Le président de la République a lancé officiellement, lundi 8 octobre, les travaux d’exploitation industrielle des minerais sur la colline Masaka en commune Butihinda de la province Muyinga. Du coup, les activités des coopératives minières ont été suspendues. Les anciens orpailleurs réclament la réouverture de leurs sites d’extraction.
Sur le site minier Masaka I, une des mines les plus riches en or de la commune Butihinda, la colère et le désespoir se lisent sur les visages des anciens orpailleurs. Aujourd’hui, ils sont au chômage. «Depuis l’arrivée de la société African Mining Burundi (AMB), l’administration nous a interdit d’exercer notre métier alors que nous vivions de l’extraction de l’or depuis notre jeune âge», confie un orpailleur croisé sur les lieux. D’après lui, l’espoir des coopératives de retourner dans leurs mines s’amenuise. «La société AMB a déjà installé ses propres équipements ».
Depuis début octobre 2018, les activités des sociétés et coopératives minières ont été suspendues par le Conseil national de sécurité (CNS). Raison officielle : « Remettre de l’ordre et la conformité dans le secteur.» Mais, cet argument ne convainc pas les orpailleurs. « C’est un faux prétexte. Ils veulent tout simplement nous exclure de l’exploitation de l’or», lâche un ancien orpailleur de la colline Masaka. Pour lui, le gouvernement privilégie les multinationales étrangères aux dépens des orpailleurs locaux.
Les conséquences commencent à se manifester
Plus révoltant, s’indigne un autre orpailleur, même les coopératives n’ont pas l’accès à leurs sites alors qu’ils ont tous les documents exigés par le ministère en charge des Mines. « Les coopératives minières ont beaucoup investi dans l’achat des terrains d’extraction de l’or ».
Si cette interdiction persiste, prévient-t-il, les familles des orpailleurs vont bientôt mourir de faim. Selon ce père de 4 enfants, sa famille trouve à peine de quoi se mettre sous la dent.
Gaspard Nduwimana, représentant de la coopérative minière «Komeza ibikorwa dutere imbere» de la province Muyinga, ne mâche pas ses mots. «Les orpailleurs font face actuellement à une pauvreté extrême.
L’extraction de l’or était leur seul gagne-pain ». Avec cette interdiction, indique-t-il, plus de 2000 employés de sa coopérative sont au chômage. Ils passent sept jours sur sept au ligalas. De plus, la plupart d’entre eux ne sont pas originaires de Muyinga. Difficile pour eux de trouver un autre emploi. «Certains ont commencé à voler dans les champs de leurs voisins. Ils n’ont pas d’autres choix.» Actuellement personne n’a confiance aux orpailleurs. «Nous ne pouvons pas demander un petit crédit aux commerçants pour se procurer de la nourriture. Ils nous disent que nous ne serons pas capables de les rembourser ».
M. Nduwimana affirme que sa coopérative dispose de tous les documents nécessaires. Il demande au gouvernement de laisser les orpailleurs locaux continuer d’exercer leur métier. Du moins en dehors du périmètre d’exploitation de la société AMB.
La suspension des activités des coopératives minières touchent aussi le milieu des affaires. A Gahararo, un petit centre situé à moins d’un kilomètre du site Masaka, l’activité économique tourne au ralenti. «Mes ventes des boissons et de la viande ont réduites de moitié », témoigne T.K., propriétaire d’un bar croisé sur les lieux. La plupart de ses clients étaient des orpailleurs.
Le chef de l’Etat se veut rassurant
Les habitants de la colline Masaka s’inquiètent aussi. « La société AMB a déjà effectué les travaux de forage dans ma propriété mais je n’ai reçu aucune indemnité», confie une sexagénaire de cette localité. Elle regrette que la population locale n’ait été avisée de ces travaux. «Personne ne sait le montant des indemnités ».
Lors du lancement officiel des activités d’exploitation industrielle des minerais à Masaka, le président de la République a tranquillisé les habitants dont leurs propriétés se trouvent dans la zone minière de la société AMB. «Ils seront indemnisés conformément à la loi ».
Selon lui, les mines que regorge le Burundi sont un cadeau de Dieu et que leur exploitation industrielle des minerais va contribuer au développement du pays. «Chaque année, cette société va verser 50 mille dollars américains dans les caisses de la commune Butihinda. La population locale en profitera aussi ». Et de préciser que le Burundi possède 15% de capitaux dans la société AMB. Il a exhorté les responsables de la société AMB à exploiter les minerais en respectant la loi et surtout l’environnement.
Le président Pierre Nkurunziza explique la décision du CNS
Pour justifier la décision du Conseil CNS, le numéro Un Burundais a évoqué trois raisons notamment la diminution considérable des recettes minières depuis le mois de février 2018. D’après lui, cela prouve sans doute le trafic illégal des minerais vers les autres pays notamment au Rwanda. «Il est regrettable que les ressources naturelles du Burundi contribuent au développement des autres pays ».
Il espère que cette décision aura un impact positif sur l’économie du pays. Il a donné l’exemple du Coltan exploité en commune Kabarore. Avant cette décision, assure le président, les coopératives qui exploitaient ce minerai avaient déclaré seulement 400 kilos de Coltan. «En 2017, elles ont déclaré 25 mille kilos de Coltan auprès de l’office Burundais des mines et des carrières ».
D’après le président Nkurunziza, le CNS a également remarqué que les coopératives minières n’assurent pas la sécurité sociale de leurs employés. Plusieurs orpailleurs périssent dans des mines et leurs familles ne reçoivent aucune indemnité. « A partir de l’année prochaine, les opérateurs du secteur minier commenceront à cotiser pour leurs employés dans les institutions de sécurité sociale ».
L’autre constat du CNS est que ces coopératives ne respectent pas l’environnement. «Toute entreprise récalcitrante sera rayée sur la liste des opérateurs économiques du secteur minier ».
P.G.