La première promotion de l’école fondamentale vient de sortir. Pour ceux qui échoueront, est prévue une formation dans les Centres d’Enseignement des Métiers (CEM), dont la plupart sont dans un état peu reluisant.
Dossier réalisé par Diane Uwimana, Clarisse Shaka, Cyrille Niyongabo, Félix Nzorubonanya et Jackson Bahati
Des locaux usés, faible capacité d’accueil, insuffisance d’équipements et de moyens, programme non encore connu… C’est le constat observé dans quelques CEM visités de la capitale.
10h au CEM de la zone Musaga. Six petites salles plus ou moins usées. Dans l’une d’elle, des machines à coudre se font entendre. C’est la filière de couture. Une dizaine de jeunes femmes cousent. Ce centre accueille déjà, depuis 2000, des élèves qui n’ont pas été capables de continuer le secondaire.
A quelques mètres de là, un bâtiment à moitié construit. Des herbes ont poussé à l’intérieur. La préfète de ce centre, Jacqueline Nahimana, confie que ce sont les élèves qui ont eux-mêmes construit cette école. « Pas d’argent pour mettre la toiture… »
Le CEM de Musaga ne comprend que deux filières : la couture et la maçonnerie. La préfète dénonce une capacité d’accueil très insuffisante. Chaque filière accueille normalement au maximum 30 élèves. « Où iront ceux qui vont échouer l’école fondamentale ? », se demande-t-elle.
Cette dernière évoque également un manque criant d’enseignants. « La plupart ont l’âge de la retraite. »
La crise n’a pas épargné les CEM
Le CEM de Musaga bat de l’aile depuis le début de cette crise. Et pour cause : « Les bailleurs ont suspendu l’aide », indique Mme Nahimana. Et d’ajouter en montrant du doigt le bâtiment à moitié construit : « Ce vieux bâtiment serait aujourd’hui une école de deux classes n’eût été le problème de moyens. »
Même constat au CEM de la zone Kinama, sauf que les locaux sont en bon état. Le centre comprend trois filières : la couture, la menuiserie et la soudure.
La directrice de ce centre, Fidélité Nibigira, dénonce également le manque criant d’équipements. Les enseignants font aussi défaut. La filière de l’hôtellerie a dû être fermée par manque d’enseignants. Mme Nibigira déplore également l’absence d’autres filières comme la mécanique, l’informatique… « Ce sont des métiers générateurs d’emplois. »
Ces deux responsables d’établissement affirment ne rien savoir du déroulement de ces enseignements de métiers. « Pas de programme, de calendrier, de certificat qui sera attribué aux élèves… nous n’en savons rien !», déplore la préfète du CEM de Musaga.
Quid des provinces ?
Ouest-Cibitoke/ Les CEM non encore construits !
Aucun centre d’enseignement des métiers n’est encore construit dans les six communes de la province Cibitoke. Seuls neuf établissements servent d’écoles de métiers dans cette localité. Selon Egide Ngendambizi, le directeur provincial de l’Enseignement à Cibitoke, six écoles sont publiques et trois autres privées. « Pour plus de 920 élèves qui ont passé le test post fondamental, sûrement qu’il y aura ceux qui échoueront et intégreront ces centres », souligne-t-il.
Il fait savoir que l’administration et l’enseignement vont travailler en synergie pour que les deux promotions parallèles puissent avoir des places suffisantes. « Les 24 zones que composent la province de Cibitoke ont une obligation de construire au moins une salle de classe », précise-t-il. De plus, les classes de 10ème année vont servir pour ces CEM.
Les administrateurs communaux de la province Cibitoke indiquent que le processus de construction de ces CEM est en cours. « Nous attendons l’ouverture des enveloppes de passation des marchés afin que les travaux de construction démarrent, » indique Jean Bosco Musafiri, le conseiller technique chargé du développement de la commune Buganda.
Nord-Ngozi/ Les devis de construction ont été revus
« Les écoles de métiers dans toutes les communes de la province Ngozi seront transformés en CEM, » fait savoir Désiré Nitonde, le directeur provincial de l’Enseignement à Ngozi. Selon lui, c’est pour donner accès aux élèves qui n’auront pas la chance de poursuivre la formation post-fondamentale.
Il souligne, toutefois, que les classes seront encore insuffisantes en septembre à la rentrée scolaire 2016-2017. « Certaines communes ont présenté des devis de CEM pour un montant exorbitant. Cela a poussé le ministère du développement communal à suspendre ce projet qui devait être financé par le FONIC. Pour un devis d’un seul CEM, qui était estimé à 200 millions, ce coût a été revu à la baisse jusqu’à 60millions.»
D’après ce directeur provincial, les écoles construites lors des travaux communautaires sont les plus avancées. « Il s’agit généralement d’une école de trois classes par commune. Ce qui est trop insuffisant », s’indigne M.Nitonde.
