Bien que les cantines permettent plus ou moins de garder les écoliers à l’école, les ruptures des stocks dérangent et c’est gênant pour les enseignants et les élèves. A ce principal défi s’ajoutent d’autres qui ont directement des conséquences négatives sur le bon déroulement des cours.
Lundi 27 novembre 2023, vers 11 h 00 à l’Ecole fondamentale Rukaramu II en commune de Mutimbuzi, une des écoles bénéficiant du programme de cantines scolaires, les élèves suivent des cours.
Le directeur de cet établissement, Salvatore Mpawenayo et sa secrétaire sont dans leurs bureaux. A la cuisine, le feu n’est pas allumé. En tout cas, rien n’indique que le repas de midi sera prêt.
Autour de l’école, des cultures dont des amarantes de l’école sont luxuriantes tandis qu’au secrétariat, les feuilles d’amarante cueillies sont en train de sécher.
« Elles attendent que les vivres arrivent pour qu’elles soient mélangées au haricot », a confié le directeur de l’Ecofo. Selon lui, cela fait quelques jours que les stocks sont vides.
A côté de la direction, les élèves de la 6ème année sont dehors. Leur enseignant leur demande de sortir pour prendre de l’air, de se dégourdir les jambes. « Ils étaient pour la plupart en train de somnoler, sans doute à cause la faim », commente-t-il.
A cette école, quand les vivres sont là, tous les élèves sont nourris de la première année jusqu’à la 9ᵉ année. « Au total, 978 élèves sont nourris. Chaque élève reçoit 150 g de riz et 40 g de haricot », confie la direction. Ceux qui suivent les cours dans l’avant-midi partagent le repas avec ceux qui viennent dans l’après-midi.
Pour Salvatore Mpawenayo l’impact positif du programme se fait déjà remarquer. « Les élevés sont contents et motivés de suivre les cours »
Dans ces jours de rupture de stock, il indique que les élèves ne cessent de lui demander quand la reprise de la restauration à l’école. « Ils ont impatients de voir la cantine fonctionnelle de nouveau ».
Le directeur soutient que la cantine scolaire prévient l’absentéisme à son école et que le taux de réussite a beaucoup évolué quand les élèves ont commencé à manger à l’école.
« L’année passée, les élèves de la 9ᵉ année ont réussi à un taux de 99% au concours national. » Avant la cantine scolaire, Mpawenayo affirme que ce taux n’avait jamais dépassé les 30 % de réussite au concours. « Mais, actuellement, le taux de réussite doit atteindre au moins 95 ou 96%. »
Les périodes de ruptures sont dures
Le directeur de l’Ecofo Rukaramu II, cite notamment le manque du bois de chauffage, et la coordination des parents qui doivent, bénévolement, préparer la nourriture des élèves qui s’ajoutent aux ruptures de stock. « Certains parents ne sont pas motivés, et s’absentent ou arrivent en retard pour préparer la nourriture ».
Le directeur déplore aussi le fait que l’instauration des cantines scolaires n’ait pas prévu la construction d’un réfectoire pour ces élèves. Néanmoins, il juge que le programme des cantines scolaires s’exécute très bien en général sur son école. « J’ai confiance en l’autorité habilitée, elle trouvera des solutions à ces quelques défis mentionnés ».
Audace Hakizimana, maître magasinier et enseignant de la 6ᵉ année, lui, note que la rupture du stock est à l’origine des perturbations des activités à l’école. « Des élèves qui suivaient les cours avant et après midi rentrent à 13h 00 par exemple ».
Pour lui, le comportement des enfants est déstabilisé. En temps de rupture, observe-t-il, le rendement risque d’être plus faible que dans une école qui n’a pas de cantine scolaire. « L’allure est perturbée ».
Il regrette que les amarantes que l’école avait cultivées risquent d’être jetées ou abandonnées dans le champ. « Si les vivres ne viennent pas elles vont s’abîmer. » Et de soutenir que la cantine scolaire favorise la réussite des élèves. « Sur une trentaine d’élèves, deux ont échoué ».
D’après cet enseignant, c’est la rupture qui vient être un problème. Il explique que dans ces périodes de rupture, ses élèves ne sont pas concentrés sur les cours. Certains profitent des heures de pause pour rentrer avant l’heure tandis d’autres s’absentent toute la journée.
