Lundi 25 novembre 2024

Santé

Cancer : les enfants, cette nouvelle cible

20/02/2023 Commentaires fermés sur Cancer : les enfants, cette nouvelle cible
Cancer : les enfants, cette nouvelle cible
Un enfant souffrant de néphroblastome

D’après l’OMS, chaque année, un enfant sur deux cent quatre-vingt-cinq dans le monde développe un cancer au cours de sa vie. Une situation qui n’épargne pas le Burundi, en témoignent les nombreux cas diagnostiqués dans différents hôpitaux.

« Au début, ça a commencé par un ballonnement du ventre », raconte la grand-mère de Kenny. Un brin sarcastique, elle confie qu’ils ne cessaient pas de demander à son petit-fils s’il n’aurait pas avalé tout un cobra au lieu de souffrir des simples vers intestinaux. Durant deux mois, la sexagénaire indique qu’ils lui ont donné des médicaments contre les vers intestinaux, en vain. « Aucune évolution, rien n’y faisait. Au contraire, la situation s’empirait ». Vers le 3e mois, le petit garçon de 3 ans ne pouvait plus rester debout. Les douleurs se sont amplifiées au point de rester clouer au lit.

Le début d’une automédication sans fin. En proie à la suspicion d’un possible empoisonnement des gens de sa commune Cibitoke, ce qui est monnaie-courante, la famille a recours à tous les tradipraticiens de la localité. « Malgré le prix astronomique de leurs remèdes, son état ne cessait de se dégrader. Nous pouvions à peine sentir son pouls cardiaque ». La famille a pensé solliciter une union dans la prière des chrétiens de sa paroisse. C’est alors qu’une chrétienne bienfaitrice s’est saisie de son cas pour le faire examiner. Le temps de quelques examens approfondis à l’hôpital Roi Khaled et Bujapath (laboratoire d’analyses anatomo-pathologique), un néphroblastome (cancer du rein) lui est diagnostiqué.

Un soulagement mêlé d’inquiétudes. La famille de Kenny est démunie financièrement et le traitement contre le cancer est cher. Dans cette quête de soins, la grand-mère de Kenny explique que les autorités communales ont plaidé leur cas auprès du ministère de la Solidarité afin qu’il puisse bénéficier de bons médicaux pour une prise en charge gratuite.

Bientôt 7 mois que le petit Kenny est sous chimiothérapie, son état de santé s’est considérablement amélioré. Il a repris du poids, son ventre n’est plus ballonné. Toutefois, Jeanne, infirmière au Centre Médico-Chirurgical de Kinindo (CMCK), explique qu’il doit rester sous une surveillance accrue au risque de rechuter. « Certes, la fréquence des chimio diminue, mais nous devons le surveiller pour éviter toute sorte de contamination (ex:grippe), surtout nosocomiales (au sein de l’hôpital) parce que ses défenses immunitaires sont très faibles ».

Des chiffres en nette hausse

Fonctionnel depuis juin 2020, le service d’oncohématologie de l’Hôpital CMCK ne cesse d’accueillir des enfants souffrant du cancer. « Actuellement, 75 enfants ont été diagnostiqués et pris en charge », fait savoir Channel Mabano, responsable du service, avant de déplorer : « Comme la plupart arrive dans un état critique, beaucoup meurent avant le diagnostic.» Parmi les types de cancers fréquents touchant les enfants, il cite : les lymphomes, les néphroblastomes, les rhabdomyosarcome, les leucémies et autres tumeurs solides (ostéosarcomes, tumeurs germinales), etc. Et les symptômes peuvent varier en fonction du type de cancer.

Entre un ventre anormalement gonflé, des grosseurs, une fièvre inexpliquée et persistante, une pâleur, de l’apathie, une perte de poids, des douleurs inexpliquées et persistantes dans les articulations et les membres, des maux de tête souvent associés à des vomissements, des hématomes fréquents, des saignements inexpliqués, des sueurs nocturnes. Il y aura des patients qui développent des sautes d’humeur et un changement soudain de comportement, un reflet blanchâtre dans la pupille (« œil de chat »), un strabisme, etc.

Toutefois, un bémol, observe-t-il, quand bien même il y aurait des chances que la chimiothérapie réponde favorablement, pas d’imagerie médicale poussée à l’aide du scanner PET scan pour faire le suivi et l’évaluation. Et couplé à l’absence de la radiothérapie au Burundi, les risques de rechute restent élevés. D’après ce médecin, par peur de toxicité, il leur devient difficile d’adapter un protocole au contexte. « Comme plus de 80% des enfants en provenance de l’intérieur du pays arrivent en état de malnutrition chronique sévère, nous sommes contraints d’adopter une faible dose non adaptée, ce qui ralentit le processus». Entre autres défis, M.Mabano met en exergue le manque de produits sanguins labiles: plaquettes, plasma, cryoprécipité. Des produits importants pour éviter l’anéantissement du système de défense immunitaire durant le traitement.

La prise en charge, un autre défi

Le coût de prise en charge annuelle en soins ambulatoires (non hospitalisés) oscillant autour de 25 000 dollars américains (USD) pour une personne atteinte du cancer, dans une conjoncture où le pouvoir d’achat de la population se réduit comme peau de chagrin, le dépistage précoce reste la seule arme pour lutter contre ce mal pernicieux. « Pour ce, il faut sensibiliser la population, le personnel médical sur la nécessité du diagnostic. Ainsi, aboutir à cette prise en charge précoce des enfants », indique un épidémiologiste sous le sceau de l’anonymat.

Cet expert explique qu’à défaut de données fiables, la sensibilisation devient quelque peu difficile : « Dès lors, les prestataires de services de santé ont dû mal à plancher sur une politique de sensibilisation claire. » La disponibilité et l’inaccessibilité des médicaments anti-cancéreux sont l’autre défi. « Au moment où l’on parle, une proposition de projet de loi dort dans les tiroirs du ministère de tutelle. Les associations des personnes qui militent pour les droits des personnes malades du cancer ne cessent d’émettre des propositions. Mais qu’est-ce qui manque pour que cette loi aboutisse ?», s’interroge-t-il.

Outre leur coût onéreux, il estime que la prise en charge des maladies chroniques ne jouit pas de la même attention que les maladies infectieuses (paludisme, VIH/Sida), pourtant en phase transitoire. « Hormis le gouvernement, les autres bailleurs ou partenaires ne semblent pas investis alors que les maladies chroniques constituent la 2e cause de mortalité ».
Et malgré les efforts de vaccination (vaccins contre le cancer du col de l’utérus…), il déplore cette réticence et le mépris des gens de certaines localités de l’intérieur du pays à y adhérer facilement.

Cette propension de certaines personnes à croire au surnaturel au lieu d’aller consulter précocement participe à la faible intégration de services adaptés dans les hôpitaux dits de référence, explique cet épidémiologiste.

« Un hôpital provincial pas en mesure de faire une échographie ou une radiologie ou ne disposant pas de personnel qualifié pour le faire. Vous comprenez combien est longue la route». Dans l’attente de la mise sur pied du centre national de référence en cancérologie, selon les données fournies par Globocan en 2020, on estimait à 7929 nouveaux cas de cancer au Burundi, dont 19,9% représentaient le cancer du col de l’utérus, 10,1% le cancer du sein, 5,2 % les cancers œsophagiens et 49,2% pour les autres cancers. Célébrée le 4 février de chaque année, au niveau national, la journée de lutte contre le cancer a été célébrée les 14 et 15 février. « Unir nos voix et agir » est le thème retenu cette année.

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