Pour pallier ce défi, selon des sources dignes de foi, une loi instituant une taxe éducation sortira prochainement pour pouvoir équiper ces CEM. D’après toujours ces sources, vu que les 500 millions de Fbu alloués aux communes pour des projets annuels ont été suspendus, il serait difficile d’ériger et d’équiper ces classes sans aucun appui.
Centre-Gitega/ Quatre CEM dans 11 communes
Aucun centre d’enseignement de métiers n’est encore érigé dans les 11 communes de la province de Gitega. Seuls quatre anciennes écoles de métiers accueillaient les lauréats de la 10ème après orientation.
Contacté, le directeur provincial de l’Enseignement à Gitega n’a pas voulu donner plus de détails sur le processus de construction de ces CEM.
Sud-Rumonge/ Cinq CEM fonctionnels dans toute la province
Selon Vénant Barakanyikana, chargé du service de la planification à la direction provinciale de l’Enseignement à Bururi, cinq centres d’enseignement de métiers sont déjà fonctionnels dans cette province. « Nous accueillerons tous les élèves qui ne vont pas reprendre la 9ème année fondamentale, mais qui désirent embrasser l’enseignement des métiers. »
Pour lui, ces CEM pourront accueillir beaucoup d’élèves s’ils se focalisent sur les filières comme la menuiserie, la couture, la maçonnerie, la tôlerie, la soudure ainsi que la mécanique. « Nous espérons que grâce au fond du FONIC, chaque commune pourra construire un seul CEM et l’équiper. »
Certains parents restent sceptiques et estiment que les plus nantis vont inscrire leurs enfants dans d’autres écoles « où l’éducation est de meilleure qualité. » Ils demandent au gouvernement d’organiser des Etats généraux de l’éducation afin de faire une évaluation à mi-parcours de l’enseignement en général et de l’enseignement fondamental en particulier.
Encore du pain sur la planche !
Plus de 216.000 de la 9ème fondamentale et de 10ème ont passé le concours de certification et d’orientation, édition 2016. Le gouvernement fait le point sur la situation des CEM au niveau national.
« Sur les 243 centres d’enseignement de métiers nécessaires pour accueillir les lauréats de l’école fondamentale, 111 sont déjà disponibles dans 72 communes et 80 seulement sont fonctionnels », fait savoir Pascal Nshimirimana, directeur général de l’enseignement de métiers et de l’alphabétisation.
Il indique que le gouvernement a pris un engagement de construire 117 CEM dans 57 communes prioritaires. Et d’ajouter : « Parmi eux, 15 CEM seront construits pendant les travaux communautaires, la procédure est en cours. »
Selon Janvière Ndirahisha, la ministre de l’Education et de la Recherche scientifique, ces centres vont accueillir les élèves qui auront échoué l’école fondamentale. « Auparavant, les écoles professionnelles de métiers recevaient tous les élèves qui échouaient provenant de n’importe quelle classe en commençant par la 5ème année. Mais avec ce nouveau système, les lauréats de l’école fondamentale seront privilégiés.»
De surcroît, poursuit-elle, l’orientation des lauréats dans différentes filières se fera sur base des résultats du concours pour le post-fondamental. Elle assure que cette opération sera conduite de manière transparente et équitable en fonction des places disponibles.
« Six mois de formation au lieu de trois ans »
D’après Pascal Nshimirimana, les lauréats des CEM, dont les pré-requis étaient auparavant de la 6ème année, seront désormais de la 9èmefondamentale. « Il y aura une adaptation des programmes modulés qui étaient sur trois ans pour une formation accélérée de six mois dans les filières choisies par les communautés. Cela nous permettra de délivrer des certificats à deux cohortes par an. »
Cependant, poursuit-il, du point de vue technique, le ministère a privilégié la filière agri-élevage d’autant que plus de 90% de la population pratique cette filière de façon traditionnelle. « Chaque commune qui proposera des filières innovantes devra chercher elle-même son formateur et l’équipement. Seuls, les programmes seront élaborés par les techniciens du ministère. »
M.Nshimirimana signale qu’il peut y avoir une mutualisation des formateurs et des équipements pour les communes qui le désirent. « Elles peuvent emprunter ou prêter du matériel didactique à celles qui n’en ont pas. Et pourquoi pas des formateurs !»
Ce cadre du ministère de la Fonction publique fait remarquer que l’élaboration des programmes de formation est aussi en cours, en plus des filières existantes, telles que les centres de formation professionnelle. Et de préciser : « Il y aura entre autres la couture, la menuiserie, la soudure, l’hôtellerie, la maçonnerie, la plomberie, la bureautique, l’électricité domestique, la maroquinerie, etc. »
En mairie de Bujumbura, poursuit-il, les programmes toucheront d’autres domaines. « Les lauréats vont se focaliser sur la coiffure, la décoration, l’habillement, la production audio-visuel, la transformation agro-alimentaire, etc.