Ces éducateurs confient que 50 à 80 élèves s’absentent en classe à cause de la rupture de stock. « Nous considérons qu’au moins une classe d’élève est absente par jour. »
Nos sources saluent néanmoins la décision des autorités de s’approvisionner dans des coopératives des environs de l’école. « Cela permet d’avoir des vivres de bonne qualité », se réjouit le maître cuisinier.
Il reconnaît qu’avant, il arrivait que le haricot et la farine importés soient en très mauvais état pour être consommés. En tout cas, les responsables de l’Ecofo Rukaramu II ne sont pas informés sur les causes du retard de livraison des vivres. Ils pensent que ça serait à cause des octrois des marchés ou des routes impraticables en ces jours de fortes pluies.
Plaidoyer pour une couverture nationale
Jean Samandari président de la Coalition Éducation « Bafashe bige », juge que le programme d’alimentation scolaire est venu à point nommé surtout qu’il y avait un constat d’abandon scolaire à cause du manque de nourriture dans les familles. « Nous nous réjouissons que cela soit une préoccupation du gouvernement ».
Toutefois, en cas de rupture, il regrette qu’il y ait un risque de revenir à la case départ, à la problématique déjà identifiée. « S’absenter devient une probabilité pour l’élève. »
D’où Samandari recommande une participation de la communauté entière pour soutenir le programme. En ce qui concerne les défis liés au manque du bois de chauffage ou de réfectoires, Samandari rappelle que les débuts sont toujours difficiles, mais que les solutions existent comme l’utilisation des cuisines troisième génération qui protègent l’environnement.
« Il y aura toujours des améliorations. » Il souhaite de plus un Burundi où tous les élèves sont nourris à l’École. « J’ai visité un pays voisin qui le fait. C’est encourageant, les élèves sont très contents, les parents sont satisfaits ».
La Coalition Éducation pour Tous demande ainsi au gouvernement de chercher des partenaires qui peuvent le soutenir dans cette politique. « Seuls, nous ne pourrons pas y arriver. » Le président de la coalition trouve que les résultats sont positifs.
Quant au vice-président de l’organisation Sojepae qui milite pour le bien-être de l’enfant, la politique des cantines est un très bon projet. Pourtant, il considère que le suivi est plus que nécessaire.
Pour lui, il faut veiller à ce que manger ne soit pas la seule motivation des élèves pour rester à l’école. Il avertit : les ruptures de stock sont à l’origine de soupçons réciproques de détournement de vivres et des retards de rapports au niveau des directions scolaires.
C’est pourquoi il assure qu’une communication à temps est nécessaire pour éviter des rumeurs. Il recommande la nomination d’un chargé de la communication à tous les nouveaux : au niveau de l’école, de la commune, de la province et au niveau national.
Et d’épouser l’idée de la contribution des parents. « L’école est communautaire. Les parents qui ne contribuent pas devraient plutôt être punis ou conseillés ».
Il se réjouit que les parents soient impliqués dans la préparation de la nourriture et la fourniture du bois de chauffage. Pour lui, la communauté doit impérativement apporter son soutien.
Liboire Ndikumana, directeur national des cantines scolaires, rappelle que l’objectif du programme est de fournir des repas sains et équilibrés aux enfants du fondamental pour diminuer le taux d’abandons, de redoublement et promouvoir les taux de réussite et d’achèvement.
« La cantine scolaire permet aussi d’améliorer la santé de l’enfant. » Pour Ndikumana, la cantine aussi permettra de toucher les indicateurs économiques, car elle stimule l’agriculture.
« On nourrit les enfants à base des produits achetés dans les coopératives, ce qui améliore les revenus des agriculteurs. » Il reconnaît que des défis existent, notamment le budget insuffisant pour prendre en charge tous les enfants ayant besoin de la cantine.
Ceci, signale-t-il, s’ajoute au manque d’implication des communautés à contribuer à la cantine scolaire et des problèmes de manque d’eau dans les écoles, des réfectoires et des stocks de vivres.
Vous saurez qu’aujourd’hui les cantines scolaires nourrissent 700 000 enfants sur 2.800.000 enfants attendus.