Depuis une dizaine d’années, aucune goutte de carburant en partance vers le Burundi ne passe par le port de Kigoma en République unie de Tanzanie. Pourtant, tous les experts sont unanimes : la voie lacustre est moins chère. Si elle n’est pas utilisée, c’est à cause des intérêts de certains. Entretemps, une pénurie de carburant fait rage dans le pays. Eclairage.
A Kibirizi, sur les rives du lac Tanganyika, dans la ville de Kigoma, des tanks destinés à stocker le carburant qui transite vers le Burundi pointent majestueusement au-dessus du lac. Toutefois, ils sont vides depuis belle lurette. Selon Julienne Bakenda Mutabihirwa, directrice générale de Shegema Shipping Company, une agence maritime de Kigoma, le seul carburant qui passe par le port de Kigoma va vers la République démocratique du Congo. Elle explique que cela fait plus de 10 ans que les importateurs burundais ne font plus passer les produits pétroliers par le port de Kigoma.
La patronne de Shegema Shipping Company ne comprend pas pourquoi les Burundais préfèrent la voie routière alors que la voie maritime est plus avantageuse pour l’importation du carburant et les autres marchandises.
Une voie moins coûteuse et peu de risques
D’après elle, le transport du carburant par le lac Tanganyika ne poserait pas de problèmes. « ARNOLAC a des bateaux qui peuvent transporter 550 m3. » La directrice générale indique que le trajet Dar es Salam jusqu’à Kigoma par train dure deux jours lorsqu’il n’y a pas de problèmes. Un bateau qui est lent fait Kigoma- Bujumbura en 12 heures, le plus rapide en 6 heures. « Le camion peut dépasser cette durée en faisant Dar-es-Salam-Bujumbura. »
Julienne Bakenda Mutabihirwa donne un exemple : un seul voyage d’un bateau de 3000 T équivaut à un voyage de 100 camions. Et d’ajouter qu’un seul wagon transporte 40 à 42 T alors qu’un camion transporte entre 30 et 33 tonnes. « Le coût de transport sur la route est élevé et tu transportes peu de carburant. Sur le lac, le coût de transport entre Kigoma- Bujumbura est de 50.000 BIF par tonne. » Toutefois, elle nuance : « Si tous les importateurs burundais devaient utiliser le train, la Tanzanie n’aurait pas de wagons suffisants pour satisfaire les besoins de tous les commerçants. »
D’après les statistiques de Global Port Services de 2017, la connexion voie ferroviaire-voie lacustre permet d’économiser plus de 90 USD par tonne de marchandises. Selon les experts, les transporteurs du Burundi ont une quinzaine de bateaux capables de transporter 9590 tonnes. Pour le carburant, c’est une capacité de 550m3 de carburant équivalent à la quantité transportée par au moins 15 camions. Certains bateaux peuvent transporter 40 containers par convoi alors que via la voie terrestre, ces containers sont transportés par 40 camions.
Selon Eric Ntangaro, secrétaire exécutif de l’Association des Transporteurs du Burundi (ATIB), un train Dar-es-Salam-Kigoma possède 20 wagons-citernes. « Par voyage, un wagon transporte 50.000 litres c’est-à-dire que 1 million de litres peuvent être transportés en un seul voyage. La quantité transportée par 20 wagons-citernes, c’est plus de 25 camions sur la route. » Et de souligner la location du camion, les frais de péage routier, les accidents routiers, les tracasseries … D’après lui, tout cela a un impact sur le prix à la pompe et c’est le consommateur qui trinque. « Par la voie lacustre, le temps est plus court, moins cher et moins risqué t. De plus, avec le transport routier, le tonnage diminue. » Nombre de personnes s’accordent à dire que le corridor central (Dar es Salam – Kigoma par train et Kigoma-Bujumbura par le lac Tanganyika) présente beaucoup d’avantages.
