AMEPCI Gira Ubuntu et la communauté estudiantine de l’Université du Burundi, ont commémoré, ce 11 juin, ce triste événement survenu au Campus Mutanga, en 1995. Une messe de circonstance a été célébrée à la paroisse péri-universitaire Esprit de Sagesse. Aucune autorité rectorale n’était présente.
<doc4232|right>D’après Aloys Batungwanayo, secrétaire général et porte-parole de l’Association pour la Mémoire et la Protection de l’humanité contre les Crimes Internationaux (AMEPCI Gira Ubuntu), l’organisation de cette journée entre dans le cadre du « devoir de mémoire ». « C’est un devoir pour tout citoyen, pour tout Burundais, puisque la mémoire est une reconstitution de l’histoire, une pérennisation de la société », fait-il remarquer. Il indique que « ne pas faire ce travail signifierait que le Burundi commence aujourd’hui ».
Il signale que c’est une façon de soutenir les familles éprouvées qui, jusqu’aujourd’hui, pensent que leurs enfants, qu’ils avaient envoyé à l’Université du Burundi, vont revenir un jour. « C’est pour leur dire : nous sommes avec vous, nous vous soutenons dans la douleur que vous portez, nous vous encourageons pour que la vérité soit connue », indique-t-il. Selon lui, lorsqu’il y a la mémoire, la vérité est découverte et la justice rendue.
Concernant l’absence des autorités rectorales dans cette commémoration, M. Barutwanayo ne cache pas son amertume : « C’est très étonnant. Car, les étudiants qui ont été lâchement assassinés étaient considérés comme des enfants de ces autorités. » Ils étaient, insiste-t-il, à la charge de l’administration rectorale. « Leurs parents les avaient envoyés pour que les autorités rectorales puissent les protéger, les instruire,… », précise-t-il.
Une absence mal vue
« C’est une sorte de négation du crime qui a été commis le 11juin 1995. Normalement, un bon père de famille devrait s’alarmer, même si un de ses enfants s’égare tout simplement, un bon père court à sa recherche », s’indigne-t-il.
Même constat du côté des étudiants. Jean Claude Barutwanayo, président l’association « Fraternité des Etudiants de Rumuri » (FER), indique que cette journée devrait être organisée par les autorités rectorales. Puisque, dit-il, ces étudiants massacrés étaient des Burundais et sous la responsabilité de l’administration rectorale. « L’Université devrait prendre en main cette question et consacrer une journée dédiée à nos frères disparus. Il serait mieux aussi de construire un monument pour nos chers disparus », suggère Jean Claude Barutwanayo.
Malheureusement, ce représentant des étudiants déplore le fait que les autorités rectorales ne se soient jamais occupées de cette question. Il demande qu’au moment où le Burundi s’achemine vers la mise en place des mécanismes chargés de faire connaitre la vérité, l’Université du Burundi prenne cette question en main.
Il faut que la Commission Vérité Réconciliation (CVR), une fois mise en place, puisse statuer sur ce cas afin que la vérité soit connue.
Un enterrement digne réclamé
Concernant une éventuelle exhumation de ces étudiants et un enterrement digne, Aloys Batungwanayo indique que l’AMEPCI Gira Ubuntu est en négociation avec des experts pour qu’un jour on puisse chercher où ces étudiants ont été enterrés.
Il précise qu’on ne connait pas le nombre exact et où ils sont enterrés. Il indique qu’on va d’abord identifier deux, trois ou quatre tombes avant de demander la permission d’exhumer à l’autorité compétente. Après, on passera, signale-t-il, à l’enterrement digne de ces disparus, en présence de leurs familles.
M. Barutwanayo ne doute pas qu’un jour les responsables seront connus officiellement. Il précise, par ailleurs, que certains le sont déjà. Peut-être, nuance-t-il, les commanditaires ne sont pas identifiés, mais les exécutants sont bien connus parce qu’il y a eu des rescapés, sauvés par des étudiants Tutsi. « Ils parleront. On attend le moment venu et le cadre légal », espère-t-il.
Le père jésuite Désiré Yamuremye, rescapé de ce massacre, qui concélébrait la messe avec l’Abbé Adrien Ntabona, demande de tout faire pour que ce carnage ne se répète pas.
Le message spécial dans son homélie, était basé sur le « non retour » et « la mémoire », car, selon lui un peuple sans mémoire est un peuple sans histoire. Et d’ajouter que cet événement malheureux ne devrait pas se passer au sein d’un campus universitaire où les gens sont intelligents, à la quête du savoir, de la vérité, etc.
Malheureusement, déplore-t-il, des supposés intelligents ont répondu « oui » à la manipulation politique et ont massacré leurs confrères, parce qu’ils sont Hutu. D’après lui, ce qui fait mal, c’est qu’on veut ignorer cette situation. Il ne comprend pas pourquoi jusqu’à présent, on n’a pas encore fait un recensement pour savoir le nombre exact des victimes.