Avec 6 patients hospitalisés en moyenne par jour dans différentes structures sanitaires de cette zone du nord de Bujumbura. Les professionnels de santé contactés sont unanimes : sans la distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticides, le pire est à redouter.
Avec 450 personnes testées positives au paludisme depuis le début 2022 à la clinique Sainte Trinité, une dizaine de personnes actuellement hospitalisées dans le centre de santé Santé Pour Tous. Au fil des jours, ce sont les chiffres des personnes souffrant de la malaria qui vont crescendo. Si l’on en croit les données épidémiologiques du district sanitaire, rien qu’au cours de janvier 2022, plus de 500 cas ont été enregistrés.
Avec la flambée de cas de paludisme, les structures sanitaires sont au bord de l’implosion. A l’instar de la clinique Sainte Trinité. Avec une capacité d’accueil ne dépassant pas 10 patients.
Face à cette recrudescence, H.G, infirmier fait savoir qu’ils ont du réaménager. « Au lieu d’un patient par chambre, actuellement, chaque chambre est partagée par deux patients ».
Pour les familles, c’est une exaspérante situation. Contraintes de recourir aux hospitalisations de crainte de complications, elles ne savent pas où donner de la tête. A l’instar de Jean. Médusé, quelque peu perdu dans ses pensées. Depuis début janvier 2022, pour la 2ème fois, il vient de voir ses deux enfants hospitalisés. La cause : des intempestifs vomissements.
« C’est pour la 1ère fois que je les vois dans un état si critique depuis qu’ils sont nés, il y a 7 ans », glisse-t-il. Plus inquiétant, craint-il, l’aspect fulminant de la maladie.
Dépistés, il y a une semaine, ce père de famille fait savoir qu’il a été contraint de les hospitaliser au vu de leurs signes : « Trois jours après avoir commencé le traitement, les vomissements et les maux de tête n’ont jamais cessé.»
Même cas de figure pour Marie, commerçante. Elle se demande si le vecteur en présence ne se transmettrait pas à l’instar de la Covid-19 : « Il est difficile de comprendre comment cinq personnes peuvent tomber malades en même temps. Surtout, continuer à présenter ces signes qui tendent à la complication de la maladie. »
Au regard de cette situation urgente, tous les habitants de Buterere en appellent à l’aide. « Certes, la situation est encore sous contrôle. Mais si le gouvernement ne prend pas des mesures appropriées, la situation risque de dégénérer ».
Des moustiquaires imprégnées d’insecticides à tout prix
Parmi les causes de cette recrudescence, explique H.N., médecin, l’automédication en ferait partie : «Le fait que la zone Buterere ait été érigée sur un terrain ayant servi de rizière explique en grande partie cette recrudescence des cas de paludisme. Je pense aussi qu’il ne faut pas perdre de vue un autre facteur : l’automédication.»
Suite au manque de moyens financiers pour consulter chaque fois que de besoin, ce médecin indique qu’il y a certains gens qui préfèrent faire de l’automédication : « Ils ont des maux de tête durant deux jours. Au lieu de venir consulter, ils optent d’acheter un antipaludique dans une pharmacie des environs. Une habitude à la longue qui entraîne la résistance de l’agent pathogène à ces antipaludéens.» Et d’enfoncer le clou : « En plus de la vulnérabilité due à la malnutrition, c’est cela qui est à l’origine des formes graves de la maladie»
Durant cette période de pluie – favorable pour la reproduction des moustiques -, il estime qu’un seul choix s’impose : « Les campagnes de distribution des moustiquaires imprégnées d’insecticides et les pulvérisations intra-domiciliaires doivent reprendre. Autrement, il sera difficile pour le gouvernement de contenir la maladie si jamais, elle vient à s’étendre.»
Risque de résurgence des maladies à potentiel épidémique
A en croire un récent rapport du Bureau onusien de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) qui cite le ministère de la Santé publique. La baisse des cas de paludisme observée en 2020 par rapport à 2019, serait due en grande partie à la distribution massive de moustiquaires imprégnées de longue durée et de pulvérisations intra-domiciliaires résiduelles par le ministère de tutelle et ses partenaires. Une tendance, néanmoins, qui s’est inversée en 2021.
La cause : la dernière distribution de masse de moustiquaires a été effectuée, il y a bientôt deux ans, ce qui explique en grande partie la recrudescence des cas de paludisme.
Par ailleurs, la reprise de la gestion communautaire du paludisme a permis de dépister davantage la population. Une plus-value, d’autant plus que la gestion communautaire du paludisme inclut le dépistage communautaire et la disponibilité à proximité de tests rapides. Et ceci augmente la détection de cas.
D’après le ministère de tutelle, en 2021, en date du 12 décembre, près de 5,7 millions d’épisodes de paludisme ont été recensés au Burundi, pour une population de 12,6 millions d’habitants. Ceci représente une augmentation de 30 % par rapport à la même période en 2020. Durant cet intervalle, près de 4,4 millions d’épisodes avaient été enregistrés. En revanche, le nombre de décès a diminué de 41% entre les deux périodes. Avec 1 519 décès en 2021 en date du 12 décembre contre 2 589 décès à la même date en 2020. La baisse progressive des décès témoigne d’une amélioration de la prise en charge du paludisme en milieu hospitalier.
Toutefois, des craintes perdurent. Depuis début juillet 2021, le Burundi est dans une situation d’alerte épidémique concernant le paludisme, contrairement à l’année 2020 où le pays était resté en situation normale. En 2021, l’incidence de cette maladie est particulièrement élevée dans les provinces du nord-est et nord-ouest du pays. Au 12 décembre 2021, huit districts sanitaires, soit 16 pour cent des districts sanitaires du pays, ont dépassé le seuil d’alerte épidémique. Au vu du nombre des cas déjà enregistrés en janvier 2022, une situation qui risque de s’amplifier, si des mesures concrètes ne sont pas prises.