Mardi 16 juillet 2024

Société

Cécile Ntakirutimana, la samaritaine des enfants maltraités

23/03/2021 1
Cécile Ntakirutimana, la samaritaine des enfants maltraités
BPC2 Cécile Ntakarutimana après avoir récupéré Destin Irakoze, à Gatumba

Elle parcourt les quartiers, les collines pour sauver les enfants délaissés et malmenés. Son rêve est de créer une association pour la protection de ces mineurs. A son domicile, BPC2 Cécile Ntakirutimana a recueilli six enfants victimes de maltraitance voire de torture par des proches. Portrait.

Gatunguru, commune Mutimbuzi, province Bujumbura. Une localité qui se développe de plus en plus. De belles maisons habitées, d’autres en chantier. Mais beaucoup de choses restent à faire concernant les voies de communication. C’est là qu’habite la policière Cécile Ntakirutimana dont les actions en faveur des droits des enfants ont fait le buzz sur les réseaux sociaux. Chez elle, une belle maison en matériaux durs.

Avant d’y arriver, on se faufile entre les arbres fruitiers qui l’entourent. Dans son salon, un étendard du drapeau national. Dans son armoire en verre, un poste téléviseur, une radio, etc. Tout est bien rangé.
Souriant, teint clair, un petit enfant assis dans un fauteuil. Ses jambes couvertes d’un pagne. Il s’agit de Destin Irakoze, le petit enfant de Gatumba qu’elle a récemment sauvé de la bouche des loups. C’est d’ailleurs lui qui se trouve sur la photo récemment partagée sur les réseaux sociaux, montrant cette policière tenant un petit enfant dans ses mains. C’était à Gatumba, commune Mutimbuzi, province de Bujumbura.

Une orpheline engagée

D’où est venu son attachement pour la protection des enfants ? « Il faut avoir vécu une situation de souffrance pour en mesurer l’ampleur », répond-elle. Native de la commune Murwi, province Cibitoke, la policière confie avoir vécu une enfance difficile : « J’ai vécu plusieurs formes de maltraitance. Un calvaire. En fait, j’ai grandi sans parents. Ma mère est morte quand j’avais dix ans. Et mon papa, qui devait s’occuper de nous, était au maquis. »
Taille moyenne et enveloppée, ce sous-officier de la police des mineurs signale qu’avec la disparition de sa maman, les proches de la famille ont décidé de s’occuper d’elle, de ses deux sœurs et de son frère. « Nous avons été séparés et avons grandi dans des familles différentes».

Elle se rappelle d’un cas d’injustice subi après la mort d’un de ses oncles, il y a plusieurs années : « On m’a injustement accusée de mener une enquête pour rassembler les papiers fonciers afin de connaître la part qui nous revenait. J’ai été sérieusement malmenée, injuriée, etc. Cela m’a beaucoup marquée.»
D’un ton douloureux, cette combattante parle aussi de cas de bastonnade et de privation de la nourriture. « Alors quand je suis entrée dans les forces de l’ordre et de la sécurité, le 31 décembre 2004, je me suis engagée à plaider pour la cause des enfants, à défendre leurs droits et à les protéger», déclare-t-elle, fièrement. Et ses protégés viennent de plusieurs provinces : 1 de Matana ; un autre enfant de Makamba ; deux viennent de Kayanza, un de Ngozi et celui récupéré dernièrement de Gatumba.

Dévouée

Souriante, cette mère de quatre enfants élève aussi six autres. Avec quels moyens financiers? « En ce qui est de la nourriture et d’autres besoins, on partage ce que j’ai. Et mes propres enfants sont fiers de partager avec les autres». Certains bienfaiteurs locaux ou résidant à l’étranger ont commencé à l’appuyer. Et via les réseaux sociaux, elle reçoit des informations en rapport avec la violation des droits des enfants. « Après l’acte de Kuwinterekwa, les gens ont eu mes contacts. Ils m’envoient souvent des informations, des vidéos sur des cas pareils». Elle donne l’exemple du récent cas de Gatumba : « J’ai eu l’information pendant la nuit. Honnêtement, je n’ai pas pu dormir. Et à 6 h du matin, j’étais sur place. »

Arrivée sur le terrain, cette policière dit avoir été choquée par l’état de ce bébé. La jambe gauche de cet enfant est presque paralysée. « Il lui était impossible de se tenir debout. Il avait des blessures sur son corps. Il était régulièrement battu par sa marâtre », raconte cette policière, ses yeux inondés de larmes. Traumatisé par son tortionnaire, cet enfant criait au secours.

En collaboration avec l’administration communale de Mutimbuzi, Cécile Ntakarutimana l’a amené dans une structure de soins. Après quelques jours sur un lit d’hôpital, Destin Irakoze est chez elle à Gatunguru. « Aujourd’hui, même s’il n’est pas encore totalement guéri, vous constatez que sa santé s’améliore de plus en plus. Il sourit de temps en temps », se félicite-t-elle. Elle attend le 21 mars pour connaître la décision des médecins.

Dans sa maison, Cécile Ntakarutimana vit aussi avec l’enfant de Matana, province Bururi, récemment brûlé. Il s’agit de Freddy Ndagijimana, 12 ans, ébouillanté à la tête par sa patronne, le 23 décembre 2020. Originaire de la colline Gitanga, il était écolier à l’Ecole Fondamentale de Nyagihotora. En plus de l’héberger, Cécile Ntakarutimana l’aide dans ses déplacements vers Bururi dans le cadre de la poursuite de son dossier judiciaire.

Opposée aux punitions corporelles

La policière Cécile Ntakarutimana n’est pas contre les punitions, mais « les punitions corporelles sont interdites et traumatisantes. » « Aucune faute ne peut justifier ce genre d’agissements de certains parents. » Elle souligne que la plupart des enfants maltraités sont victimes des conflits entre les parents. Cette policière compte créer une organisation pour sauver ces enfants maltraités : « Il faut que les parents dignes se coalisent pour dire non aux traitements inhumains des enfants. » Et de conclure : « Au lieu de traumatiser les enfants, il faut leur préparer un bel avenir. Un travail qui incombe à tous les parents, à toute la société.»

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1 réaction
  1. Roger

    Wow beautiful and beautiful

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