Depuis le 1er mars 2023, la limite pour la quotité cessible est de 60 % du salaire net mensuel. Cette décision de la Banque de la République du Burundi (BRB) pourrait précipiter les ménages dans le surendettement.
« Il est plus qu’urgent de limiter la quote-part du salaire pouvant être engagée par les clients salariés pour rembourser leurs crédits, conformément au Règlement relatif à la protection des consommateurs des produits et services financiers », a annoncé la Banque de la République du Burundi (BRB) dans une correspondance du 10 février 2023.
Selon la Banque centrale, l’objectif est d’éviter le surendettement des clients du secteur bancaire et de celui de la microfinance et ses effets néfastes tant sur le bien-être de la population que sur la résilience des établissements de crédit et des institutions de microfinance. Pour rappel, les articles 214, 218 et 219 de la Loi n° 1/11 du 24 novembre 2020 portant révision du Décret-loi n° 1/037 du 7 juillet 1993 portant révision du Code du travail du Burundi stipulent que les retenues sur les salaires des travailleurs en faveur de leurs créanciers ne peuvent dépasser 1/3 du salaire mensuel net.
« En tenant compte du fait que les établissements de crédit et les institutions de microfinance considèrent éventuellement toutes les sources de revenus pour déterminer la quotité cessible, il vous a été demandé de respecter, dès le 1er mars 2023, une limite de 60 % du salaire net mensuel pour les nouveaux crédits et/ou ceux à renouveler, pour l’encours global incluant toutes les catégories de crédits, avec un délai de plus 5 ans pour les crédits à la consommation. »
Une sonnette d’alarme
Cette mesure est très dangereuse pour les fonctionnaires et salariés burundais. Une porte ouverte à la paupérisation.
« J’ai bossé plus de 5 ans dans le secteur bancaire au Burundi et je peux vous assurer que les salariés avaient du mal à résister à la quotité cessible de 33 %. Imaginez quand ils cèderont 60 % de leurs revenus pour rembourser leurs crédits ? C’est la misère sans nom qui va s’installer dans les ménages », réagit un internaute qu’Iwacu a contacté. « Même en Occident où on avait les taux négatifs jusqu’à l’année passée, aucune banque ne pourrait vous permettre d’allouer plus de 40 % de votre revenu pour rembourser un crédit. Et n’oubliez jamais que lorsque vous êtes surendetté, vous hypothéquez votre avenir et votre liberté. »
Pour l’économiste André Nikwigize, c’est la résultante des mauvaises politiques économiques du pays. « L’extrême pauvreté (82 % de la population en extrême pauvreté), la hausse des prix (l’inflation qui atteint 40 %), la dépréciation du FBU (plus de 100 %), le manque et la cherté du carburant et ses conséquences sur les prix de transport et des denrées alimentaires. Tous ces facteurs conduisent à la paupérisation de la population, y compris dans les milieux urbains. » D’après lui, les fonctionnaires et autres salariés ne parviennent pas à nouer les deux bouts du mois, et par conséquent, ils doivent recourir à leurs institutions bancaires et financières pour solliciter des avances sur salaire, des découverts ou des crédits de court terme jusqu’à 5 ans.
L’économiste fait savoir qu’avant, la loi limitait les déductions sur salaire à 1/3 du salaire de base, pour rembourser ces facilités. Comme la situation économique des ménages s’aggrave au jour le jour, les banques et institutions financières ont sollicité la BRB pour que ce plafond de quotité cessible soit augmenté, afin de pouvoir assister ces ménages. « Evidemment, à terme, c’est une situation explosive lorsque les bénéficiaires de crédit ne seront pas en mesure de rembourser les crédits et que les banques seront dans l’obligation de faire jouer les garanties, en vendant les maisons familiales. Et qui va acheter ces maisons ? Ceux qui se seront enrichis. On aura une population urbaine pauvre, prolétaire et démunie. Comme cela se rencontre dans certains pays d’Afrique. »
Selon André Nikwigize, l’inflation au Burundi est la conjugaison de 3 facteurs : la baisse de la production vivrière, les effets de l’inflation importée : le carburant, les produits alimentaires importés ainsi que les mauvaises politiques macroéconomiques (mauvaise gestion des réserves en devise, la corruption, l’absence de contrôle des prix, etc.)
1. Vous ecrivez:« Imaginez quand ils cèderont 60 % de leurs revenus pour rembourser leurs crédits ? C’est la misère sans nom qui va s’installer dans les ménages »…
2. Mon commentaire
Au Burundi il doit y avoir des milliers de gens qui depensent 30-40% (ou plus) de leur salaire au cabaret ou dans les nombreuses fetes familiales.
Il vaudrait mieux rembourser un credit bien utilise plutot que de s’adonner a des depenses qui ne sont pas toujours necessaires.
Je crois qu’une famille dont tous les deux conjoints ont un boulot pourrait s’en sortir si monsieur ou madame cede 60% du salaire mensuel pour rembourser un credit (pour construire une maison par exemple).
Allouer 60% de ses revenus au remboursement de sa dette est intenable. La dette fait partie de notre vie, mais un ratio ideal (dette/revenu) devrait être compris entre 39 et 44%) par mois. Cela veut dire que la part du revenu mensuel dédié au service de la dette ( hypothèque, voiture, crédit à la consommation,etc) ne devrait pas pas dépasser les ratios mentionnés ci-dessus.
Là où je vis, les ménages ont 1.73$ de dette pour chaque dollar gagné. Raison pour laquelle les hypothèques sont généralement pour 30 ans en ce moment.