Mercredi matin 30 avril 1997 le petit séminaire Buta est attaqué par les rebelles du CNDD-FDD. 40 séminaristes sont tués. 25 ans après, les parents se posent toujours des questions. Les rescapés se souviennent de cette matinée, comme si c’était hier.
« Mpore », que l’on traduirait par « courage, sois fort », c’est le mot qui sort de chaque bouche ce samedi à Buta. Les rescapés parlent, se souviennent de cette journée maudite. Les parents écoutent, évoquent les derniers moments avec leurs enfants. 30 avril 1997, le trimestre venait à peine de commencer. Les jeunes rentraient des vacances.
Buta, un endroit paisible, spirituel. Dur d’imaginer que des assassins sont venus troubler la quiétude pour s’attaquer à de jeunes innocents qui reposent désormais à côté de la chapelle.
Un immense portrait des 40 martyrs entourant le Christ veille sur les tombes blanches. Le lieu est devenu un véritable sanctuaire.
Tous les 29 avril, la population des alentours et même de plus loin vient pour se recueillir et veiller toute la nuit pour prier autour du sanctuaire. Ce samedi 30 avril, la pluie n’a pas découragé une centaine de personnes venues à Buta pour assister à la messe en mémoire des martyrs.
Impossible d’oublier la journée du 30 avril
25 ans déjà. A l’aube de ce 30 avril, les jeunes séminaristes sont assassiné par les rebelles du CNDD. Les rescapés se souviennent de ce jour comme si c’était hier.
L ’arrivée des assaillants, les mots prononcés, les tentatives de fuite, les corps déchiquetés de leurs camarades, les souvenirs sont précis.
C’est une des particularités des établissements gérés par les religieux, l’école est comme une famille. Les élèves se connaissent tous, les noms, les origines, les comportements, tout.
Ce samedi, les rescapés se taquinent entre eux, essayent de blaguer, de rire. Mais vite, la tristesse reprend le dessus.
« Tu as oublié, c’est moi le dernier à descendre sur la corde avant qu’elle ne soit coupée par la balle. Après moi, il avait Nyabiroka qui m’est tombé sur les épaules, j’étais à quelques mètres du sol » , raconte un rescapé.
« Souviens-toi, le corps de Jean a été retrouvé dans les buissons, il aurait pu être sauvé le pauvre, il avait eu une balle à la jambe. »
Les rescapés discutent entre eux, indifférents aux oreilles indiscrètes. Ils ont besoin de se décharger. Chaque année, la « famille » des rescapés se retrouve à Buta pour commémorer l’assassinat de leurs camarades séminariste. Ils font des discussions autour des évènements. Une façon de panser les plaies, de partager leurs ressentis par des témoignages.
Cette année, c’est une occasion spéciale. Des parents et des membres de familles des 40 martyrs ont été conviés. La plupart d’entre eux se connaissent déjà et connaissent quelques rescapés.
« Nous sommes unis pour la vie, par le malheur, Dieu nous a mis ensemble, par ce que nous partageons, nous sommes une famille maintenant » lance un des parents des martyrs de BUTA.
« Je suis la mère, le père de tel martyr, je suis la sœur, le frère de tel autre. Je suis untel, j’étais en seconde quand “ça s’est passé”. Au fil des conversations, des liens se nouent.
Comme à Buta, ils semblent que des rescapés se retrouvent partout où ils peuvent se rencontrer aux quatre coins du monde. Au Rwanda, en Belgique, aux Etats-unis…
Des témoignages choquants
Il est difficile de parler des évènements de Buta sans parler de l’abbé Zacharie Bukuru. A l’époque, ll était recteur du petit séminaire de Buta .
ll a fait face à tous les malheurs du pays : les crises de 86, les tensions entre le gouvernement de Bagaza et l’Eglise catholique, les différentes crises ethniques du Burundi, l’assassinat du président Melchior Ndadaye et bien sûr le massacre dans son établissement en avril 97.
Dans son témoignage, il rappelle les moments pré et post-attaque avec précision.
