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Société

Butihinda : Quand la ruée vers l’or sème la désolation

13/05/2019 Commentaires fermés sur Butihinda : Quand la ruée vers l’or sème la désolation
Butihinda : Quand la ruée vers l’or sème la désolation
Dans ce cimetière sis à presqu’1km de la commune Butihinda, plus de 90% sont morts de la pneumoconiose.

Des centaines d’orpailleurs sont morts à Muyinga, une des provinces aurifères du nord-est du Burundi. Ils sont victimes de la pneumoconiose qui résulte de l’usage de la dynamite dans l’extraction minière. Butihinda est particulièrement touchée, selon les témoignages.

Le chef-lieu de la commune Butihinda est un lieu attrayant. Sur les hauteurs de la colline Kamaramagambo, de belles villas, certaines en étages. Non alimenté en électricité, les habitants se servent de plaques solaires géantes. Grâce à l’extraction de l’or, le centre Butinda s’est enrichi.

Cette façade cache, néanmoins, une autre réalité moins reluisante. « L’argent ne fait pas le bonheur », glisse un sexagénaire croisé au chef-lieu de la commune. Avant d’enchaîner : « Entre les murs de ces luxueuses maisons,  il n’y a pas la joie. Beaucoup d’anciens propriétaires ne sont plus. »

Isaac, un autre habitant de cette localité, révèle que beaucoup d’autres anciens orpailleurs attendent impuissamment le jour fatidique : « C’est une triste réalité. Depuis 2015, au moins une centaine de mineurs sont morts. Pour cette année, je compte une dizaine d’amis qui nous ont quittés. »

Il désigne plusieurs maisons dont les propriétaires sont morts récemment. « On nous a dit qu’ils souffraient des poumons, suite à l’usage de la dynamite pour exploser les roches ».

Sans aucune protection, ces mineurs se précipitaient directement dans le tunnel pour ramasser de l’or. « C’est là où ils ont inhalé des substances dangereuses pour leur santé. Quand on leur a fait faire la radiographie, nous avons observé que leurs poumons étaient endommagés, plusieurs petits trous étaient visibles », détaille  Willy Kwizera, directeur adjoint chargé des soins à l’hôpital de Muyinga. Il ajoute que des cas de pneumoconiose sont fréquents. « On n’y peut rien,  car de tels patients finissent par mourir ».

Les principaux symptômes sont la douleur chronique et intense au niveau du thorax, la toux aiguë et persistante, la faiblesse, la perte énorme de poids et l’insuffisance respiratoire.

Ce médecin signale qu’il n’y a pas de traitement possible en dehors de « la transplantation d’autres poumons ».

Des patients souffrant de la pneumoconiose sont signalés dans tous les coins où l’on exploite de l’or tels que Kayanza, Ngozi, Kirundo et Muyinga. Dr Kwizera indique que certains patients sont même allés se faire soigner à l’étranger, sans succès.

Beaucoup de personnes interrogées au chef-lieu de la province Muyinga évoquent le cas d’un homme d’affaires. « Il possédait plusieurs tunnels. Il ne tolérait pas que ses ouvriers entrent les premiers dans le tunnel après l’explosion de la roche. Il est allé se faire soigner en Inde. Mais il a fini par mourir », confie un de ses anciens ouvriers.

Des familles s’appauvrissent

L’usage de la dynamite remonte à 2011, selon Butoyi, un ancien orpailleur. Une pratique importée clandestinement de la Tanzanie. Sans dévoiler le coût, il signale que ce matériel normalement utilisé par  les forces de l’ordre au Burundi est cher.

Inquiétude des administrés à la sortie d’une réunion au chef-lieu de la commune Butihinda.

Les effets sont lourds sur leur santé. « Toutes les personnes atteintes de la pneumoconiose deviennent improductives, affaiblies. Elles déboursent des dépenses énormes pour se faire soigner ». Un commerçant de Butihinda indique que certains de ses amis ont vendu leurs voitures, leurs maisons pour leurs soins de santé. « Malheureusement, ils sont morts ». Et leurs familles habituées à une vie aisée vivotent dorénavant. Ce que confirme le témoignage d’une veuve de Butihinda : « Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? On ne sait plus à quel saint se vouer.» Cette maman signale que son mari est mort après avoir épuisé tout ce qu’il avait épargné. « On espérait qu’il allait guérir, mais il nous a quittés ». Aujourd’hui, elle a du mal à subvenir aux besoins de sa famille. Idem pour une autre veuve dont le mari est mort après avoir vendu son véhicule et deux parcelles qu’il avait achetées à Bujumbura.

L’administration compâtit

Innocent Haringanji, administrateur communal, affirme qu’il y a beaucoup de veuves, suite à l’usage sans protection de la dynamite dans les mines. « Ils n’étaient pas informés sur leur dangerosité et leur bon usage. Beaucoup se sont retrouvés avec des poumons très endommagés et ont succombé ».

Il signale que plus de 90% des personnes enterrées dans un cimetière, sis à environ 1 km du chef-lieu communal, en sont victimes. « C’est vraiment déplorable. Actuellement, il faut qu’ils soient informés sur l’usage de ce matériel.»

Sur place, plusieurs sources indiquent que la dynamite est toujours utilisée clandestinement. Or, un professeur d’universités fait savoir que l’explosion de ce matériel dégage un mélange de gaz, notamment le monoxyde de carbone (CO) qui est très toxique et dont les effets sur la santé sont néfastes.

« Avant de s’introduire dans les tunnels, ces orpailleurs devraient se munir d’appareils spécialisés comme Extech CO10. Ce qui leur permettrait de mesurer la concentration de ce gaz », conseille-t-il, avant d’ajouter aussitôt : « Ils ne pourraient s’y introduire que quand l’appareil affiche au maximum une valeur d’environ 0.2 ppm (partie par millions). »

Sans cet appareil, ce chimiste recommande d’attendre au moins deux jours pour l’aération normale du milieu avant de s’y introduire.

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