En 2017, la Banque mondiale avait promis de financer le projet destiné à améliorer le corridor central notamment dans la mise en place des infrastructures de transport. Et cela à hauteur de 600 millions de dollars américains. Libérât Mpfumukeko, alors Secrétaire général de l’East African Community (EAC) avait indiqué que ce projet permettra de réduire d’environ 40% les coûts de transport des marchandises dans les pays du corridor central ce qui devait se répercuter sur le prix au détail.
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Jérémie Kekenwa : « C’est une voie qui reviendrait beaucoup moins chère »
Le Consul général du Burundi à Kigoma confirme que les produits pétroliers ne transitent plus par le port de Kigoma. « Je voulais vous dire que les installations sont toujours là. Cela ne dépend pas des autorités portuaires de Kigoma. Ce sont les importateurs burundais qui le veulent ainsi. » Comme vous le savez, poursuit-il, c’est une voie qui reviendrait beaucoup moins chère non seulement pour les produits pétroliers, mais aussi pour tous les autres articles importés.
Jérémie Kekenwa appelle les importateurs à faire un constat : « Il y a tout d’abord le chemin de fer qui va être rénové, ce qui veut dire que le temps de transport va être plus court. Et puis, du port de Kigoma au port de Bujumbura, la voie est sécurisée et sûre. » Pour lui, c’est une opportunité qu’il faut exploiter. « Il faut aussi se rendre compte que les poids lourds dégradent très rapidement nos routes. »
Gabriel Rufyiri : « Les intérêts des individus priment sur l’intérêt général »
« La voie lacustre n’est exploitée parce que ce sont des intérêts des individus, surtout des pétroliers, qui priment », fait savoir Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome. Il s’étonne que le gouvernement n’utilise pas la voie lacustre alors qu’elle est beaucoup moins chère. « Cela suscite des interrogations. Nous les citoyens, nous perdons beaucoup à cause l’utilisation de la voie routière au détriment de la voie lacustre. »
D’après lui, le choix de la voie routière est motivé par les camions que les pétroliers ont achetés. « Ils ne voient pas ce qu’ils feront avec ces camions. Ce sont ces intérêts qui se trouvent derrière l’inexploitation de la voie lacustre. » D’après lui, le gouvernement en collaboration avec les importateurs pourrait trouver une solution qui arrange tout le monde. « Il faut que l’intérêt général soit mis en avant. »
Diomède Nahimana : « Le coût serait diminué de 4 fois »
Le directeur de l’Autorité portuaire à l’Autorité maritime, portuaire et ferroviaire « AMPF » assure que la combinaison de la voie ferroviaire et le transport par le lac est la moins coûteuse. « Les études faites en 2011 ont montré que si on amenait les marchandises de Dar es-Salaam à Bujumbura en passant par cette voie, le coût serait diminué de 4 fois. Nous privilégions cette voie. »
D’après lui, Il y a beaucoup de projets qui ont été initiés dans cette intention. Il indique qu’il y en a en cours sur le lac Tanganyika afin que le port de Bujumbura puisse accueillir les marchandises et même le carburant sans problèmes.
Léonidas Sindayigaya : « C’est une option à mûrir »
Le porte-parole du ministère de l’Energie et Mines trouve lui aussi qu’il faut privilégier la voie lacustre. « C’est une idée à mûrir. D’ailleurs, je pense que l’utilisation de cette voie pourra avoir un impact sur le prix à la pompe. » Il indique qu’au niveau du ministère, il prévoit d’organiser les états généraux afin que tous les intervenants dans ce secteur puissent donner leurs contributions.
Prosper Niyoboke : « L’Etat doit s’engager sérieusement ! »
Selon cet économiste, ceux qui ont déjà investi dans la voie routière, protègent leurs investissements qu’ils ont faits depuis des années. « Ils peuvent même soudoyer certaines autorités en distribuant des commissions. » Et de se poser la question : ceux qui ont investi dans le transport routier, ils sont prêts à céder jusqu’à quel niveau ? Il reconnaît que comparativement, il y a un avantage avec la voie lacustre.
