Mercredi 30 octobre 2024

Politique

CENI : L’impasse

CENI : L’impasse
Deux mois avant la fin du mandat de la Commission, Pierre-Claver Kazihise, président de la CENI, avait annoncé l’élaboration d’un nouveau code électoral.

Arrivés au terme de leur mandat à la fin du mois d’août dernier, les membres de la Commission électorale nationale indépendante n’ont pas vu leur mandat prorogé. Un spécialiste interrogé déplore le fait que l’Etat n’a jamais réellement pris au sérieux cette commission.

Nommés par décret présidentiel du 27 août 2018, le mandat des membres de la Commission électorale nationale indépendante est de cinq ans non renouvelables (Article 19 de la loi régissant la CENI). Avec la fin du mandat de la Commission actuelle présidée par Pierre-Claver Kazihise, l’article 23 de la même loi régissant la CENI prévoit qu’en cas de nécessité, le mandat des membres de la CENI peut être prorogé pour une période n’excédant pas six mois.

Cette période, précise le même texte, peut aller au-delà de six mois sans toutefois dépasser douze mois. Pour un politologue joint par Iwacu, cette impasse n’a rien d’inédit. « L’expérience a toujours montré que l’Etat n’accorde aucune importance à la Commission électorale nationale indépendante. Elle sert juste d’outil pour se maintenir au pouvoir ».

Concernant l’élaboration d’un nouveau code électoral annoncée par la CENI il y a quelques mois, le spécialiste parle ‘’d’effet d’annonce’’. « Jusqu’à très récemment, la Commission électorale nationale indépendante ne s’est jamais prononcée publiquement sur le contenu du nouveau code. Alors même qu’elle était la mieux à même de connaître les failles du précédent code en vue de l’améliorer ».

Quant aux tâches quotidiennes dues à la CENI à l’exemple du remplacement des administrateurs communaux récemment démis de leurs fonctions, le professeur d’université est formel. « Avec les autres instances qui se retrouvent impliquées dans ces destitutions (Ministère de l’Intérieur, etc.), la Commission électorale n’a vraiment plus son mot à dire ».

Une CENI en ordre de bataille deux mois avant son terme

« La CENI réfléchit sur l’amendement de certaines dispositions de la loi électorale actuelle et les propositions qui seront transmises aux autorités habilitées, tenant compte des recommandations des partenaires électoraux et de la nouvelle loi portant détermination et délimitation des provinces, des communes, des zones et des collines/quartiers », avait fait savoir Pierre-Claver Kazihise, président de la CENI, dans un point de presse du 19 juin dernier.

Selon lui, le travail de cartographie électorale avait déjà commencé et devait continuer sur le terrain dans les zones, communes et provinces pour identifier de manière précise les centres d’inscription qui deviendraient plus tard des centres de vote : « Les données que nous avons aujourd’hui correspondent aux anciennes délimitations des entités administratives du pays. Il nous faut maintenant appliquer la nouvelle loi sur la délimitation territoriale ».

Il a confié, à l’issue de ce point de presse, que la CENI prévoyait aussi la formation et renforcement de capacités de ses experts pendant cette période pré-électorale. Pour lui, les élections exigent un personnel techniquement capable et psychologiquement préparé : « L’organisation des élections fait appel à des compétences variées, techniques et managériales, sans oublier les aspects humains d’intégrité et de patriotisme ».

En outre, a-t-il ajouté, la commission électorale allait mener des séances d’éducation à la démocratie surtout pour les plus jeunes qui voteront pour la première fois et organiser les échanges de sensibilisation pour les autres partenaires électoraux, dont les partis politiques, la société civile, les confessions religieuses, l’administration, les femmes, la magistrature et les organes de sécurité.

Contacté, le président de la CENI a promis de s’exprimer ultérieurement.


Réactions

Simon Bizimungu : « Incompréhensible »

Simon Bizimungu : « Jamais, moi je suis secrétaire général et le président du parti est Agathon Rwasa. Le reste c’est de la comédie que ces gens sont en train de jouer actuellement »

Pour le secrétaire exécutif du parti CNL, il est incompréhensible qu’un organe comme la CENI termine son mandat et que rien ne soit révélé jusqu’à cette date. « Si la CENI fonctionne actuellement, elle travaille en violation de la loi régissant cette dernière, car le mandat des commissaires a pris fin le 31 août 2023 », souligne-t-il. Avant d’ajouter : « On se demande si ce mois d’août ces commissaires vont bénéficier de leur traitement pécuniaire ou pas. »

Il appelle au respect de la loi. « Le mandat de l’équipe actuelle a pris fin. Il faut faire des consultations avec les acteurs politiques clés de ce pays pour mettre sur place une autre équipe de la CENI qui sera capable d’assurer son indépendance lors de la préparation des prochaines échéances électorales. »

M. Bizimungu s’oppose à la reconduction de l’équipe actuelle. « Il faudra la changer. Car, cette dernière n’a pas été à la hauteur de sa tâche compte tenu de ce qui s’est passé lors des dernières échéances électorales de 2020. »

Vu la tâche qui attend la CENI pour 2025, Simon Bizimungu se dit très inquiet : « Il y a lieu de se demander la raison de ce retard dans la mise en place de la nouvelle équipe ou des consultations pour sa constitution.»

