Il y a cinq ans exactement décédait l’historienne américaine Alison des Forges, spécialiste du Rwanda, pays auquel elle avait consacré une thèse soutenue à Yale en 1972. – Par André Guichaoua ((André Guichaoua est professeur, témoin-expert auprès du bureau du procureur du TPIR))
Devenue professeur d’histoire, elle avait repris le chemin de l’Afrique des Grands lacs comme militante de l’organisation de défense des droits de l’homme américaine, Human Rights Watch (HRW), dont elle devint la principale conseillère pour l’Afrique. À ce titre, elle accompagna les mobilisations démocratiques et la mise en place des premières organisations sœurs dans les pays de la région à la fin des années 1980.
Elle devint très vite une « activiste » incontournable du fait de sa grande familiarité avec les contextes nationaux dont elle connaissait intimement les lourds antécédents et leur impact sur les enjeux contemporains. Omniprésente sur le terrain ou dans les forums de toute la sous-région, elle incarnait aux yeux de ses amis, des militants, des autorités politiques l’exigence et le courage de défendre et de protéger les victimes des exclusives, des violences et des totalitarismes.
Un symbole et une référence rares
Elle consacra l’essentiel de son énergie au Rwanda lorsqu’il s’enfonça dans la guerre en 1990 et dont le génocide des Rwandais tutsi fut le tragique aboutissement. Dire le vrai et juger les responsables de ces abominations devint le cœur de son combat contre l’impunité. La publication de ses enquêtes sur le génocide et ses témoignages comme témoin-expert devant les juridictions internationales et nationales la rendirent célèbre.
En 2008, elle fut déclarée persona non grata au Rwanda après avoir dénoncé devant les chambres du Tribunal pénal international pour le Rwanda l’absence d’un État de droit dans le Rwanda nouveau.
Nous avions décidé de nous rendre à Arusha en février 2009, pour persuader le procureur de mener à son terme et en toute indépendance le premier (et seul) procès des responsables militaires du FPR formellement poursuivis par la juridiction internationale, puis participer à Ottawa à une audition des parlementaires canadiens sur la situation des droits de l’homme au Rwanda.
Mais le 12 février, cette collègue frêle et infatigable périssait dans un accident d’avion. « La disparition d’Alison porte un coup dévastateur non seulement à Human Rights Watch mais aussi aux peuples du Rwanda et de la région des Grands Lacs » déclarait son directeur, Kenneth Roth. Cinq ans après sa disparition, la chaleur et le rayonnement d’Alison restent dans nos mémoires. Elle est aussi devenue un symbole et une référence rares parce qu’elle a voulu donner la parole à toutes les victimes.
Alison Des Forges était une femme courageuse, je suis témoins qu’elle a fait beaucoup de choses au Rwanda mais aussi au Burundi à travers l’installation du bureau du Human Rights Watch à Bujumbura et le soutien des organisations de la société civile burundaise qu’elle appréciée beaucoup notamment la Ligue Iteka à l’époque. Elle avait un niveau d’analyse et un caractère humain incommensurable. Merci André pour ce rappelle, c’est une question de mémoire d’une femme qui a été extraordinaire pour les autres sans aucunes considérations uniquement parce qu’ils sont des êtres humais. je garde l’espoir qu’il aura pour notre chère région plusieurs Alison Des Forges