Vendredi 22 novembre 2024

Société

Ces victimes dépassées

07/10/2018 Commentaires fermés sur Ces victimes dépassées
Ces victimes dépassées
Le présumé auteur du viol et sa petite-fille.

Violées, battues, rejetées par leurs maris, des femmes de la province Kayanza témoignent.

Une fillette de 5 ans du nom de C.N. a été violée durant plusieurs semaines par son grand-père du nom de T. M. âgé de 70 ans. Les faits se sont déroulés sur la colline Gihoro, zone Murima de la commune et province Kayanza. Cette orpheline était élevée par ses deux grands-parents.

Il y a trois mois, la grand-mère est décédée. Quelques semaines plus tard, le calvaire de l’enfant commence. « On entendait l’enfant crier la nuit et on pensait que c’était parce qu’elle avait soit peur du noir ou des punaises, » indique un voisin.

Quelques jours plus tard, les voisins remarquent que l’enfant commence à marcher difficilement et à se plaindre des douleurs urinaires. « Quand on lui a demandé ce qu’elle avait, elle nous a dit qu’elle avait mal parce que grand-père dormait sur elle, » indique une tante de l’enfant.

L’alerte est alors lancée. Le chef de colline appelle le chef de zone. Adrien Nahayo accourt, le centre de développement familial et communautaire, CDFC dépêche un agent sur les lieux, le lundi 1 octobre. L’enfant témoigne et pointe du doigt son grand-père qui nie les faits. « Elle a été dépêchée à l’hôpital de Kayanza pour une expertise médicale, » raconte le chef de zone Murima, Adrien Nahayo.

L’enfant est mal en point et nécessite des soins à Bujumbura dans un centre spécialisé. « L’association Murekere Isoni s’est chargée du voyage de l’enfant vers le centre AFEV-SERUKA à Bujumbura pour des soins tant psychologiques que physiques,» indique Fabiola Girukwigomba, la chargée du centre de développement familial et communautaire. Le présumé violeur est arrêté. Il est détenu pour le moment dans les cachots du commissariat de Kayanza.

Drame sur drame…

Ces victimes des VBG brisent le silence.

Ce cas de viol sur mineure n’est pas le seul qui inquiète le personnel du centre de développement familial et communautaire de la province Kayanza. Selon Emmanuela Ndayishimiye du centre, entre 200 et 300 femmes par mois sont entendues dans ce centre. Ce lundi 1er octobre, une vingtaine de femmes sont assises devant le centre, en attente d’être reçues et entendues. Mine renfrognée, tristesse, larmes, pas de doute : ces femmes ont des problèmes.

Niyibimpa Emmanuelline, 25 ans, ne fait pas son âge. Mariée à Nyabihogo, commune Gatara, province Kayanza, elle paraît jolie malgré les larmes qu’elle essaie d’empêcher de couler sur son visage. Elle tient dans ses bras un enfant qui n’arrête pas de pleurer. « Mais tu peux donner le sein à ton enfant pour qu’il arrête de pleurer ? » s’énerve une femme sur place. Tout le monde se tourne vers la maman, un brin accusateur. Emmanuelline, fond en larmes. « Mais il tète depuis longtemps sauf qu’il n’y a rien, ça fait trois jours que je ne mange presque rien. »

Elle dit être battue régulièrement par son mari. « Cette fois, Il m’a frappé et tordu les articulations avant de me chasser de la maison. Il me dit que les enfants que nous avons ensemble ne sont pas les siens alors qu’il les a reconnus à la commune.»

Elle veut que les autorités compétentes convoquent son mari et le confondent en le mettant devant ses responsabilités. « Là, je viens de passer trois jours à dormir dans les champs la peur au ventre, je n’en peux plus. »

Joselyne Hakizimana, 34 ans, originaire de la zone Kabuye, en province Kayanza indique que son mari l’a chassée du domicile conjugal, avec l’intention d’en épouser une autre. Pire, il est allé au bureau de l’Etat civil de la commune déclarer que sa femme est morte pour se remarier légalement. « Lorsque je l’ai appris, je me suis présentée à la commune pour prouver que je suis bel et bien vivante, »raconte émue, la jeune femme.

L’homme a été arrêté et emprisonné. « Il s’est vite évadé de prison et s’est exilé en Ouganda. » Les beaux-frères de Joselyne ont sauté sur l’occasion et exigé son départ. « Là j’ai laissé mes deux enfants dans la rue et je compte aller en justice pour qu’on me rétablisse dans mes droits. »

Jacqueline Manirambona, 38 ans mère de deux enfants indique avoir été séquestrée puis violée à maintes reprises par l’homme qui a fini par être son mari. « Cet homme s’est révélé par la suite être un voleur qui a fait la prison quatre fois depuis que nous habitons ensemble. »

Dépassée par le comportement de son mari, Jacqueline a décidé de prendre sa vie en main. Elle commence par acheter un lopin de terre dans le domaine familial de sa belle-famille. « Mon beau-père et son fils profitent de l’absence de mon mari pour me chasser de ma propriété alors que je l’ai achetée avec mes propres économies.» Elle montre les papiers prouvant que sa bataille devant la justice a été gagnée. « Le problème, c’est que je continue à subir coups et blessures de la part des membres de ma belle-famille. Ils réclament mon départ,» dit-elle, avec chagrin avant de lâcher : « J’ai finalement obtenu gain de cause devant la justice pour rien. »

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Réactions: Martin Nivyabandi

Le ministre en charge des droits de l’Homme et des Affaires sociales indique que le gouvernement est impliqué dans la lutte contre les violences basées sur le genre. En plus des centres de développement familial et communautaire, il existe également des centres de prise en charge intégrés avec magistrat, médecin et psychologue. Ces centres sont à Gitega, Makamba, Muyinga et Cibitoke. « N’oublions pas d’autres centres qui prennent en charge les femmes victimes de VBG à Bujumbura. » Le ministre, Martin Nivyabandi parle également de la politique de l’éducation pour tous ainsi que de la nouvelle loi portant sur la répression et la prévention des VBG. Il indique par ailleurs que plusieurs VBG sont liées à la faiblesse économique des femmes. Raison pour laquelle le gouvernement a mis en place un fond de garantie pour les microfinances qui financent les femmes. Il s’agit également du soutien de la communauté d’épargne et crédit communautaire. « Sans oublier que la femme doit être instruite et dotée d’une capacité économique pour être valorisée dans son ménage».

Editorial de la semaine

Question à un million

Quelle est cette personne aux airs minables, mal habillée, toujours en tongs, les fameux ’’Kambambili-Umoja ’’ ou en crocs, les célèbres ’’Yebo-Yebo’’, mais respectée dans nos quartiers par tous les fonctionnaires ? Quand d’aventure, ces dignes serviteurs de l’Etat, d’un (…)

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