Dernier tour de piste pour les candidats à la présidentielle. Les uns et les autres fourbissent leurs derniers arguments pour convaincre.
« Le Cndd-Fdd a une mission divine de sauver le peuple burundais »
Lors de sa campagne du 13 mai dans la commune Kabezi, Evariste Ndayishimiye, candidat présidentiel du parti Cndd-Fdd, confie que personne n’empêchera ce parti de remporter les élections, car « point de salut, sans le Cndd-Fdd ».
Mercredi 13 mai, 15e jour de la campagne électorale. Au marché de la zone Ruziba, de la commune Kabezi, province Bujumbura, les militants du parti au pouvoir par milliers, avec des sifflets, scandent les slogans du parti, en guise d’accueil des autres militants venus des autres provinces du pays.
Il est 9 h 45, sur la route menant vers le stade de la commune Kabezi, des troncs de bananiers et les drapeaux du parti flottent de part et d’autre de la rue. De Ruziba au stade de Kabezi, la route est noire de monde, des militants Cndd-Fdd, de tout âge convergent vers ce stade orné aux couleurs rouge-vert-blanc de ce parti. Les plus chanceux sont à bord des gros camions de type Fuso, les autres marchent à pied, hâtent le pas pour arriver à temps au stade afin de ne rien rater des cérémonies.
C’est vers 10 h 30 qu’Evariste Ndayishimiye, le candidat du parti Cndd-Fdd à la présidentielle du 20 mai, arrive au stade de la commune Kabezi, accompagné de son épouse.
« Tirer les Burundais du précipice, notre mission divine »
Dans son discours, les événements ayant marqué le coup d’Etat manqué du 13 mai 2015 contre le président Pierre Nkurunziza, dominent. Le candidat présidentiel du ’’parti de l’aigle’’ fait une confidence : «Ce jour-là, nous avons eu le dessus, ce sera la même chose pour cette année ».
D’après lui, personne ne pourra empêcher le Cndd-Fdd de remporter les élections de 2020. «Qu’ils le sachent bien, nous avons une mission divine de tirer les Burundais du précipice ».
Cependant, Evariste Ndayishimiye confie que malgré cette victoire, leurs challengers, qu’il qualifie de partisans du PDC (parti démocratique chrétien) de l’époque coloniale, existent toujours.
Selon lui, ces derniers ne cessent de provoquer les Bagumyabanga. «Certains parmi eux ont juré de s’opposer à la victoire du Cndd-Fdd, s’il sort gagnant».
Evariste Ndayishimiye appelle ses rivaux à laisser les Burundais élire un leader qui leur paraît digne de les gouverner. Et de rappeler aux candidats en compétition que c’est au peuple d’élire qui va les gouverner. « La population veut quelqu’un qui leur parle de projets de développement et non ses lamentations ».
Comme projets, Evariste Ndayishimiye promet aux habitants de la commune Kabezi de développer le secteur de la pêche et de s’assurer que toute la commune soit alimentée en électricité. Et de leur promettre aussi qu’en vue de fructifier le commerce sur le lac Tanganyika, il va construire des ports.
Point d’orgue des cérémonies marquant le 15e jour de campagne du candidat du Cndd-Fdd à la présidentielle : un concours de danse improvisée où quelques militantes du parti, appelées au podium, rivaliseront d’adresse en se trémoussant à en perdre haleine.
Mariette Rigumye
« Les recrutements s’effectueront sur base de tests »
Dimanche, 10 mai, Agathon Rwasa, candidat du parti Cnl tient son meeting à Matana, province Bururi. Il avance un vaste projet de réformes dans le secteur agricole.
« Si nous gagnons les élections, tous les Burundais auront accès à l’emploi. Pas uniquement les Inyankamugayo. Les recrutements professionnels s’effectueront à base de tests». Devant une foule d’Inyankamugayo venus de différentes communes de la province Bururi, Agathon Rwasa pointe du doigt la corruption qui fait rage dans le recrutement : « Des pots de vin d’un million BIF font parfois l’affaire pour se faire embaucher ». Ainsi, il demande aux parents d’encourager les jeunes à créer leurs propres emplois au lieu de débloquer des sommes aussi faramineuses « pour des emplois dont le salaire n’excède même pas 100 mille BIF ! »
Sur le plan éducationnel, le candidat du Cnl se dit soucieux d’améliorer la qualité de l’enseignement : « Dans chaque classe, il y aura 50 élèves au maximum. Les recyclages des enseignants seront multipliés et des homes seront construits tout près des écoles.» Dans le domaine de la Santé, Rwasa dit vouloir construire des hôpitaux de qualité et dotés d’un matériel en quantité suffisante. Et pour garantir la qualité des soins, il envisage le rapatriement des cerveaux : « Globalement, nous allons réorganiser les salaires pour permettre aux fonctionnaires de l’Etat de mener une vie décente.»
