La rumeur courrait sur les réseaux sociaux depuis tôt ce matin : l’accès aux réseaux sociaux serait totalement coupé au Burundi, en ce jour d’élections. Mais finalement, la rumeur n’en était pas une. Les faits sont bel et bien avérés. L’organisation Netblocks, qui assure une veille de la censure sur le web dans le monde entier, vient de publier un rapport accablant : les fournisseurs d’accès à internet au Burundi (Econet, Onatel et Lumitel) ont coupé les robinets vers WhatsApp, Instagram, Facebook, Twitter et Telegram. Dans la région des Grands Lacs, c’est presque devenu une tradition : en 2016, les réseaux sociaux avaient été coupés lors des élections présidentielles ougandaises, pour éviter que « des personnes mal intentionnées fassent circuler des mensonges ». Idem en RDC, où l’on recourt régulièrement au blocage à l’occasion d’événements sensibles.
⚠️ Alert: Social media and messaging apps disrupted in #Burundi on election day; real-time network data show Twitter, Facebook, Instagram, Telegram and WhatsApp unavailable via leading network operators; incident ongoing 📉
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— NetBlocks.org (@netblocks) May 20, 2020
Techniquement, nous explique Laurence Dierickx, spécialiste du numérique et docteure en information et communication, ce ne sont pas les autorités mais les fournisseurs d’accès à internet qui bloquent l’accès à l’adresse IP du site web concerné. « Une adresse IP – pour Internet Protocol – est un numéro d’identification qui se trouve à la base du système d’acheminement des données sur le web. Par exemple, l’adresse IP de twitter.com est 104.244.42.193. Pratiquement, le fournisseur d’accès applique ce que l’on appelle un filtrage DNS (Domain Naming System). Trouver l’adresse IP d’un site web n’a rien de sorcier, il existe quantité de sites qui fournissent gratuitement ce service, comme Check Host ou IP Info, par exemple. Le blocage d’une adresse IP ne se produit pas toujours pour des raisons de censure, il peut se justifier pour des raisons de sécurité. Cette technique est notamment employée comme protection contre des attaques par force brute, une technique utilisée par des hackers mal intentionnés ».
« Contourner un blocage »
Notre interlocutrice nous explique également qu’il est possible de contourner un blocage : « La méthode consiste à installer un VPN (Virtual Private Network), qui va changer l’adresse IP de l’internaute de manière à le localiser dans un autre pays : il peut donc accéder aux sites bloqués dans le pays où il se trouve. Ce système trouve toutefois ses limites, certains pays censeurs s’étant également mis à la chasse au VPN. Le navigateur TOR permet également de surfer sur le web de manière anonyme et sécurisée, en localisant l’internaute ailleurs que dans son pays ».
Couper les réseaux sociaux, est déjà une atteinte à la liberté de communication, garantie par la Constitution. Le faire le jour des élections ne fera que nourrir les suspicions autour de ce scrutin qui devrait être pour le pays un moment important de cohésion nationale sur le chemin de la démocratie.