Le Burundi a traversé des crises cycliques qui ont endeuillé des familles. A chaque révélation d’un témoignage, d’un livre sur ce passé douloureux, des polémiques sont observées à travers des mises en cause partielles ou totales du contenu. Pourquoi cette vérité blesse les gens ? Pourquoi cette attitude ? Les habitants de la colline Kirambi en commune Bweru de la province de Ruyigi donnent leurs points de vue.
La commune Bweru est l’une des communes qui ont déjà organisé des séances de demande et d’octroi du pardon entre victimes, familles des victimes et leurs bourreaux.
Selon ces habitants, il n’est pas très agréable d’être cité parmi les auteurs des crimes du passé. « Quand les auteurs des crimes sont connus et que leurs crimes sont exposés, ils sont inquiets. Ils disent : nous sommes exposés car les crimes qui étaient tenus secrets viennent d’être dévoilés », explique Sylvestre Ndayiziga. Et d’ajouter qu’ils éprouvent de la honte si bien que certains peuvent se cacher pour ne pas répondre de leurs actes devant les juridictions.
Rosata Ndayiziga considère que les auteurs des crimes doivent être blessés par la vérité car, ils sont mis en cause. « Quand ils sont pointés du doigt, ils sont blessés psychologiquement. Ils tentent par tous les moyens de s’attaquer à ceux qui disent la vérité ».
Même lecture de la part de Léonidas Ndayishimiye qui considère qu’il est difficile pour les gens de voir leurs responsabilités établies. « Ils doivent nier l’existence même des faits pour échapper à la rigueur de la loi ».
M.P, un sexagénaire, fait savoir que les Burundais réagissent de différentes manières et selon les circonstances. Il indique qu’il y a ceux qui préfèrent reconnaître les crimes et demander pardon. « La vérité libère. Ceux qui ont demandé pardon dans leurs communes ont été pardonnés et ils n’ont jamais été inquiétés ». Il trouve que tous les Burundais devraient reconnaître la vérité et aider à bâtir une société juste et prospère.
La population de la commune Bweru appellent les auteurs des violences de reconnaitre leurs crimes et de demander pardon. Elle invite également les victimes et leurs familles de se préparer à octroyer le pardon pour une société réconciliée et juste.
Demander pardon et l’octroyer
Selon Diane Niyibitanga, administrateur de la commune Bweru, il n’est pas facile de reconnaître la vérité sur les crimes dont la responsabilité vous est imputée. Elle se base sur des séances de demande et d’octroi du pardon qui ont été organisées dans sa commune. « Le Burundi a connu des périodes difficiles, des crises, des guerres et des divisions identitaires. Il y a ceux qui ont été pointés du doigt d’avoir commis des atrocités lors de ces événements malheureux qui repoussent la vérité ».
Elle se félicite qu’il y a des avancées en matière de réconciliation dans sa commune. « Des gens ont fait des pas en avant pour reconnaître les crimes commis et demander pardon à leurs victimes ou aux familles des victimes. C’était un exercice difficile quand un individu était pointé du doigt. On a réussi avec l’aide de Soprad – Caritas Ruyigi ainsi que d’autres institutions travaillant dans le secteur de la réconciliation et justice transitionnelle ».
D’après Alors Batungwanayo, commissaire à la Commission Vérité Réconciliation (CVR) doctorant en histoire et gestion de la mémoire, le fait de nier la vérité est monnaie courante dans un pays avec un passé conflictuel. « Il y a des gens qui ont été victimes qui ne connaissent pas la vérité et un autre groupe qui connaît plutôt la vérité, mais qui veut la cacher. Le premier cherche la vérité sans y parvenir. Lorsque la vérité tombe d’un coup, ceux qui sont pointés du doigt cherchent par tous les moyens à nier et à faire disparaître toutes les preuves », précise-t-il.
Il donne l’exemple de l’assassinat du premier président démocratiquement élu, Melchior Ndadaye et de ses proches collaborateurs. On savait que c’était un groupuscule de militaires qui a tué ces personnalités. « Lorsqu’on parle de groupe, c’est abstrait. Au contraire, si on commence à pointer du doigt les gens et à établir leurs responsabilités, des polémiques naissent ».
Aloys Batungwanayo explique que même les victimes peuvent être dépassées si la vérité éclate sans être préparées. C’est pourquoi il faut conscientiser les gens pour les préparer à recevoir la vérité. « Lorsque le groupe des victimes n’est pas bien préparé, il peut organiser une vengeance contre celui considéré comme bourreau. Là, on ouvre la boîte de Pandore. C’est le cycle de violences qui reprend ».
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