Actuellement, trois agences de voyage effectuent le trajet. J’étais dans l’un d’entre eux pour aller sentir d’autres odeurs, sous d’autres cieux.
L’air est grave avant le départ ! Tout le monde dans le bus, tête baissée, garde silence pendant que le chauffeur invoque la protection céleste pour un voyage qu’il souhaite sans heurts. Je me joints aux autres, mais en mon fort intérieur résonne un Pater Noster que je crois fermement salvateur en ce jour où je voyage, pour la première fois, à plus de… kilomètres de mon Bujumbura natal. Destination : Kampala à bord d’un bus de la Gaaga Bus Services, à Buyenzi City Market.
Après une vingtaine de minutes de contrôle des bagages, le chauffeur démarre. 60 places assises, plus de la moitié par des commerçants, pour ce voyage de plus de 15 heures. Assis sur un siège au fond à l’arrière, je balaie d’un regard l’intérieur du bus qui serpente déjà les collines escarpées de Mubumbi pour Kayanza, en passant par Bugarama. A la frontière burundo-rwandaise comme à celle entre le Rwanda et l’Ouganda, les passagers accourent vers les postes de contrôles. De plus près, je me rend compte que bon nombre d’entre eux doivent recourir aux services d’un traducteur rwandais ou Ougandais pour compléter les fiches, en même temps en français, en anglais et en Kinyarwanda, moyennant paiement.
Malheur au passager qui n’est pas en ordre, comme ce jeune burundais qui ne pouvait même pas s’exprimer en anglais à la frontière rwando-ougandaise. Il aura fallu une trentaine de minutes pour qu’un passager ougandais intercède en faveur de l’étudiant afin que le voyage continue.
Kampala, la tentante
21 heures 30 minutes. Kampala, très bruyante, luit. Un embouteillage fou m’oblige à me déplacer sur une « Bodaboda » (moto). Direction : Bamako House. Un hôtel prisé par des voyageurs burundais puisqu’ayant un personnel burundais et rwandais. Des « commissionnaires » sont à l’affut de qui ne sait prononcer un simple « Ugambiki ?» (Comment vas-tu ?). Ils sont des guides pour qui veulent découvrir une Kampala où se jouxtent supermarché (Garden City et Nakumatt) aux tapis roulant et cabarets distillant de la musique variée, ouverts 24 sur 24 heures. Tout bonnement, je m’installe dans le « Lorotolk garden » pour un casse-croute. Une assiette de frites de pommes de terre et quelques légumes.
Voilà ce qui hantait mon esprit avant qu’il ne soit perturbé par ces belles et élancées filles qui défilent devant vous, les cuisses presque dévêtues, larges sourires aux lèvres et qui font des clins d’œil en attendant que le plat arrive. Faites semblant de ne rien voir et vos yeux vous plongent, juste à côté, dans un groupement de ces « vendeuses de corps », qu’on dirait plus nombreuses que les clients : « Le sida revient en force dans cette ville », me fait remarqué un serveur. Ah oui ! Je l’ai aussi constaté deux jours durant, rien qu’à Lorotolk garden, avant que je ne prenne le chemin du retour.
Tu auras beau vouloir rincer l’œil à Kampala, mais lorsque tu reprends le rapide bus de la Gaaga Bus Services pour regagner Bujumbura, sois prêt à 21 heures. C’est donc à cette heure que nous quittons la ville au 1 million d’habitants. En cours de route, le bus s’arrête pour permettre aux passagers de se soulager. Le ciel s’éclaircit au fur que nous laissons des kilomètres derrière nous. A 11 heures, nous voici à la gare (Buyenzi City Market). Après un contrôle des policiers, nous sortons du bus et je me rends chez moi, impatient de faire vivre de palpitants moments à mon colocataire.
Pas de photos !
Le message était limpide : « Ne t’avise pas de prendre des photos si tu n’as pas de lettre d’accréditation ! » M’avait averti un serveur du « Lorotolk garden » me voyant sortir mon appareil. « Peut-être que l’intégration de mon pays dans l’EAC lèvera cette barrière », me consolais-je. Je jurais, en fait, de m’immortaliser dans un des extraordinaires embouteillages de cette ville dont 39% de la population vit sous le seuil de pauvreté absolue…