Côté judiciaire, M. Rwasa se dit en faveur d’une justice réconciliatrice et incorruptible. Le leader des Cnl s’est aussi penché sur le secteur du transport : « Nous allons développer le transport maritime et le transport ferroviaire par la construction d’un chemin de fer.»
Le secteur primaire, base du développement
« L’agriculture fait vivre plus de 90 % des Burundais. C’est donc la base du développement », soutient Agathon Rwasa. Et pour booster ce secteur, le candidat prévoit des études sur ce dernier. « Et ce, afin d’avoir des statistiques qui serviront de référence pour développer telle ou telle culture ou type d’élevage». Pour lui, la villagisation et l’urbanisation vont aider à répondre au défi de l’exiguïté des terres. Selon Rwasa, l’agriculture et l’élevage doivent viser aussi bien le marché intérieur qu’extérieur. L’énergie est également l’un des domaines structurant son projet de société. « Nous allons réorganiser ce domaine en développant d’autres sources d’énergies renouvelables».
En vue du triple scrutin du 20 mai, Rwasa en a profité pour présenter à ses militants les candidats aux législatives dans cette province. « Une fois élus, il faudra être des serviteurs de la population », leur glisse-t-il.
Face aux intimidations, M.Rwasa demande à ses militants de rester solidaires et déterminés : « La victoire ne s’acquiert pas facilement. Ils projettent de voler les élections. Mais, cette fois-ci, cela ne leur sera pas facile. » Le jour du scrutin, le candidat du parti Cnl recommande à la population de rester vigilante, de veiller à ce que leurs voix ne soient pas ‘’volées’’.
Rénovat Ndabashinze
«Il faut une composition inclusive des responsables des bureaux de vote»
Le candidat de l’Uprona à la présidentielle, en même temps premier vice-président de la République, demande à la Ceni de revoir la composition des responsables des Bureaux de vote. Il battait campagne ce samedi 9 mai à Ruyigi.
« Il faut que tous les partis politiques en lice soient représentés », a-t-il lancé au Stade Uhuru du chef-lieu de cette province Ruyigi. Il est arrivé à ce stade en tête de peloton, du haut de son tout-terrain rutilant de campagne à son effigie et aux couleurs rouge-blanc de son parti.
Ses partisans venaient de faire une marche de plus de 3 km au chef-lieu de la province Ruyigi, agitant des fanions aux couleurs de l’Uprona et à l’effigie de leur candidat.
Ce groupe s’est joint aux autres militants déjà présents au stade, sous des chansons de campagne de ce parti balancées par des baffles montées sur des pick-up.
Dans la tribune d’honneur, des candidats aux législatives, aux communales, et de nouveaux adhérants à l’Uprona venus de la province Bujumbura, des anciens membres du Palipehutu Fnl. C’est Gaston Sindimwo en personne qui les a présentés aux Badasigana venus le soutenir.
Dans son mot, il a promis, une fois élu, un habitat décent à tous les Burundais, deux vaches par ménage, des routes asphaltées. « Pas des pavés », a-t-il martelé.
Gaston Sindimwo a également promis de renouer les relations diplomatiques notamment avec les voisins. Parmi ses promesses électorales, il y a la gratuité des soins, le démarrage du barrage sur la Kayongozi, la recherche des restes de l’épouse de Rwagasore, héros de l’indépendance et de Rémy Gahutu, leader du Palipehutu, assassiné en Tanzanie. « C’est pour sceller la réconciliation et pouvoir vivre dans un pays paisible, sans peur».
D’après le candidat de l’Uprona à la présidentielle, il ne faut pas qu’il y ait fraude électorale. « S’il faut gagner, il faut gagner dans la transparence et s’il faut perdre, il faut perdre dans la transparence ».
« Gaston Sindimwo est notre deuxième Rwagasore », a scandé l’artiste connu sous le nom de Gentil Wakoloni, hier chantre convaincu et zélé du Cndd-Fdd.
Sous une salve d’applaudissements, cet artiste n’a pas manqué de vilipender voire vouer aux gémonies le groupe des Upronistes pro Cndd-Fdd sous la houlette d’Isidore Mbayahaga.
