence et en gravité. Selon le site d’information www.intechopen.com, entre 1900 et 2010, les températures en Ouganda ont augmenté de 0,8°C à 1,5°C.
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Elles devraient augmenter de 2 à 5°C d’ici à 2100. Les précipitations reçues en 2000-2010 ont été en moyenne inférieures d’environ 8 % à celles reçues entre 1920 et 1969. Les précipitations ont été observées comme variables. La fonte des calottes glaciaires du mont Rwenzori, une augmentation de la fréquence des sécheresses, des tempêtes de pluie, des inondations et des glissements de terrain ont été observés au cours des trois dernières décennies.
La sécheresse et la hausse des températures affectent la disponibilité de la biomasse, provoquant un assèchement progressif de la biomasse qui augmentera les difficultés pour la majorité des Ougandais qui dépendent du bois de chauffage nécessaires à leurs besoins énergétiques domestiques.
Le changement climatique prévu annonce que des sécheresses se produiront. Ce qui augmentera la pénurie de biomasse.
Par conséquent, la croissance actuelle de la demande de biomasse n’est pas durable. Une solution durable est nécessaire pour combler le déficit prévu.
En outre, la dépendance à l’énergie de la biomasse est l’un des principaux facteurs de déforestation et de dégradation des terres à travers le pays.
Le même site indique que la couverture forestière de l’Ouganda est passée de 24 % dans les années 1990 à seulement 12,4 % aujourd’hui, soit une perte annuelle de 2 %.
Les impacts du changement climatique affectent également considérablement l’approvisionnement en électricité. Le rapport Stern avance qu’une augmentation de la température de 3 à 6 °C au cours des prochaines années pourrait entraîner une réduction de 30 à 50 % de la quantité d’eau. Ce qui pourrait perturber l’approvisionnement en énergie hydraulique, modifier les schémas de demande énergétique, mais aussi endommager les infrastructures énergétiques.
La température en Ouganda devrait augmenter de 2 à 5 °C d’ici 2100, ce qui aura des conséquences importantes sur l’énergie. Une étude menée par le ministère de l’Eau et de l’Environnement (Minister of water and environment ‘’MWE’’) avec le soutien du Climate and Development Knowledge Network (CDKN) prédit une réduction des précipitations qui pourrait réduire le potentiel hydroélectrique de l’Ouganda d’environ 26 % d’ici 2050.
Une situation identique dans beaucoup de pays de la CIRGL.
Les Etats initient des actions d’adaptations
Face à cette brutalité climatique, des Etats prennent des mesures pour s’adapter, rendre leurs communautés plus résilientes. Dans certains pays, la priorité est mise sur les programmes visant à renforcer les capacités d’adaptation communautaires, la protection de la population ainsi que le combat contre l’insécurité alimentaire.
Le Secrétariat Exécutif de la CIRGL à travers sa Direction Genre, femme et enfant qui s’occupe aussi des questions humanitaires et social, est conscient que l’escalade des conflits ainsi que le changement climatique sont des causes de déplacement forcé des populations dans les Etats Membres de la CIRGL.
Ce déplacement massif constitue un frein au développement de la région et peut être aussi un facteur d’insécurité et d’instabilité. Pour ce faire, la Direction genre femme et enfant de la CIRGL, en collaboration avec ReDSS et UNHRC avec l’appui de l’EU est en train de développer une stratégie Régionale pour promouvoir des solutions durables pour les réfugiés et les déplacés internes.
La CIRGL insiste également que les partenaires au développement accompagnent les Etats membres à mettre en place des infrastructures et des services qui contribuent à la promotion et la protection de dignité et des droits humains des réfugiés et des déplacés surtout les femmes et les enfants et les mettre dans des conditions vitales dans l’attente des solutions durables.
La CIRGL souligne que malgré les menaces du changement climatiques, il y a possibilité de ne pas avoir des camps des déplacés. La CIRGL insiste sur le développement des politiques de gestion de paysage et de l’environnement, la gestion des risques de catastrophes et la résolution pacifique des conflits afin de ne plus avoir ce phénomène des déplacements forcés qui est devenue une monnaie courante dans la région des grands Lacs.
En outre la CIRGL rappelle toutes les parties prenantes à s’approprier les mesures du cadre de solutions durables aux questions humanitaires, sociales et environnementales dans la région des grands lacs. Ce cadre a pour objectifs spécifiques de présenter et donner les grandes lignes des projets répondants aux défis que rencontrent les populations de la région et de traduire en actes concrets, l’engagement des Chefs d’Etat et de gouvernement dans les domaines de la protection des droits humains et de la sécurité humaine tel qu’il ressort de la Déclaration de Dar-es-Salaam (2006).
De même, la mise en œuvre du Protocole sur les droits de propriété des personnes de retour (30 novembre 2006), peut contribuer aussi à la prévention et la gestion des déplacements forcés.
Cette stratégie vise à créer un cadre intégré et inclusif pour lutter contre les causes et les conséquences de la dégradation de l’environnement ainsi que le changement climatique et aux conflits en mettant l’accent sur les besoins et les droits des femmes et des enfants dans la région des Grands Lacs.
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