La campagne électorale pour la mise en place des notables collinaires a débuté, mardi 6 septembre. Malgré quelques difficultés, les candidats parcourent les ménages pour convaincre l’électorat. Pour les politiques, il faut éviter la politisation de cette institution. Ils demandent à la population d’élire des gens épris de paix et de justice.
La campagne pour les élections des notables collinaires bat son plein. Nous avons fait le tour dans quelques quartiers. Il est 11h dans le quartier Nyabagere dans la zone Gihosha, commune Ntahangwa, en mairie de Bujumbura.
Noël Ntakarutimana s’est porté candidat. Il est de la cellule III. Sous un soleil de plomb, il est en train d’afficher ses portraits sur les poteaux électriques. Il passe d’une porte à l’autre pour vanter ses projets. « Ce n’est pas facile. C’est fatigant de sillonner tout le quartier », se désole-t-il.
Interrogé sur ses projets, il répond qu’il a posé sa candidature pour donner son coup de main dans le règlement des différends sociaux, et surtout les conflits fonciers.
« Nous demandons à la population de ne plus porter les conflits sociaux chez les OPJ », a-t-il interpellé.
M. Ntakarutimana demande à l’Etat de soutenir financièrement ceux qui seront élus dans cette noble mission, tout en exhortant les notables de ne pas mettre en avant leurs intérêts personnels.
Les femmes n’ont pas manqué au rendez-vous
Patricia Dusabe, la cinquantaine, habite la cellule III du quartier Nyabagere. Elle a l’envie d’intégrer le conseil des notables. Elle est déterminée à contribuer dans la résolution des conflits sociaux : « Nous sommes au courant de tout ce qui se passe dans les familles. Donc, nous sommes bien placées pour régler tout différend qui surgirait.» Elle assure de mettre en avant l’équité et la vérité.
Mais elle évoque aussi les problèmes rencontrés dans la campagne : « Nous devons parcourir tout le quartier à longueur de la journée, et pendant la soirée pour attirer l’électorat.» Elle demande des moyens financiers pour bien mener sa campagne.
Même détermination du côté de Bernardine Nkorerimana, habitante du même quartier. Elle assure qu’une fois élue, elle va se pencher surtout dans le règlement des conflits devenus récurrents entre les couples. Et de regretter que c’est un mal qui ronge la société.
Cap sur le quartier Taba
Selon un habitant de ce quartier, la campagne électorale a bien débuté. Il informe que les candidats mènent la campagne dans les ménages surtout pendant la soirée où la majorité des gens sont de retour. Cet habitant s’interroge sur les critères de sélection des candidats. Il déplore l’implication des conseillers collinaires, la majorité appartenant, selon lui, au parti au pouvoir. Et de déplorer : « Il y a risque de politisation de l’institution des notables dans notre quartier.». Nous avons essayé de contacter le chef de quartier sur ce risque de politisation, sans succès.
Signalons que Domine Banyankimbona, ministre de la Justice, a lancé les activités liées aux élections des membres du conseil des notables collinaires, lundi 29 août à Gitega.
Elle a fait savoir que la réinstauration du conseil des notables collinaires au Burundi va contribuer à la réduction des conflits fonciers et autres conflits qui s’observent fréquemment dans la société.
Rappelons aussi que c’est le 23 janvier 2021 que le président Evariste Ndayishimiye a promulgué la loi portant complément des dispositions du code de procédure civile relatif à la réinstitution du conseil des notables collinaires.
Réactions
Phénias Nigaba : « Les élections risquent d’être caractérisées par les aspects politiques.»
« Nous étions habitués à voir ces notables. Ils travaillaient bénévolement pour le bien-être de la population. La différence d’aujourd’hui c’est qu’il y a l’enjeu électoral. Quand on fait des élections, il y a l’enjeu politique qui entre là-dedans », a déploré Phénias Nigaba, porte-parole du Frodebu.
