Certains citadins consomment du poisson pêché dans des eaux polluées. Les conséquences sont très néfastes sur la santé selon les environnementalistes.
Dans des zones polluées, comme à quelques mètres du port de Bujumbura, ou à l’endroit appelé communément Kumase, la pêche au tilapia (de couleur argentée), au clarias gariepinus (isomvyi) appelé poisson-chat, de couleur noire), s’y développe.
Ces deux espèces s’acclimatent à la pollution des eaux selon Dr Charles Niyonkuru, environnementaliste : «Ils font partie des espèces tolérantes et résistantes qui se nourrissent des produits très polluants comme les métaux lourds (le plomb, le chrome, etc) en provenance des usines, des stations-services, des ménages des quartiers proches du lac Tanganyika».
Par le phénomène de bioaccumulation, ces poissons continuent à encaisser ces polluants, vecteurs de certaines maladies dont le cancer, les déformations chez les enfants, la stérilité chez les femmes, etc.
C’est par la chaîne alimentaire que de tels produits finissent dans le corps humain. Les conséquences ne se manifestent pas dans l’immédiat : «Les effets sont visibles après un certain temps et les victimes ne s’en rendent pas compte».
Et à Albert Mbonerane, environnementaliste aussi de signaler qu’il faut attendre de 10 à 15 ans pour constater les premiers symptômes du cancer. Et comme le scanner coûte cher, ce n’est pas tout le monde qui saura qu’il a un cancer, ajoute cet ancien ministre de l’Environnement.
Dr Niyonkuru fait savoir que ces poissons deviennent plus gros parce qu’ils n’ont pas de concurrents en nourriture :
« L’eau étant polluée, d’autres espèces disparaissent ou migrent vers des milieux propres et propices à leur multiplication».
Et de conclure que l’existence exclusive du tilapia, du clarias gariepinus dans certains coins du lac Tanganyika est une preuve que ce patrimoine est pollué. Idem pour le petit lac communément appelé Dogodogo à Cibitoke, où ces deux espèces constituent le gros des prises.
Des consommateurs surpris
« Impossible! Si c’est vrai, nous sommes très malheureux », s’exclame Issa, un habitant de Buyenzi, rencontré près du port de Bujumbura. Citadin, cet homme, la quarantaine, affirme que le tilapia fait partie de son alimentation, il y a une dizaine d’années : « Mes enfants, ma femme l’apprécient beaucoup. Ça fait une bonne sauce.»
Il se demande où trouvera-t-il de l’argent pour payer les soins médicaux s’il advient qu’un membre de sa famille se retrouve avec un cancer. Une autre vieille maman, interrogée, se soucie surtout de sa progéniture: « Moi, je vis mes derniers jours. Ces histoires de cancer, de stérilité, … ne me concernent pas. Mais, je m’inquiète pour ma descendance qui consomme quotidiennement ces poissons».
Néanmoins, ces riverains du lac Tanganyika, moins nantis, disent qu’ils n’ont pas de choix. « Ces espèces de poisson sont moins chers par rapport au ’’mukeke’’», signale un autre homme croisé, aux environs de la Brarudi.
Au moment où deux ou trois poissons ’’mukeke’’ se vendent à 10.000Fbu, il affirme qu’une somme de 2.000 Fbu suffit pour nourrir une famille, si bien entendu, il faut se rabattre sur le tilapia ou le clarias gariepinus avec quelques deux ou trois kilos de la farine de manioc.
Et de conclure : «Ce sont malheureusement les petites gens, sans moyens de se faire soigner, qui en feront les frais».
La session parlementaire d’Octobre devrait prendre en compte cet état de situation.