“Comme dans tous les établissements dans le pays, les tensions ethniques étaient là. Les séminaristes venaient des familles meurtries par les guerres ethniques. L’unité entre les séminaristes a été un grand travail, grâce aux discussions, des séances de prières, des moments de partage entre nous”, témoigne l’abbé Zacharie.
La veille de l’attaque, bien qu’ils voyaient des feux sur la montagne Inanzerwe qui surplombe la vallée , l’administration et les gendarmes s’étaient voulus rassurants : les rebelles avaient été repoussés et le séminaire n’avait rien à craindre, selon toujours le témoignage de l’abbé Zacharie.
L’abbé Zacharie a été le premier témoin de la fraternité entre les séminaristes de Buta, il a vu les derniers moments de certains d’entre eux .
“Le séminariste Stany était au sol, il agonisait, presque mort, mais il m’a fait un sourire, le sourire d’une personne qui vient d’accomplir quelque chose. Il m’a alors dit : « Padre, on nous a demandé de nous séparer Hutu et Tutsi, mais on ne l’a pas fait. j’étais ému à ce moment”, continue l’abbé Zacharie.
Un des rescapés se souvient de l’arrivée des assaillants, il raconte cette funeste matinée du 30 avril 1997.
“Un des camarades qui dormait avec nous est sorti et quand il est revenu, il nous a dit qu’il venait de voir un grand nombre de personnes dans la cour.
Il n’a même pas eu le temps de nous expliquer que les tirs ont commencé. On voyait les vitres des fenêtres du dortoir partir en éclats. On a commencé à se refugier sous les lits. Par après, les assaillants sont entrés dans le dortoir. »
Une dame qui commandait a crié : « Assaut, en langage militaire, cela veut dire « tirez ». Ils ont alors commencé à nous tirer dessus jusqu’à ce que la dame ordonne encore un cessez-le-feu avant de nous demander de nous séparer Hutu et Tutsi, ce qu’on n’a pas fait.”
Elle a répété trois fois de suite. On n’a pas bougé. Après elle a dit : “Barabahenze basha”, (on vous a menti )
Au début des tirs, un de nos camarades nous dit : “Dupfe nk’abagabo”, (qu’on meurt la tête haute). C’est peut-être la raison pour laquelle on ne s’est pas séparé, et il n’y avait même pas de cris dans le dortoir. »
Ils ont pillé, argent, chaussures, vêtements, bref tout ce qui était précieux à leurs yeux. Ils ont lancé des grenades et après les explosions, ils ont envoyé un certain “Claude” vérifier ceux qui sont encore vivants pour les achever. »
Ce qui s’est passé après est atroce. Les rescapés parlent des corps de leurs camarades en lambeaux, du sang qui gisait de partout, etc.
25 ans après, les proches ont toujours des questions
A travers les témoignages des survivants, les proches posent des questions, ils veulent savoir les circonstances de la mort des leurs, mais surtout ils réclament justice.
« C’est la première fois depuis 1997 que je viens ici. Mon frère aîné, Joseph, a été assassiné alors qu’on venait de perdre le dernier parent qui nous restait. A l’enterrement, seule ma tante est venue, je voudrais savoir exactement comment il a été tué et dans quelles circonstances », raconte un frère d’un séminariste tué.
Certains évoquent des souvenirs, les derniers moments avec les leurs. Le témoignage d’Aurélie Nintunze est émouvant. Avant son départ à Buta son frère ,Ninganza Diomède, leur avait appris une chanson qui parlait de violence.
« Il nous a appris une chanson juste avant de partir. Il est parti le dimanche et ils ont été assassinés le mercredi. Il nous disait qu’ils apprenaient à composer des chansons à BUTA ».
Larmes aux yeux, Aurelie a chanté la chanson en Kirundi qu’elle a appris de son frère. La chanson parle de violence, de pardon, d’unité.
Les parents, tout comme les rescapés, demandent justice au gouvernement.
« On a vu que tout ce qui s’est passé a été planifié, nous demandons à ce que la lumière soit faite sur les évènements du 30 avril 1997 avant que les derniers témoins ne disparaissent. Que les auteurs, comme symbole de réconciliation, demandent pardon » a déclaré André Bizoza représentant de l’association Lumière du monde de Buta.