Abbas Mbazumutima
«Il faut conjurer le spectre de la violence»
Au moment où différents candidats à la présidentielle organisent de grands meetings, Dieudonné Nahimana, candidat indépendant, préfère aller vers son électorat potentiel : les jeunes. Il demande qu’ils ne soient pas manipulés. Il était ce week-end du 9 mai à Gitega pour battre campagne.
Dans ses caravanes électorales pour aller à la rencontre des jeunes que son équipe de campagne appelle ’’Road Show’’, Dieudonné Nahimana, du haut de son tout-terrain avec en tête de peloton de son cortège, un pick-up muni de baffles, tient à saluer tout le monde sur son passage.
Il a un mot pour tout attroupement de personnes ou de curieux qui s’arrêtent au bord de la route. Dieudonné Nahimana lève de temps en temps son pouce, comme pour demander l’approbation des gens que son cortège croise.
C’est ce qu’il fera dans la ville de Gitega, quand il remonte l’avenue menant vers le grand rond-point avec au milieu, un buste du Prince Louis Rwagasore sur un piédestal.
Au passage de ce cortège, des jeunes de l’équipe de campagne de ce candidat indépendant à la présidentielle distribuent des dépliants contenant sa vision, ce qu’il compte accomplir, une fois élu.
Au programme de ce dimanche, Dieudonné Nahimana sera au chef-lieu de la commune Itaba. Mais avant d’y arriver, le cortège ralentit de temps en temps pour laisser les gens écouter les chansons appelant à voter pour ce candidat indépendant.
Quand la dizaine de véhicules formant le cortège de Dieudonné Nahimana s’arrête à la hauteur du marché d’Itaba, un attroupement de gens se forme déjà. L’équipe de campagne s’active pour distribuer les dépliants et ces gens se tiennent prêts pour écouter ce candidat.
« Il faut des leaders ayant des mains propres »
Dans son mot, du haut du toit ouvrant de son tout-terrain qui lui sert de tribune, il rappelle qu’il n’appartient à aucun parti politique. Il rappelle également, à qui veut l’entendre, qu’il est le plus jeune de tous les candidats à la présidentielle.
Il affirme être au service des Burundais depuis 20 ans dans le monde associatif et comme pasteur. Il informe ce public, qu’il a plusieurs distinctions dont celle décernée par le chef de l’Etat.
Il insistera sur différentes crises que le Burundi a connues. D’après lui, il ne faut pas rester dans ce cycle infernal, il se dit convaincu que la réconciliation est possible. « Il faut que les Burundais puissent vivre sans peur d’être persécutés pour ce qu’ils sont, pour leurs idées. Il y a beaucoup de cicatrices et de plaies encore béantes à panser ».
Pour ce candidat, les Burundais doivent pouvoir soigner leur mémoire. «Il faut aider les gens à dire la vérité pour enfin avoir une même lecture du passé. Les Burundais pourront alors envisager un monument commun, unificateur avec les noms de toutes les victimes gravés dessus ».
D’après Dieudonné Nahimana, il faut des leaders capables de mettre en application cette vision. « Il faut un leadership serviteur, rassembleur, des leaders ayant les mains propres ».
Selon lui, l’intolérance politique monte d’un cran, il faut que les différents candidats calment la situation et leurs jeunes militants et épargnent le pays de replonger dans la violence.
Il se dit un peu inquiet : « Jusqu’à présent, le processus avance bien mieux par rapport aux années antérieures mais il y a une certaine tension entre certains partis politiques et il y a risque que les messages ou les actions menées par des jeunes de certains partis politiques fassent des victimes.»
«Les jeunes sont les premières victimes en cas de violence»
Pour ce candidat indépendant, il appartient aux différents candidats d’avoir des messages allant dans le sens de bannir la violence : « Nous ne voulons pas de troubles après les élections.»
Dieudonné Nahimana se dit convaincu que la jeunesse actuelle n’est pas comme celle des années passées. «La génération actuelle a compris qu’elle a toujours été victime et manipulée. Que c’est elle qui paie un lourd tribut ».
Ce candidat indépendant à la présidentielle dit être persuadé que tout politicien qui voudra utiliser la violence à des fins personnelles n’aura pas la jeunesse à ses côtés. « Il pourra avoir quelques jeunes derrière lui mais la majorité de la jeunesse burundaise n’est plus dans la logique de la violence ».
Mais après le départ du cortège, certains jeunes accourus pour voir ce candidat, n’attendront pas que les véhicules s’éloignent pour déchirer les dépliants contenant la vision de ce nouveau venu dans l’arène politique. Au loin, des chansons appelant à voter pour le candidat du parti au pouvoir à la présidentielle se font entendre.
Abbas Mbazumutima