Pour Prosper Niyoboke, s’il faut réemprunter la voie lacustre, il faut réhabiliter les infrastructures. « Ce n’est pas une affaire des individus. L’objectif des individus, ce n’est pas de vendre le carburant à moins cher, c’est tirer leur marge bénéficiaire. S’il a cette marge en passant par la route pourquoi se gênerait-il en cherchant d’autres voies ? »
D’après lui, c’est à l’Etat de s’engager sérieusement. « Il faut une volonté politique. » Pour lui, l’Etat doit créer une plate-forme des importateurs qui peuvent investir. Associer plusieurs personnes, mêmes des étrangers. Selon l’économiste, la voie lacustre demande des réflexions et des études de prospection et de viabilité. « L’Etat doit explorer toutes les voies et moyens qui poussent à favoriser cette voie lacustre. Il faut conjuguer les efforts et mutualiser les fonds engagés et ainsi diversifier les risques. Pour les banques, c’est possible. » Pour le bien de la Nation, souligne M. Niyoboke, les intérêts des individus sont secondaires par rapport aux intérêts collectifs.
L’économiste trouve que c’est une solution durable qu’on pourrait chercher : « Pour le moment, le grand problème est le manque de devises. De plus, il y a aussi un monopole habillé des intérêts et commissions empochées par certains décideurs. »
Certains commentaires soutiennent qu’aujourd’hui nous avons sur notre marché assez de devises, de carburant, sucre, ciment, engrais… On est tenté de confirmer que oui même si de temps à autre il peut y avoir quelques courtes périodes de pénuries. Mais que ces pénuries deviennent quasi permanentes, on est aussi tenté de croire qu’il y a des manipulations derrière. Certaines personnes « en position privilégiée » peuvent créer artificiellement des pénuries pour augmenter exponentiellement les coûts et facilement amasser plus de richesses. « Urutaguhitanye ruraguhitaniza ». Certains pourraient dire que je suis dans la théorie du complot, n’empêche que c’est une situation qu’il faut mettre au clair si on veut que ces pénuries cessent. Mais qui va faire des enquêtes ? En tout cas pas moi ; je tiens à garder ma tête sur les épaules.
Pour Gabriel Rufyiri, : « Les intérêts des individus priment sur l’intérêt général » et c’est ça le problème. Il ne faut pas chercher d’autres causes ailleurs. Il faut voir si derrière ce désert dans les stations, il ne se cacherait pas des spéculations d’une autre nature.
Le prix du carburant a effectivement pris l’ascenseur mais la production est toujours là. Pourquoi les stations sont vides? Le Burundi dispose toujours des mêmes moyens et ressources d’importation de son carburant et à ce que l’on sache, le Burundi n’a jamais compter sur le carburant ni Russe ni Ukrainien! Et alors
C’est qui est désolant, c’est l’insouciance de « je ne sais qui » face au désarroi du peuple! On ne peut pas être responsable et tolérer que 5 mois passent dans un désarroi pareil!
« Reta Mvyeyi », nous tes enfants alors!
@Nshimirimana
Dans la video de Mashariki tv intitulée « Prezida NEVA asaba abarundi kudata umwanya bidodomba imbere y’ibiba bitariko bigenda neza », l’on peut entendre cette explication:
« Nagira ndababwire za murashima aho tugeze. Kandi nagira ndababwire ibigeragezo birabaho.
