Le Ministre de l’Intérieur, Édouard Nduwimana, a rétabli Capitoline Nijimbere dans ses fonctions d’administrateur de la commune de Buyengero. Pourtant, le conseil communal l’avait limogée pour incompétence notoire et inaptitude à défendre les intérêts de la commune.
<doc5435|left>Le 5 septembre dernier mauvaise nouvelle pour les habitants de Buyengero et la majorité du conseil communal : Édouard Nduwimana annule la décision du conseil communal de destituer l’administrateur.
Le 10 août 2012, 12 sur 13 conseillers présents limogent Capitoline Nijimbere. Elle est accusée de ne jamais produire de rapports, de laisser-aller dans la mobilisation et la perception des recettes, d’incapacité à exécuter le budget voté par le conseil communal. Le taux de réalisation des prévisions 2011 enregistre un manque à gagner de 11.812.328Fbu. » Le conseil communal dit avoir donné beaucoup d’occasions à leur administrateur de se ressaisir, mais en vain.
La vice-présidente du conseil affirme que certains agents de la commune et certains percepteurs de taxe sont parfois dans un état d’ébriété pendant les heures de travail.
L’improvisation aussi
La vice-présidente affirme que l’administrateur Nijimbere initie des projets sans l’aval du conseil, ce qui crée des dépenses ne figurant pas dans le budget : « Elle a engagé la construction d’une école à Sebeyi à la place d’un stade et d’une école à Mukenke comme œuvre à présenter pour le cinquantenaire. » Le projet Fonic refusera, par après, de financer ces travaux pour ce changement de site. Mme Nisubire indique aussi l’incompétence dont elle fait preuve dans la tenue des stocks : « Ne demandez pas à Mme l’administrateur comment les matériaux octroyés par la présidence de la République ont été gérés et comment la fiche de stock est tenue.»
Elle souligne, par ailleurs, le manque d’autorité sur le détachement de la police affectée dans la commune, ce qui entraîne parfois des bavures de certains agents de ce corps. Bref, Mme Nisubire estime que leur administrateur n’a aucun sens de l’organisation. Elle se souvient de ce jour où elle est arrivée avec une heure de retard à l’ouverture des travaux de réhabilitation de la route Rumonge-Buyengero par le ministre des travaux publics.
<doc5437|right>« Le conseil a violé la procédure »
Selon le ministre de l’Intérieur, le conseil n’a nulle part mentionné ce limogeage et ses raisons dans l’ordre du jour de la réunion du 10 août 2012. « Celles-ci devraient être envoyées en même temps que la lettre d’invitation pour donner à l’administrateur l’occasion de préparer sa défense. » Et Mme Nisubire de riposter que cela n’est mentionné nulle part dans la loi communale. Ces reproches, souligne-t-elle, figurent parmi les quelques éléments à charge discutés lors de la réunion du 10 août et au cours de laquelle l’administrateur a eu le temps de s’expliquer.
Ensuite, le ministre accuse le conseil qu’il n’y a pas eu de la part du gouverneur de la province Bururi une prise d’acte : approbation, suspension ou annulation, substitution des délibérations de leur réunion. Cependant, la vice-présidente du conseil communal de Buyengero précise que la déchéance de l’administrateur ne requiert aucune approbation ou autorisation. Elle renvoie le ministre à l’article 21 de la loi communale qui stipule que les délibérations du conseil communal sont adressées au gouverneur de province pour information.
Edouard Nduwimana fait savoir que chaque point à l’ordre du jour doit faire l’objet d’une délibération rédigée selon les formes prévues au Manuel de Procédures Administratives et Financières ainsi que dans le Guide Pratique de Contrôle de Tutelle des Actes des Commune. « Leur transmission doit être immédiate. Or, ceci n’a pas été le cas », précise-t-il.
La vice-présidente du conseil communal de Buyengero signale que celui-ci a été surpris d’apprendre l’existence de ces documents : « Ils n’ont jamais été portés à notre connaissance, ce qui prouve encore une fois l’incompétence de notre administrateur. » Mais qu’à cela ne tienne, rassure-t-elle, le conseil a suivi la forme habituelle de présentation.
<doc5436|left>« Ils ne veulent pas que la réussite soit attribuée à une femme »
Capitoline Nijimbere, réfute toutes les accusations. Elle affirme que n’eût-été son dynamisme et sa bravoure, Buyengero ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui : « Le conseil ne se réunit que pour m’enfoncer au lieu de me soutenir. Il y en a qui ne sont pas retournés depuis les élections de 2010.» Elle trouve aberrant que le conseil dise qu’il n’a pas été informé des projets initiés, alors que la majorité de ses membres conseil a donné son consentement.
Mme Nijimbere estime qu’elle est à la hauteur : « C’est moi qui ai pris l’initiative de déplacer les matériaux de construction donnés par la présidence de la République. J’ai aussi négocié 340 tôles destinées à la couverture de certaines salles de classe. » Le stock, d’après elle, est bien conservé et aucune perte n’a été enregistrée. « Le conseil communal (composé de quatre femmes, ndlr) ne veut pas que toutes ces bonnes initiatives soient attribuées à une femme », dit-elle. Elle rappelle au conseil qui l’a déchue que l’administrateur dans sa commune ne donne pas des ordres aux agents de l’ordre mais collabore avec eux. « L’idée que l’on se fait de la femme qu’elle est naturellement et moralement faible est archi-faux », conclut-elle.
L’intérêt du peuple avant tout
Loin des intérêts partisans, presque tout le conseil est unanime sur le remplacement de Capitoline Nijimbere. Alors que même le gouverneur de la province Bururi soutient le conseil, Edouard Nduwimana s’y oppose en évoquant la violation de procédure. D’aucuns se demandent pourquoi le ministre défend bec et ongles un administrateur issu du parti Sahwanya Frodebu, parti membre de l’ADC-Ikibiri. « Ce n’est pas gratuit », confirment des sources bien informées à Buyengero.
L’administrateur Nijimbere, après avoir constaté qu’elle n’était plus sur la même longueur d’ondes que le conseil, aurait sollicité l’aide d’un député de Bururi, issu du parti CNDD-FDD. Nos sources indiquent que c’est lui qui aurait inspiré la position du ministre de l’Intérieur vis-à-vis du limogeage de Mme Nijimbere. Pour l’intérêt de la population, des sources avisées estiment que le ministre Nduwimana doit revenir sur sa décision car le conseil n’a plus confiance en elle. « Comment collaborer dans un climat de méfiance totale ? », s’interrogent-elles.