Nous prévoyons de former au maximum 120 lauréats par cohorte. »
Le personnel et l’équipement, un casse-tête pour les CEM
Selon Pascal Nshimirimana, 900 enseignants (450 vétérinaires et 450 agronomes) sont nécessaires pour pouvoir dispenser les modules dans les 117 CEM restants de 57 communes. Auxquels il faut ajouter 570 administratifs.
Ce cadre du ministère souligne que chaque commune doit contribuer à hauteur de 21 millions de Fbu pour pouvoir équiper un seul CEM, selon ses besoins. « Si ces communes veulent réellement se développer, elles doivent s’y engager et construire ces écoles.»
Au cours de la formation, les lauréats auront droit à des notions en entrepreneuriat. « Pour une meilleure insertion, il y aura à la fin de la formation l’identification d’un projet à exécuter par groupe ou individuel afin qu’ils soient accompagnés. »
Après validation, M. Nshimirimana confie que le gouvernement va les appuyer dans l’obtention du crédit à travers les conventions de partenariat avec les microfinances. « C’est une façon de contourner la mise sur le marché de leurs kits de démarrage. Les lauréats doivent rembourser ces crédits sous l’œil bien sûr vigilant du gouvernement. »
Signalons que ceux qui vont réussir le concours de certification vont intégrer les cinq filières au post-fondamental : section scientifique, section des langues, section économique, section pédagogique et section des sciences humaines et sociales. A ces cinq sections s’ajoutent les différentes filières de l’enseignement technique et professionnel. Ceux qui vont reprendre l’année, qu’ils proviennent de la 9ème fondamentale ou de la 10ème du collège, reprendront tous la 9ème fondamentale.
Réactions
Cynthia, une élève : « Les métiers ? Je n’y comprends rien ! »
Cette élève de la 9ème année du Lycée Municipal de Musaga ne se voit pas dans l’école des métiers : « Nous ignorons jusque-là les programmes de cet enseignement.» Je suis sûre que les enseignants ne seront pas suffisamment formés car même ceux de l’école fondamentale ne le sont pas.
Cynthia affirme qu’elle n’oserait même pas dire aux gens qu’elle fréquente l’école des métiers à son âge (14 ans). « Les métiers, c’est pour les grandes personnes », lâche-t-elle avec un sourire innocent. Elle confie qu’elle aimerait faire les lettres ou les sciences. « J’espère que je réussirai au concours ! », conclut-elle, la mine apeurée.
Jacqueline Nahimana, parent : « Où vont nos enfants ? »
Ce parent est on ne peut plus inquiet : « Il ne reste que trois mois, le programme n’est pas encore établi, les écoles de métiers sont trop insuffisantes… », se lamente cette mère de Musaga. Cette dernière déplore aussi l’insuffisance des métiers. Il faudrait la mécanique, la soudure, etc.
Pour elle, c’est tout le système qui est raté. « Les problèmes commencent à l’école fondamentale. Un programme surchargé qui ne correspond pas au niveau des enfants, des profs non formés… ».
Jérôme Bizindavyi, syndicaliste : « Les élèves ne sont pas aptes à apprendre des métiers. »
Ce syndicaliste du Steb et enseignant en 9ème estime que les élèves ne sont pas prêts à apprendre les métiers. Il confie également que la plupart de ses élèves ne réussiront pas au concours, vu leurs capacités. Le problème le plus grave, pour lui, est le manque d’enseignants.
Je pense que ce programme d’école fondamentale a été conçu et mis en œuvre dans la précipitation peut-être pour des fins électoralistes . C’est du populisme. On ne peut pas envisager des écoles de métiers dans tout le pays avant d’avoir résolu le problème d’énergie . Comment est ce qu’on va apprendre la soudure à Cendajuru sans électricité ? Il ne suffit pas de penser la nuit à un programme la nuit et le déclarer à la population le jour sans avoir prévu les mesures d’accompagnement. Où vont ils trouver ces enseignants qui sont déjà insuffisants pour l’Ecofo?
Quel gachis!!! A la Tele, une reponse tomba un jour: …..ces ecoles des metiers ne doivent pas commencer necessairement en septembre!….En realite, il est plus cher de concevoir/elaborer un programme complet, de financer et acheter tout le materiel necessaire pour une formation de metier. La soudure, il ces appareils mais aussi le courant consistent. Idem pour l’informatique, la menuiserie, la maconnerie, la plomberie etc…
« IF YOU FAILED TO PLAN, YOU PLAN TO FAIL. » On ne parachute pas un changement d’un systeme educatif d’une nuit a l’autre. La signature est du parti au pouvoir. Des milliers de jeunes en souffriront.
Est-ce pour cela que on est entraim de tricher la correction du concours en « offrant gratuitement » des points aux laureats des zones ou le parti a plus de sympatisants? Le jeu etant joue en disant que seuls les natifs doivent corriger leur region d’origine??
On aurait pu sauver des millions d’enfants si on avait mis suffisamment de moyens humains et matériels dans la réalisation de ce formidable programme. Mais voilà, le choix a été fait de mobiliser tous ces moyens pour sauver un seul homme et sa petite équipe.