L’équipe de la nouvelle CENI a été votée en catimini et à la hâte par les parlementaires, le 4 décembre, causant la stupéfaction de plusieurs acteurs politiques. Pour eux, le pouvoir, calme et arrogant face à cette indignation, prépare un mauvais coup pour les élections de 2015.
<doc6318|left>La nouvelle a surpris tout le monde. Dans l’édition de la mi journée de plusieurs radios en synergie ce mardi, la nouvelle tombe : les députés viennent de voter la nouvelle liste de la CENI. Sur 100 députés présents, 97 pour, deux abstentions et un contre. Ce vote ne figurait pas sur l’ordre du jour. Pourtant, il semble que les dés étaient déjà jetés dès le week-end.
Mardi, à 8h30, le président de l’Uprona convoque les membres du groupe parlementaire de son parti à la permanence nationale, Kumugumya. Charles Nditije leur apprend que le président de l’Assemblée nationale l’a appelé dimanche pour lui dire qu’il y a une liste, non négociable, envoyée par la présidence de la République. Sur cette dernière figurent les noms des membres de la nouvelle Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). A prendre ou à laisser. Après quelques discussions, la majorité de ces honorables, résignés par l’exigence présidentielle, accepte. Seul Poppon Mudugu vote contre dans l’hémicycle.
<doc6317|right>Pourtant, les même raisons qui avaient poussé les parlementaires upronistes à refuser la première liste n’ont pas changé. Pierre Claver Ndayicariye et Prosper Ntahorwamiye reviennent comme président et porte-parole de la CENI. Ces derniers avaient été rejetés par les députés upronistes, accusés d’avoir mal travaillé lors des élections de 2010. Mais, avant le vote de ce mardi, Pie Ntavyohanyuma a rassuré les parlementaires, en déclarant que les présidents des partis représentés à Kigobe ont été consultés et ont donné leur accord.
Des réactions indignées, intéressées, arrogantes, …
Mais, pour le député Mudugu, ce qui est plus étonnant, c’est que le président de l’Assemblée nationale déclare qu’il y a une liste à voter envoyée par la présidence, comme si elle n’avait rien à y redire. Il indique que reconduire MM. Ndayicariye et Ntahorwamiye est un signe de reconnaissance du pouvoir à leur endroit.
L’ADC-Ikibiri, par le biais de son porte-parole, Chauvineau Mugwengezo, compare aussi cette reconduction à une marque de reconnaissance du travail de la CENI de 2010 qui a cautionné une fraude électorale. Pour lui, cette reconduction n’augure rien de bon pour les élections de 2015.
Quant à Jacques Bigirimana, du FNL, ce vote les a « touchés très négativement » parce que le pouvoir n’a pas associé les partenaires politiques. Et il trouve « dangereux de se foutre des autres partenaires politiques. »
Pour Evariste Ngayimpenda, président du courant de réhabilitation de l’Uprona, cette reconduction « préfigure la volonté d’amplifier les tricheries dont ils ont été accusés lors des élections de 2010. » Et il condamne l’allégeance de certains upronistes au Cndd-Fdd.
<doc6320|right>« Etes-vous sûr que ceux qui la décrient vont participer aux élections? Il faut privilégier l’intérêt national », a déclaré sur RFI Pascal Nyabenda, président du Cndd-Fdd.
Charles Nditije, président de l’Uprona, estime qu’approuver cette liste était dans l’intérêt du processus électoral : « Créer un environnement plus ou moins apaisé pour continuer le processus plutôt que de gâcher à cause de deux personnes. » M.Nditije reconnaît que la première liste avait été rejetée à cause de Pierre Claver Ndayicariye et Prosper Ntahogwamiye : « Mais s’ils reviennent, il vaut mieux accepter le compromis et baliser, par la suite. »
Le pouvoir a reconduit ces deux membres de la précédente CENI pour leur compétence intellectuelle et technique lors des élections de 2010. A côté des ces raisons objectives, on peut se hasarder à croire que cette reconduction est liée à un remerciement pour les services rendus à la nation. Avec, comme conséquence, que ces gens reconduits seront plus compétents pour justifier cette confiance placée en eux. Pourtant, cette compétence et ces services rendus au pays sont contestés par certains acteurs impliqués dans le processus démocratique. De là à se demander si cette reconduction vise à consolider ou détruire la démocratie par une logique de provocation mobilisée par le Cndd-Fdd et ses alliés, il n’y a qu’un pas.
<doc6319|left>Une provocation qui viserait à créer des frustrations qui pourraient amener l’ADC-Ikibiri à décider de ne pas participer aux élections de 2015. Ce qui est confirmé par la déclaration de Pascal Nyabenda à la RFI. Mais, d’après l’alliance, ces frustrations renforcent leur idéologie de la démocratie et légitime leur combat contre les moyens colossaux utilisés par le pouvoir pour les déstabiliser.
Car, des moyens, le pouvoir en a. Le vote de cette liste est passé comme lettre à la poste. Alors qu’il ne figurait même pas sur le calendrier du jour, cette liste a été votée à une très grande majorité par l’Assemblée nationale et approuvée par le Sénat le jour même. Ce qui est logique, vu que le parti au pouvoir a une majorité écrasante au parlement et que les autres représentants du peuple sont des partenaires fidèles.
Cette fidélité est entretenue par le pouvoir qui encourage le suivisme par rapport à sa ligne politique pour en récolter les dividendes économiques. Mais il l’entretient également face à certains partenaires upronistes, comme le suppose une certaine opinion, en tenant en otage l’issue du procès qui les oppose au courant de réhabilitation de l’Uprona. Pour rappel, la Chambre administrative de la Cour suprême avait donné raison à ce courant juste après que les députés de l’Uprona aient rejeté la première liste de la CENI en septembre dernier.