Les autorités tanzaniennes ont entrepris une vaste campagne pour inciter des réfugiés burundais à rentrer. Ces derniers craignent un imminent rapatriement « forcé ». Plusieurs organisations tirent la sonnette d’alarme.
Des paroles et des actes de hautes autorités tanzaniennes qui sonnent comme des menaces pour les réfugiés burundais.
Les discours parlent de paix et de la sécurité qui règnent au Burundi. Les réfugiés ne doivent pas traîner les pieds. Le ministre de l’Intérieur tanzanien, lors d’une visite au camp de Nduta le 24 juillet lance. « Ceci est un dernier avertissement. Tout le monde doit se faire inscrire sur la liste de rapatriement volontaire.»
Et le gouverneur de Kigoma d’enfoncer le clou le lendemain. « Celui qui va s’opposer à cette décision sera mis sous les verrous par la police tanzanienne,» prévient Emmanuel Maganga. Kigoma abrite à lui seul les camps de Nyarugusu, Nduta et Mtendeli.
Les autorités passent aux actes et interdisent toute activité génératrice de revenus. Dans un communiqué sorti ce samedi 28 juillet, le patron du camp de Mtendeli annonce la fermeture de commerce, bars et restaurants, Guest house, transport en moto. Des réfugiés de ce camp y voient une opération destinée à les affamer et les contraindre à rentrer. Certains vont opter pour le retour au pays natal, d’autres demandent à la Tanzanie de leur chercher un autre pays d’accueil.
Une rhétorique de Ngara
Pour rappel, John Pombe Magufuli avait tenu des propos mielleux à l’endroit « de son frère» qui a ramené paix et sécurité dans son pays, le 20 juillet 2017, lors de la visite de Nkurunziza à Ngara en Tanzanie. Reprenant la rhétorique de Bujumbura « du tout va bien », le Tanzanien était allé plus loin accusant le HRC de gonfler les chiffres et d’empêcher les réfugiés burundais de rentrer.
Et le ministre de l’Intérieur d’alors avait fustigé le comportement du Haut-Commissariat aux Réfugiés. Les réfugiés avaient organisé des manifestations, protestant contre le HCR qui « ne facilite pas leur retour. » A cette occasion, le ministre M. Mwigulu Nchemba avait martelé : « Vous êtes très heureux de les accueillir comme réfugiés, mais quand il s’agit de les aider à rentrer, le HCR regarde ailleurs. Tous ces camps sont désormais superflus. Il faut les fermer … »
Le récent rapport du HCR du 30 juin parle de 237 mille réfugiés burundais vivant sur le sol tanzanien. L’accord tripartite entre ce pays, le Burundi et HCR sur le rapatriement a été mis en place. Il prévoit de rapatrier 2.000 personnes par semaine depuis le 5 avril jusqu’au 31 décembre 2018. Au total pas moins de 72.000 réfugiés burundais souhaitent retourner dans leur patrie d’ici fin 2018.
Le dernier rapport du HCR du 31 mai 2018 parle de plus de 396 mille réfugiés burundais. La plupart sont essentiellement basés en Tanzanie, au Rwanda et en RDC. Cette organisation onusienne fait face actuellement à des difficultés financières. Elle parle d’un besoin de plus 391 millions de dollars pour venir en aide à ces Burundais en exil « tombés dans l’oubli ».
Les refoulés du Rwanda
Les autorités rwandaises parlent de personnes en situation irrégulière et non des réfugiés reconnus et enregistrés par le HCR.
Par ailleurs, une certaine tension régnait au camp de Mahama le mois dernier suite aux récentes attaques opérées dans ce pays. Le 17 juillet, la police rwandaise a investi le camp, pour une opération de contrôle et de fouille surprise. Des centaines de personnes sans papiers ont été embarquées par la police.
Dans la foulée, le Président Pierre Nkurunziza s’est rendu ce 30 juillet dans la commune de Vumbi de la province de Kirundo, objectif : rencontrer les refoulés du Rwanda. Il était accompagné du ministre de l’Intérieur, de la Justice ainsi que le ministre des Travaux Publics.
Le chef de l’Etat a promis la mise en place dans l’urgence d’une commission chargée de recenser biens ou familles restés au Rwanda. Cet inventaire sera transmis aux organisations internationales afin de procéder à leur restitution.
Pierre Nkurunziza a par ailleurs salué la bonne collaboration de la RDC ainsi que de la Tanzanie en matière de rapatriement des réfugiés burundais se trouvant sur leur sol.
Convention de Genève relative aux réfugiés en matière d’expulsion et de défense d’expulsion et de refoulement
L’article 32 de la Convention de Genève indique que les Etats Contractants n’expulseront un réfugié se trouvant régulièrement sur leur territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public.
2. L’expulsion de ce réfugié n’aura lieu qu’en exécution d’une décision rendue conformément à la procédure prévue par la loi. Le réfugié est admis à fournir des preuves tendant à le disculper, à présenter un recours et à se faire représenter.
3. Les Etats Contractants accorderont à un tel réfugié un délai raisonnable pour lui permettre de chercher à se faire admettre régulièrement dans un autre pays.
L’article 33 de la Convention de Genève sur les réfugiés stipule qu’aucun des Etats Contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.
2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays.