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Ce dialogue (de sourds)

14/07/2011 Commentaires fermés sur Ce dialogue (de sourds)

Négocier ou dialoguer. Apparemment, chacun comprend ce qu’il veut. Mais l’opposition semble décidée : les questions de gouvernance, d’insécurité et la violation des droits de l’homme dépassent les compétences du Forum des partis politiques préconisé par Nkurunziza. Retour sur les positions des uns et des autres.

Pierre Nkurunziza : « Dialogue oui, mais dans le cadre du Forum »

Pour le Président Pierre Nkurunziza, le dialogue entendu sous forme de négociations rappelle le début de la crise sociopolitique après l’assassinat du Président Ndadaye : « Quand il y a eu des négociations, c’était pour remettre sur pied les institutions démocratiquement élu », a expliqué le numéro un burundais.

Dans le chef de M. Nkurunziza, le dialogue ne peut se concevoir que dans le cadre du Forum Permanent de Dialogue des Partis politiques(FDP). Or, ce dernier est récusé par les partis membres de l’ADC, bien avant les élections de 2O10 dont ils ont contesté les résultats. «Il n’y aura jamais de négociations entre le pouvoir qui a été mis sur pied par la population », affirme le Président. Et d’ajouter, « les élections ont été transparentes(…) et tout le monde s’est déjà exprimé là-dessus.

Visiblement, le Président Nkurunziza craint que ce dialogue(ou négociations), ne donnent lieu à un partage du pouvoir. « Ils n’ont qu’à attendre 2015 », entend-on dans les milieux du Cndd-Fdd.

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Charles Nditije (Uprona): « Même les vainqueurs doivent dialoguer »

Bien que partenaire du Cndd-Fdd au gouvernement, le parti Uprona se dit favorable au dialogue. « Dans tous les pays du monde, normalement on écoute tous les citoyens, y compris ceux de l’opposition », explique Charles Nditije, président du groupe parlementaire. Mais il ajoute une condition : ceux qui demandent les négociations ne doivent pas remettre en question le mandat du pouvoir actuel… issu des élections.
Mais contrairement au Président Nkurunziza, le parti du premier vice-président Térence Sinunguruza estime que même le pouvoir issu des urnes se doit d’écouter tout le monde, y compris l’opposition non parlementaire. « Toute personne, fût-il un individu ou un groupe qui a des revendications à faire valoir, le gouvernement se doit de les écouter, et d’en tenir compte », précise Charles Nditije.

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L’UE: « Il faut renouer les fils entre tous les acteurs politiques »

Pour la communauté internationale ayant validé les résultats des dernières élections, le pouvoir en place est totalement légitime, car issu des élections démocratiques. C’est ce qu’a dit le vice-premier ministre et ministre belge des affaires étrangères, Steven Vanackere, lors de sa récente visite au Burundi : il appelle à l’organisation d’un dialogue inclusif. Car, pour lui, « le maintien de ce qu’on appelle l’espace politique, y compris les partis extra-parlementaires est important. » Mais, comme pour rassurer le pouvoir sur ses intentions, le numéro deux du gouvernement belge met une balise : que ce ne soit pas « un dialogue pour remettre en cause les résultats d’un scrutin agréés par la communauté internationale. »
Et sur la même lancée, il exhorte tous les partis à «prendre leurs distances de toute action armée » et à « reconnaître les institutions issues des élections.» Car « il n’y a pas de place au Burundi pour une rébellion en gestation. »

C’est également la position de son compatriote et Ambassadeur de l’Union Européenne au
Burundi, Stéphane De Loecker. «L’absence de dialogue entre les forces vives d’une nation est toujours mauvaise, quelle que soit la raison », explique le N°1 de l’UE au Burundi. Et d’ajouter que l’UE espère, de concert avec les autres partenaires, contribuer à recréer un environnement favorable au dialogue, à « renouer les fils » entre tous les acteurs politiques.

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François Bizimana : « L’acceptation des négociations se trouve dans ce refus même »

Pour M. Bizimana, la question devient claire : « Le Président de la République vient d’adopter une position plutôt de nature à accélérer le processus de négociation. » Dire qu’il n’y aura jamais de négociations, est un mot trop fort. Car, indique-t-il, c’est pousser l’autre partie à revendiquer davantage. M. Bizimana dit partager l’avis de certains analystes : « Refuser les négociations, c’est une autre façon de les accepter. » L’acceptation des négociations se trouve dans ce refus même. Il estime que la situation arrive à un stade où il faut même demander le concours d’un médiateur : « Quand le Président de l’exécutif utilise le terme « jamais », il faut réellement quelqu’un pour aider les parties protagonistes à trouver un terrain d’entente. » Pour ce député de la Communauté Est Africaine, le dialogue s’impose ; car il est réclamé, à la fois, par une partie de la communauté nationale et internationale : « Pour quel intérêt le Président de la République le refuserait-il à son peuple ? »

« Dire qu’il faut attendre les élections de 2015, c’est se tromper»

François Bizimana s’interroge : « Comment préparer les élections dans ce marasme politique et sécuritaire? Est-ce qu’on pourra aller aux élections, alors qu’on en enregistre chaque jour des morts ? » L’après-élection, explique-t-il, c’est toujours l’avant-élection. Ce moment doit être préparé : « Le malentendu actuel est né du contentieux électoral. » Et M. Bizimana cite les points qui figureraient dans ces négociations : les questions de gouvernance comme les cas de criminalité, les assassinats, les détournements de fonds publics, le fonctionnement des institutions, l’exécution des programmes gouvernementaux, le contenu du Code électoral qui pose toujours problème, la loi sur les partis politiques qui fait couler beaucoup d’encre, etc. « Il n’y a donc pas de gouvernement, ni de parlement qui ne serait pas intéressé par un débat autour de ces questions. Sa crédibilité d’ailleurs en dépend aussi », lance-t-il.
Selon François Bizimana, il faut que le Président donne l’occasion à tout ce monde qui ne pense pas comme lui. « Un homme politique digne de ce nom ne pense pas aux élections, mais au bien-être de ses citoyens. Avant 2015, le peuple burundais a besoin de vivre. Sa préoccupation, sa hantise, ce n’est pas les élections», explique le député.

La question de gouvernance dépasse le forum de dialogue

En outre, François Bizimana trouve incohérent le recours du numéro un au forum permanent : « C’est un cadre qui n’a jamais réussi à rassembler les acteurs. Comment voulez-vous qu’il soit le lieu de débat ou d’expression, alors que certains ne s’y reconnaissent pas ? On n’impose pas un cadre de négociation. »
Selon lui, si certains acteurs estiment que ce cadre ne leur convient pas, il faut leur en trouver un autre : « Comment pouvez-vous demander à quelqu’un d’exposer son affaire devant un tribunal qu’il récuse. Il y a des questions qui dépassent largement ce forum. Elles doivent être traitées par des organes qui peuvent décider, c’est-à-dire les institutions de la République. Et c’est le Président lui-même qui doit trouver l’alternative. »

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