Par les temps qui courent, un individu ou un groupe d’individus distille des messages de haine ethnique en toute quiétude. Comment un tel leader négatif émerge-t-il dans une société ? Eclairage du politologue Elias Sentamba.
Comment un leader négatif émerge dans une société et distille des messages divisionnistes?
La fabrication ou l’émergence d’un leader négatif est favorisée par l’impunité. C’est un individu ou un groupe restreint qui propage des messages divisionnistes. Comme les auteurs des crimes du passé n’ont jamais été sanctionnés, il fait ce qu’il veut sans être inquiété. Les gens, pour avoir vécu toutes ces rancœurs, risquent de considérer ce divisionnisme comme une chose normale. Ce fléau finit par rentrer dans les us et coutumes des gens.
Dans toute société ayant connu des guerres civiles récurrentes comme le Burundi, il y a une idéologie qui en vient à sous-tendre la façon de penser des gens. Un groupe ethnique A est considéré comme victime du groupe ethnique B qui est considéré comme bourreau. Pour tous les crimes de 1965, 1969, 1972, 1988, 1993 et même 2015, personne n’a été pénalement et individuellement sanctionné. Les criminels sont libres et la communauté finit par prendre le crime comme si c’était normal.
Pourquoi ce silence face à ces messages divisionnistes ?
Tous les responsables sont des fils et filles de cette mauvaise gouvernance qui a caractérisé notre passé douloureux. Ils sont des membres de notre société avec les rancœurs qui tapissent notre façon de penser et de voir les choses. En outre, ces leaders négatifs ont osé dire tout haut ce que la majorité pense tout bas. Les discours divisionnistes sont sanctionnés par le code pénal. Mais qui vont les sanctionner puisque la plupart pense la même chose sans oser l’exprimer? Ils ne sont pas combattus car la majorité partage cette vision des choses.
Quel risque pour la société ?
Si la population est imprégnée de ces discours de haine, des conflits peuvent éclater à n’importe quel moment. On risque de retomber dans les mêmes erreurs. Des victimes, dont les bourreaux n’ont pas été punis, en viennent à être aussi des bourreaux.
Dans tous les pays qui ont connu des génocides, on a commencé à dire : ‘’Nous sommes des victimes et eux sont les bourreaux’’. Tous les membres des groupes sont donc indexés indistinctement. Une deuxième étape, ce ne sont pas des humains. Ils sont des fauves, des serpents. On peut les tuer sans problème car on est venu à les déshumaniser. C’est la voie vers les violences de masse et le génocide.
Comment briser ce cercle vieux
Une voie de sortie est techniquement facile, mais politiquement et socialement difficile. C’est de prendre conscience des crises A, B, C, D qui ont emporté des vies humaines. Si la CVR avait des moyens nécessaires et une bonne orientation, elle pourrait dégager les responsabilités des uns et des autres dans les crimes, établir les noms des bourreaux. L’objectif étant de les mettre à la disposition de la justice qui ne reçoit aucune injonction. Cela permettrait d’éviter la globalisation des victimes et des bourreaux. Le criminel est celui qui a posé l’acte et pas sa descendance qui n’a joué aucun rôle négatif.