Kefa Nibizi : « Il faut songer à son renouvellement surtout en commençant par le sommet »

Malgré la fin du mandat de la CENI, le président du parti CODEBU, espère, quant à lui, que les instances habilitées pour son renouvellement est à l’œuvre pour que d’ici peu, on puisse avoir une nouvelle CENI conformément aux dispositions légales qui régissent cette institution. « Il n’y a pas à beaucoup s’inquiéter. Tout simplement, c’est un appel que nous lançons aux autorités compétentes pour qu’elles puissent organiser d’une façon ou d’une autre une large consultation afin qu’on puisse avoir une CENI qui rassure tout le monde. »

Pour l’être, M. Nibizi indique qu’elle doit comprendre des personnalités qui puissent rassurer tous les partenaires du processus électoral. « Nous espérons que les partis politiques de toutes les tendances devraient être représentés à la majorité. Et que certainement, les membres de la société civile souvent sollicités ne puissent pas accaparer toute l’équipe. »

Il met en garde que parfois, des membres de la société civile sont partisans d’un camp politique.

Il signale aussi que, s’il y a nécessité de maintenir certains membres qui composent la CENI, on devrait examiner profondément leurs prestations et demander les appréhensions des acteurs politiques sur eux. « Parce que la CENI telle qu’elle est composée n’eût-été la souffrance que la classe politique avait connue en 2015, la façon dont elle a dirigé les élections de 2020 auraient dû susciter d’autres difficultés. On a vu que c’était une CENI techniquement incompétente ou de mauvaise volonté. »

D’après lui, l’équipe actuelle n’a pas pu bien travailler. « Il faut songer à son renouvellement surtout en commençant par le sommet afin que le processus électoral de 2025 puisse être le mieux organisé, le plus rassurant que les autres processus du passé »

Hamza Venant Burikukiye : « Il n’y a pas à s’inquiéter »

« Même si le mandat de la Ceni a pris fin le 31 août 2023, en attendant leur remplacement ou renouvellement, je pense qu’il n’y a pas à s’inquiéter.  L’équipe actuelle poursuit son travail, ses activités », réagit le représentant légal de CAPES+.

Pour lui, s’il advient qu’on change l’équipe, il faut que les nouveaux visages soient des personnalités dignes, des notables justes, indépendants. « C’est cela qui permettra d’avoir un processus électoral apaisé, transparent et qui renforce la démocratie.  Que des Burundais soient dirigés par leurs élus, sans forcing »

D’après Burikukiye, c’est par cette voie que même les projets de développement seront bien exécutés : « Nous avons espoir que notre gouvernement responsable et laborieux va mettre cela en application. »

Gaspard Kobako : « Le minimum serait une prolongation »

Pour Gaspard Kobako, ténor de la politique, dès lors qu’un mandat se termine et qu’on ne nomme pas une nouvelle commission, le minimum serait de procéder à une prolongation. « Et ceci doit se faire par un autre décret. Est-ce qu’on peut se poser la question de savoir si le mandat est tacitement prolongé ? En matière de législation, cela serait un manquement ».

Pour lui, une CENI souvent décriée devrait être renouvelée. « La proclamation des résultats des précédentes élections avait suscité un débat houleux par rapport à cette commission ».

Et de se demander si les membres de la CENI continuent à percevoir leurs honoraires vu que la Commission a terminé son mandat.

Gaspard Kobako s’oppose à la prolongation de l’équipe sortante. Il plaide pour la mise en place d’une autre équipe composée de différentes personnalités et venant de plusieurs tendances pour préparer les prochaines échéances électorales.

 

Nommés par décret présidentiel du 31 août 2018, les membres de la composition de la Ceni sortante sont :

1. Dr Pierre-Claver Kazihise : président

2. Annonciate Niyonkuru : vice-présidente

3. Philippe Nzobonariba : commissaire chargé de l’éducation électorale et de la communication

4. Serges Ndayiragije : commissaire chargé de l’administration et des finances

5. Jean Anastase Hicuburundi : commissaire chargé des opérations, de l’informatique et de la maintenance des équipements

6. Hyacinthe Niyonzima : commissaire chargé des affaires juridiques et du contentieux électoral

7. Marguerite Kamana : commissaire chargé de la logistique électorale et des approvisionnements.

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. arsène

    « Gaspard Kobako s’oppose à la prolongation de l’équipe sortante. »

    Je pense que M. Kobako a raison. L’incompétence de cette équipe a eu un affreux impact sur des millions de Burundais. Savoir que nous payons le salaire de ces personnes est désolant.
    Je me souviendrai longtemps de ce fameux discours au Club des vacances.
    Verbatim:
    La question concernant …euh…, n’est-ce pas …euh… les chiffres qui auraient…euh… enlevés du site web de la CENI, oui, ces chiffres ont été enlevés. En fait, ces chiffres ne devaient pas être publiés parce qu’ils n’avaient pas été contrôlés, n’avaient pas été VISÉS par euuuuuuh…. les membres du bureau de la CENI et c’est normal que des chiffres qui ne sont pas, disons…euuuuuuh OFFICIELLEMENT publiés doivent, n’est-ce pas être retirés. Prochainement, nous mettrons les chiffres que le bureau a visés, contrôlés et vous allez voir que ces chiffres seront probablement …euuuh… plus justes. C’est-à-dire tout simplement, il y a eu la publication d’un draft qui n’avait pas lieu d’être publié.

    C’est hallucinant qu’une équipe ose convoquer les hautes personnalités du pays, les membres du corps diplomatique et des journaliste pour leur présenter un draft. Et après contestation, l’équipe a promis de présenter des chiffres PROBABLEMENT plus justes.

    De toute façon, il y a eu un reliquat de 37 milliards. Rares sont les services ou les projets qui réalisent un tel excédent. Ils peuvent aller travailler ailleurs où ils sont compétents.

  2. Gacece

    « L’expérience a toujours montré que l’Etat n’accorde aucune importance à la Commission électorale nationale indépendante. Elle sert juste d’outil pour se maintenir au pouvoir ».

    Voyons! Donc, selon notre politologue, se maintenir au pouvoir n’est pas important?! Quelle contradiction!

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