IMANA IRABIREKA BIKABA KUGIRANGO IRABE KO WIBUKA IVYIZA YAGUKOREYE. Uvyibagira ni akazi kawe, nayo ica yirabira hirya, iti:« Nube urapararanganako utibuka iciza nagukoreye… »
https://www.youtube.com/watch?v=ktxdL6ra9n8
Merci Fabrice. En effet, je crois que ceux, qui évoquent toujours le manque de devises, passent à côté de la réalité. Au Burundi, tout se fait dans l’ombre. Pour sortir de cette ombre, il faut allumer la bougie. Les voyages à l’étranger se paient toujours en devises. Les importations se font toujours en devises. Le manque manque de devise est-il dans ce cas une variable d’intérêt? Pour moi, la réponse est non à cette question. Le manque de devises n’est qu’une explication qui ne convient pas à tout ce qui se passe au Burundi. Le Burundi traverse une mauvaise situation suite à l’égoïsme, au népotisme, au favoritisme fait par une poignée de gens qui gagnent tous les marchés; importent le carburent, les médicaments, les vivres, le sucre, le ciment…; pratiquent le monopole dans la vente des produits Brarudi, du ciment, des fertilisants et des matériaux de constructions; etc. Tant que la concurrence reste interdite, l’économie burundaise poursuivra sa descente aux enfers et le peuple en portera péniblement le fardeau. Que ce soit sur le marché réel, le marché financier, le marché de travail, le marché des capitaux, il faut que l’Etat cesse de laisser privilégier des monopoles, car ces derniers cherchent leurs intérêts au grand dam de la population.
Faut pas sauter trop vite aux conclusions.
Une fois le conteneur chargé sur le camion, le trajet se fait uniquement par route en un seul voyage, de Dar es Salaam à la destination finale au Burundi.
Si on emprunte la voix lacustre comme proposé, il y a au moins 2 interruptions non négligeables : le déchargement/chargement à Kigoma et à Bujumbura. Il faudra des infrastructures portuaires, de la machinerie, des employés, des bateaux et autres équipements adaptés autant au transport sur route que sur l’eau.
On doit aussi prendre en considération les risques environnementaux sur l’écosystème du Lac Tanganyika, posés par le transport du pétrole et ses dérivés, ainsi que par la pollution causée par les gros navires qui y circuleront. Qu’est-ce qui arrivera s’il y a un déversement accidentel sur le lac? Aura-t-on à proximité les équipements de récupération et de nettoyage.
Je n’ai rien contre un tel projet. Il ne faudrait surtout pas qu’on y fonce les yeux fermés. Les coûts pourraient exploser au lieu de diminuer et les catastrophes naturelles seront inevitables, « Loi de Murphy » oblige!)l
Pensez aussi à la protection de l’environnement. Car je suis presque sûr que ce ne sera pas de l’équipement et des bateaux tout neufs (posant moins de risques) qui seraient achetés.
Faut bien eclairer les gens pour eviter des malentendu.c’est ecrit que par voie lacustre on peut sauvegarder 90$/T.mais sachant que le transport par route dar-bujumbura (tout inclu:peyage routiere,assurance..)vaut entre 90 à 120/T,d’où eceque les 90$ vont être economisé??la voie lacustre a plusieurs defie:le transport kigoma-buja est de 25$/T,ajoutez le transport par wagon daresalam-buja(que le journaliste n’as pas pris le temp de mentionner)ajoutez les frais et les pertes en evaporation lors du transbordement du wango vers les depot puis les frais de chargement du du carburant du depot vers les bateaux car les wagon des train ne vont pas decharger directement dans les bateaux,tout doit transiter dans les dépots.tous cela a un prix que l’importateur doit encaisser.ajoutons les risque de vol du carburant lors du trajet dar vers kigoma car les wagons des train n’etant pas securisé comme il le faut.en dernier lieu n’oublions pas la vétusté des bateaux et aussi un risque de pollution du lac lors d’un naufrage(imaginé 550m3 deversé dans le lac en un coup les dégâts sur l’ecosysteme).pour cela,a mon humble avis,le transport routier est toujours l’un des meilleurs moyen et le probleme de carburant actuel est à chercher ailleur,surtout à la BRB avec le manque de devises
Transport par wagon daresalam-kigoma*
Le nœud du problème : « Pour le moment, le grand problème est le manque de devises. De plus, il y a aussi un monopole habillé des intérêts et commissions empochées par certains décideurs. »
« surtout à la BRB avec le manque de devises »
Si la cause est le manque de devises, alors nous sommes mal-barrés…