Selon lui, les élections des membres du conseil des notables collinaires risquent d’être caractérisées par les aspects politiques, tout en précisant que ces élections sont en train d’être organisées par les élus collinaires qui sont pour la plupart du parti au pouvoir.
En outre, il redoute un chevauchement entre les attributions de élus collinaires et les notables : « A la base, il y aura de la confusion parce que la population pourra avoir une confusion à qui s’adressait pour l’une ou l’autre question.»*
Le porte-parole du Frodebu recommande à la population d’être vigilante pour qu’elle élise des personnes intègres. Du reste, M. Nigaba demande au parti au pouvoir de ne pas s’ingérer dans le fonctionnement de cette institution : « Il faut que ces notables travaillent dans la neutralité et en toute indépendance.»
Kefa Nibizi : « Dans cette élection, on devra éviter toute manipulation politique.»
Le président du parti Conseil pour la démocratie et le développement durable au Burundi (Codebu) fait savoir que c’est une institution qui a été réhabilitée dans le but de réduire les procédures judiciaires relatives aux conflits fonciers : « Nous espérons que ces notables vont bien accomplir leurs missions afin d’amoindrir les procédures qui devenaient de plus en lourdes en rapport avec les litiges fonciers, notamment parce que les notables seront proches de là où les conflits se trouvent.»
Pour qu’ils parviennent à cette mission, fait-il observer, il faut que ces notables soient des personnes responsables qui ont une certaine probité au sein de la population et qui inspirent la confiance.
Pour Kefa Nibizi, il faut éviter toute manipulation politique pour que les notables soient élus sur des critères de probité, de responsabilité et non sur des critères politiques.
Interrogé sur le risque de chevauchement entre les attributions des élus collinaires et les notables, Kefa Nibizi appelle l’autorité habilitée à délimiter les compétences des uns et des autres : « Il faut que les élus collinaires gèrent les actes administratifs, mais pour ce qui est des conflits qui nécessitent d’être tranchés par des jugements, ils devraient être attribués aux notables pour éviter justement l’ingérence ou la confusion.»
Il exhorte les notables qui seront élus de mettre en avant une justice qui réconcilie : « Il faut que ces notables sachent que la justice est un pilier très important pour une cohabitation entre les différentes composantes d’une société. Si elle est mal rendue, elle créera un sentiment de malaise jusque même à provoquer une vengeance populaire.»
Il fait remarquer qu’ils seront chargés d’une mission très importante parce qu’ils sont d’abord à proximité des justiciables. Et de renchérir : « Ils devront être neutres, éviter la corruption qui gangrène l’appareil judiciaire et trancher en toute neutralité sans considération des appartenances politiques, familiales et se fonder uniquement sur la vérité.»
Simon Bizimungu : « Il faut que le tissu social soit sauvegardé.»
« Nous attendons de cette institution qu’elle fasse son travail correctement et que les différends qui opposent les gens sur les collines soient tranchés pour que le tissu social soit sauvegardé », a indiqué Simon Bizimungu, vice-président du Cnl. Il exhorte les organisateurs des élections à ne pas politiser le processus : « Nous avons l’habitude de voir dans ce pays que tout doit être politisé. Si cette institution est politisée, cela sera dommage.» Il recommande aux notables de servir tout le monde sans distinction aucune : « Nous avons besoin des hommes et des femmes intègres qui sachent bien le travail qu’ils vont faire et non travailler comme des politiciens.»
Gabriel Banzawitonde : « Cette institution va renforcer la cohésion sociale.»
Pour le président du parti Alliance pour la paix, la démocratie et la réconciliation (Apdr), la mise en place des notables collinaires va aider à diminuer les procès au niveau des tribunaux et des parquets. Certains différends vont être réglés au niveau des collines. « Il y aura une sorte de réconciliation de la population et cela va renforcer la cohabitation sociale ». M. Banzawintonde invite les notables à ne pas politiser les procès et à éviter de tremper dans la corruption : « Ils n’auront pas de salaire, mais ils ont une mission de soutenir le gouvernement. Il faut qu’ils soient impartiaux.»