L’Etat a annoncé sa volonté de reprendre en main le secteur café. Non-paiement des caféiculteurs, non-rapatriement des devises, des structures de régulation mal règlementées sont les principales raisons avancées. Cnac trouve que le réengagement de l’Etat n’est pas clair. Les élus du peuple révèlent que les cultivateurs ne profitent pas de la libéralisation.
Dans une note sortie à la fin du mois d’octobre, l’organisation fait savoir que le réengagement de l’Etat n’est pas clair jusqu’à présent. Ce qui risque de mettre les cultivateurs dans la confusion. « Le gouvernement devrait éclairer les agriculteurs. Au moment où la campagne de récolte du café approche, ils ne savent pas, entre les stations de lavage publiques et privées, où ils pourront vendre leurs récoltes. » Pour le Cnac, il est urgent que, l’Etat réhabilite ses stations de lavage en piteux état.
Une question reste toujours sans réponse. Le sort des stations de lavage privées. «L’Etat doit montrer le sort réservé aux cultivateurs regroupés dans des coopératives quand l’Etat reprendra en main ce secteur», insistent les signataires de la note. Cette confédération réclame aussi la hausse du prix d’un kg de café cerise. Ce prix ne devrait pas être inférieur à 1000 BIF.
La Cnac tient à rappeler qu’il avait toujours crié et dénoncé le processus de privatisation de ce secteur. «Dès le début, elle a montré au gouvernement que la libération excluait les caféiculteurs. Nous n’avons pas apprécié le processus de la privatisation de ce secteur dès le début.»
D’après elle, dans ce fameux processus de libéralisation, le cultivateur n’a pas reçu sa part. Il était prévu qu’un capital de 72 % revienne aux caféiculteurs. Néanmoins, les stations de lavage ont été vendues à des prix dérisoires et les caféiculteurs se sont vu exclus de la vente.
Pour rappel, le ministre de l’Agriculture donne les raisons qui poussent le gouvernement à reprendre en main ce secteur. Déo Guide Rurema a révélé que l’Etat se base sur le rapport d’évaluation de la Banque Mondiale qui relève plusieurs défis dans le secteur du café, depuis sa privatisation. « Le retard de paiement des caféiculteurs est la principale raison. Ces derniers les caféiculteurs pouvaient passer près d’un an sans être payés », explique le ministre en 2016, les sociétés de lavage devaient plus de 2 milliards BIF aux caféiculteurs.
M. Rurema avoue ensuite que les deux structures de régulation de la filière café notamment ARFIC et Intercafé ne jouent pas leur rôle. « Ces organes n’ont réellement aucun pouvoir de contrôle de ce secteur. » Selon lui, leur règlementation n’a pas été analysée profondément.
L’autre défi de taille, d’après le ministre, est le non-rapatriement des devises qui découlent de l’exportation du café. La valeur du café déjà exporté est de plus de 6 millions USD mais le montant rapatrié tourne autour de 1 million de dollars USD…
Analyse/ Le secteur privé n’a pas échoué
Non-paiement des caféiculteurs, non-rapatriement des devises, des structures de régulation mal règlementées sont les principaux motifs derrière la déprivatisation du secteur café.
Nul ne peut douter de l’efficacité de la décision de l’Etat. Ces problèmes ne peuvent pas être résolus par le réengagement de l’Etat.
Après dix ans, le gouvernement constate que les opérateurs ne paient pas les caféiculteurs. Les opérateurs n’ont pas vraiment échoué. Plutôt, l’Etat n’a pas mis en place de textes règlementaires pour promouvoir ce secteur.
Ainsi, le retard de paiement des caféiculteurs est surtout lié au manque de financements des sociétés œuvrant dans ce secteur. Au niveau interne, un certain moment les banques commerciales se sont retrouvées dans l’impossibilité de leur accorder des crédits. Car, certaines sociétés n’ont pas de garanties de remboursement. Or, ces dernières avaient déjà pris des engagements envers les caféiculteurs. Sur ce point, le gouvernement devrait obliger tous les opérateurs de mettre en place un fonds pouvant couvrir les risques des prix. Mais, il n’a rien fait.
Pour rappel, avant la privatisation, il y avait un fonds de garantie servant d’une part à protéger les cultivateurs contre la volatilité des prix sur le marché international. Et d’autre part, ce fonds servait également de garantie de remboursement des crédits consentis pour financer l’achat, la transformation et l’entreposage du café aux différents stades de production.
En plus, les différentes règlementations qui sont contraignantes ont été mises en place. Depuis la campagne de 2017, les opérateurs qui achètent du café cerise ne sont pas autorisés de contracter des prêts à l’étranger. l’ARFIC a interdit aux opérateurs des stations de lavage du café de contracter des prêts auprès des banques étrangères ou à l’aide de sources étrangères de financement pour un préfinancement des campagnes d’achat du café.
Cet organe de régulation veut s’assurer que les exportateurs du café respectent les exigences de rapatriement de toutes les devises provenant de la vente de café.
Cependant, les opérateurs du secteur café ne peuvent plus accéder au financement des fournisseurs internationaux de crédit spécialisés dans le financement des campagnes. Cela réduit la capacité de ces acteurs à offrir aux agriculteurs des paiements en espèces au cours de la saison. Voilà pourquoi ces opérateurs tardent à payer les caféiculteurs.
Non-rapatriement des devises est une raison militant pour la déprivatisation. Les faits sont têtus. Sur plus de 6 milliards de dollars de recettes d’exportation, 2 milliards seulement ont été rapatriés.
Par ailleurs, le gouvernement du Burundi n’a pas besoin de prendre en main le secteur privé. Désormais, les opérateurs du secteur café peuvent bénéficier d’un crédit à un taux d’intérêt abordable variant entre 5 et 6%.
Ce retour du gouvernement dans la gestion du secteur café ne rassure pas. Dans le passé, l’Etat était un mauvais gestionnaire. Ce qui avait motivé la privatisation de ce secteur. Il ne vient qu’ajouter du drame au drame. Pour le moment, il fallait au contraire achever cette libéralisation en mettant en place un cadre légal permettant aux opérateurs d’accéder librement aux marchés de financements les plus offrants.