Des jeunes filles encore sur le banc de l’école qui tombent enceintes. C’est un fléau qui menace le secteur de l’éducation.
N.J. vient de réintégrer l’école après une grossesse non désirée. L’auteur, c’est son professeur, engagé pour lui donner des cours du soir. La jeune mère, malgré elle, témoigne : «Il m’a invitée chez lui un jour et m’a donné une boisson alcoolisée. Je ne l’avais jamais goûtée. Je n’ai pas pu gérer ce qui s’est passé après et je me suis retrouvée enceinte.»
L’histoire de cette jeune fille avec son enseignant commence quand cet élève étudie en 6ème année primaire, en 2013. Son professeur, qui est aussi un voisin et un ami de la famille, est sollicité pour l’aider à étudier le cours de calcul, sa bête noire. «Mon papa le payait pour me donner des cours du soir. Quand j’étais en sixième, il m’a violée. J’ai eu peur de le dire pour ne pas être discriminée et renvoyée de l’école».
Les relations entre la jeune élève, son éducateur et toute la famille continuent comme si de rien n’était. La jeune fille souffre sans pouvoir en parler. Après la sixième année, J.N. ne fait plus des cours du soir. De ce fait, elle et son professeur ne se voient plus régulièrement.
Arrivée en huitième, J.N peine à réussir en maths. Et le même professeur s’offre de l’aider «gratuitement». La jeune fille accepte et toute la famille approuve. Il recommence à lui faire des avances, mais la fille résiste.
En 9ème année, le jeune enseignant invite la jeune fille chez lui et cette fois-ci, elle se retrouve seule avec son «prof». Il lui tend un verre rempli d’une boisson alcoolisée. La jeune fille le vide doucement, mais se retrouve au bout d’un temps incapable de se contrôler. La jeune adolescente se retrouve enceinte. Elle doit interrompre ses études après quelques mois.
Un arrangement à l’amiable raté
Quand elle apprend qu’elle est enceinte, J.N. informe son « prof ». Il se montre plus ou moins gentleman, assume et lui promet d’être à ses côtés. Il se dit même prêt à arranger un mariage pourvu que la jeune fille garde le secret.
La fille avertit tout de même sa famille et un acte d’engagement est signé entre les deux familles. « Elles ont convenu qu’un mariage civil soit arrangé en trois mois afin que je devienne légalement sa femme».
Mais le jeune enseignant a peur de perdre son emploi, de se retrouver en prison si la nouvelle s’ébruite. Il essaie de convaincre la victime de céder aux exigences parentales et d’aller vivre ensemble sans procédures légales.
La fille accepte le marché. Mais le père de la jeune fille refuse et il saisit la justice. Après deux jours de vie en couple, l’enseignant est arrêté et emprisonné. L’adolescente est sommée de retourner chez elle.
« Je suis restée à la maison et après huit mois, j’ai eu des douleurs accompagnées de saignements. Quand je suis allée à l’hôpital, c’était trop tard, mon bébé était déjà mort. Seule ma famille m’a aidée à l’enterrer. Elle a été près de moi durant toutes ces épreuves», balbutie la jeune fille tout en pleurant.
J.N. reprendra le chemin de l’école après une année d’interruption. Son « prof » croupit en prison. Le verdict sera sans appel. Et ce n’est pas tout, il est révoqué de la Fonction publique.
Quand les éducateurs se transforment en prédateurs
Désiré Hatungimana, directeur provincial de l’enseignement dans la province de Kayanza, reconnaît que le nombre de cas de grossesses en milieu scolaire est inquiétant.
Selon lui, il y a des cas où ce sont malheureusement des enseignants qui sont des auteurs de ces grossesses. «Parfois les professeurs, qui sont censés protéger et guider les élèves, oublient leur mission d’éducateur».
Cette autorité affirme qu’au cours de l’année scolaire précédente, quatre cas ont été enregistrés dans la province Kayanza. «Deux cas de professeurs auteurs de grossesses en milieu scolaire ont été signalés dans la commune Gahombo et deux autres dans la commune Gatara».
M. Hatungimana explique que les autorités essayent de décourager ce comportement. « Parmi les quatre cas connus, on a pu traduire en justice un seul professeur véreux, les autres ont déserté et se sont vite volatilisés. Mais tous les quatre ont été révoqués de la Fonction publique».
Il évoque un défi qui handicape la lutte contre ce phénomène. «Au niveau de l’administration, l’enseignant est révoqué d’urgence pour décourager ce comportement. Mais, le côté juridique reste un défi. Parfois, ces auteurs tentent des arrangements à l’amiable par la corruption».
Le directeur de l’enseignement dans la province de Kayanza fait savoir qu’il est difficile de savoir qu’un professeur est un ‘’loup au milieu des brebis’’.
D’après cet éducateur, il est également difficile pour un élève d’échapper à ce genre de piège. «Le professeur exerce une certaine autorité morale sur l’élève».
M. Hatungimana souligne dit qu’il a initié une campagne de sensibilisation pour faire face à ce fléau et fait savoir que ses efforts ont déjà produit des effets. «L’année dernière, les chiffres des cas de grossesse en milieu scolaire faisaient froid au dos. Mais avec la nouvelle sensibilisation, il y’a un progrès remarquable».
Ce directeur indique qu’il a initié un cadre de dialogue entre les enseignants et les directeurs d’écoles. «On se donne des conseils entre collègues et on se rappelle les effets néfastes en cas de déviance».
Il fait remarquer aussi que des enseignantes sont appelées à faire des séances d’écoute et conseils à l’endroit des jeunes filles pour leur parler des conséquences des grossesses précoces.
Il parle aussi de la collaboration avec les Centres de développement familial (CDF) et l’administration pour sensibiliser les familles sur ce fléau.
Le directeur de l’enseignement dans la province de Kayanza affirme que depuis le début de cette année scolaire, les cas de grossesses en milieu scolaire ont sensiblement diminué.
Dans la province Kayanza, les chiffres de jeunes filles qui tombent enceintes sur le banc de l’école ont été alarmants durant l’année scolaire précédente.