Les patients au centre de santé de Rugombo en province Cibitoke se disent négligés par les infirmiers. D’après le responsable de ce centre, 14 infirmiers ne peuvent pas servir 56 mille personnes.
A l’entrée du centre, on aurait l’impression que tout va bien. L’enregistrement des enfants va bon train. Les femmes font la queue dans le corridor pour faire vacciner leurs enfants.
Derrière ce bâtiment se trouve la salle d’accueil. Une quarantaine de femmes y sont assises. Elles veulent se faire enregistrer pour être admises au service de consultation. L’agent faisant l’enregistrement se dit débordé : «Nous avons déjà enregistré plus de 70 malades adultes. Le nombre d’enfants dépasse de loin celui des adultes.»
Lundi 4 février. Il est 11h. Au niveau du service consultation, c’est la désolation totale. Quelques centaines de patients, certains accompagnés de leurs proches, attendent désespérément d’être accueillis. Un bon nombre sont des enfants qui agonisent. Ils sont allongés par terre sans couverture. Certains enfants toussent et d’autres vomissent. Tous gémissent de douleurs. Les mamans observent leurs enfants souffrir. Mines renfrognées, elles ont l’air fatigué.
Grâce, une petite fille de 4 ans allongée par terre, respire avec peine. Elle transpire beaucoup, n’arrête pas de pleurer. Sa mère, Consolate Ndikumana, portant un bébé d’une année au dos, se dit abattue et fatiguée. « Je suis debout depuis le matin, j’ai faim ». Elle est originaire de Rubuye à 5 km du centre de santé.
Découragée, cette mère soutient que sa fille ne dort pas la nuit. Elle a une fièvre et des vomissements. « Elle nous dit qu’elle souffre beaucoup. Elle n’arrive plus à tenir debout», précise la maman. Enfin, la mère de l’enfant pousse un ouf de soulagement. Son enfant s’endort.
L’attente perturbe le quotidien de sa famille. Remontée, Consolate est arrivée très tôt le matin. Elle espérait retourner à la maison pour préparer le repas de ses autres enfants qui sont à l’école. Consolate craint qu’ils ne manquent à manger.
Anne, habitant à 5 km de ce centre de santé, se dit déçue par les services de santé publique : « C’est catastrophique. Je suis arrivée ici à six heures du matin. Il est 11h, j’attends encore la consultation.»
Chantal, sa fillette de trois ans, souffrante depuis la veille, ne cesse de vomir. Sa mère est inquiète car l’état de santé de son enfant se détériore de plus en plus. « Je ne sais pas quoi faire. Je ne peux pas payer les soins de santé dans les centres de santé privés», se lamente cette maman découragée.
A côté d’elle, une autre femme épuisée. La sueur coule sur le visage. Elle ne peut pas se retenir : «Je suis arrivée la première, mais aucun enfant n’a été reçu depuis le matin».
Plus grave encore, Marcelline, qui accompagne sa fille au centre de santé, est désespérée. Sa fille Alice court le risque d’une fausse couche : « Elle va très mal, elle a une grossesse de 6 mois.» Démoralisée, Marcelline précise que sa fille vient de passer plus de trois heures d’attente.
La pharmacie et le laboratoire clos
Assise par terre, Alice balbutie entre ses dents qu’elle ne peut pas tenir debout. «J’ai des vertiges. Je saigne du nez ».
La tête dans ses bras, sa mère s’irrite à cause de «l’indifférence du personnel soignant qui n’a pas daigné offrir ne serait-ce qu’un regard vers elle ».
Elle supporte mal de voir les infirmiers faisant la navette de la salle de consultation à l’accueil. « Personne ne se soucie de ces enfants et femmes souffrants exposés sous un soleil de plomb ». Si elle savait qu’elle ne serait pas soignée, regrette-t-elle, elle serait restée à la maison. « Je préférerais mourir chez moi. A quoi bon venir dans un centre de santé dont le personnel est indifférent à nos souffrances ?»
Le même phénomène s’observe du côté de la pharmacie. Il est 11 h 05. Les portes de la pharmacie sont verrouillées. Une dizaine de patients font la queue. Ce sont les adultes consultés à 9 h 30, qui attendent toujours des médicaments.
Nestor Ahigombeye, un diabétique, ne cache pas son désarroi : «Ce n’est pas un cas isolé. Ce problème s’observe souvent.» Ce sexagénaire, originaire de Munyika II, témoigne qu’il s’est habitué.
Il est rare que les infirmiers soignent avant 10h. Il les accuse de manquer de professionnalisme. « Ils n’aiment pas les patients ».
Il vient se faire soigner dans ce centre de santé parce qu’il n’a pas d’autre choix. « Si cette situation persiste, la population mourra un à un.»
Insuffisance du personnel soignant
Du côté du laboratoire, c’est le même scénario. Devant les portes fermées, une vingtaine de patients font la queue. Ils se demandent pourquoi le laboratoire reste fermé, alors que des infirmiers sont là, désœuvrés. « Ils sont dans les bureaux. Ils causent».
Cette femme venue faire soigner son enfant de 8 ans n’en revient pas : «Les infirmiers s’adressent aux patients avec un ton sévère. Venir se faire soigner ici, c’est les déranger !» Et de déplorer que le patient réclamant ses droits soit considéré comme un rebelle.
Jean-Paul Nsabimana, responsable du centre de santé de Rugombo, reconnaît les griefs de la population et les retards dans les services qui accueillent les patients. D’après lui, c’est parce que l’un des infirmiers est alité.
Il évoque aussi l’insuffisance du personnel. Ce centre de santé ne compte que 14 infirmiers sur une population de 56 mille habitants. « Nous accueillons plus de 500 patients par jour. Nous dépassons de loin l’hôpital de Mabayi ». Si l’un des infirmiers s’absente, observe-t-il, tous les services sont paralysés.