Sans oublier le génocide de Bugendana, aucun pardon n’a été demandée!! Et comment demander pardon pour 1972 ??? Je comprend finalement le cercle vicieux du Burundi!!
Nous sommes victimes de l’histoire. Le grand Alexandre Soljenitsyne affirme que « L’on peut sortir du fascisme, du totalitarisme, du communisme, du nazisme… mais l’on sort difficilement du colonialisme qui détruit l’âme des nations ». Avec le colonialisme, des tribus sont nées là où elles n’existaient. 3 ans après l’indépendance, le Burundi millénaire est à jamais détruit pas le nazisme tropical venu du Rwanda. Rien ne sera plus jamais comme avant. Au Soudan du Sud, c’est pire. 2 ans seulement après l’indépendance pour détruire le pays. Les Nuer et les Ndikas se massacrent à la burundaise. Au Nigéria, 7 ans après l’indépendance, une tribu, les Ibos, se fait exterminer à la burundaise ou rwandaise. Seul un développement comme Singapour, un pays tout aussi multiethnique, peut nous sortir de cet enfer. C’est la dame de fer Madame Thatcher qui a déclaré la première cette vérité de l’époque moderne : « La société n’existe pas seul l’individu existe. » De même, les tribus n’existent pas. C’est uniquement un concept qu’exploitent les dirigeants pour prendre le pouvoir et s’enrichir.
@Bellum
1. Vous écrivez: « 3 ans après l’indépendance, le Burundi millénaire est à jamais détruit pas le nazisme tropical venu du Rwanda… »
2. Mon commentaire
« Né à Mwendo en 1921 dans le Kabagali (en Territoire de Nyanza à l’époque), le jeune Dominique Mbonyumutwa [archive]2 perd son père à l’âge de 8 ans. Sa mère lui demande d’aller relayer son père pour les corvées à la cour du seigneur féodal Tutsi, mais le jeune homme refuse car il veut poursuivre ses études. Le seigneur se fâche et décide d’exproprier la famille de tout le bétail donné en contrat de servage « ubuhake ». Il bénéficie néanmoins du soutien d’un notable Tutsi progressiste Tharcisse Gihana qui lui offre sa protection pour aller aux études….
En 1952, dans le cadre du plan décennal de développement, Dominique Mbonyumutwa est promu sous-chef dans la chefferie de Ndiza où il va s’installer avec sa famille. Pendant son service, il veut que sa sous-chefferie soit cotée « élite » (90%) ce qui est le cas durant les sept ans de son administration. Il occupe ce poste jusqu’au 10 novembre 1959.
Incident déclenchant la révolution rwandaise
Le 30 octobre 1959, sur convocation verbale de son chef Gashagaza4, Dominique Mbonyumuitwa se rend à Gitarama pour une réunion de sous-chefs qui devait avoir lieu le même jour. En arrivant à Gitarama, il apprend par l’administrateur qu’aucune réunion n’était prévue. C’est à Gitarama, au contact avec ses amis et collègues, qu’il doit se rendre compte qu’il s’agit peut-être d’un guet-apens à la suite du climat tendu qui règne à Gitarama et dans tout le pays. Il reste avec son épouse, tout le week-end, chez ses beaux-parents.
Le 1er novembre 1959, après la messe, ils rendent visite à l’abbé Ferdinand Marara. Alors que celui-ci les accompagne, un cycliste vient dire à l’abbé, à hauteur de Bukomero, de regagner la maison à la demande de son confrère l’abbé Ngomiraronka. À peine l’abbé s’est-il éloigné que Dominique Mbonyumutwa est attaqué par une bande de jeunes royalistes qui lui reprochent de chercher à renverser le roi. Sa femme réussit à prendre la fuite pour appeler les secours.
Après avoir été giflé, mis à terre et passé à tabac, Mbonyumutwa réussit à se dégager et à mettre en fuite ses agresseurs. La rumeur court qu’il a été tué et l’incident est l’un des catalyseurs des troubles qui embrasent le pays (sauf Cyangugu et Kibungo 5) en novembre 1959, connus sous le terme de « révolution rwandaise ». Dominique Mbonyumutwa passe désormais dans l’histoire comme la figure emblématique de cette révolution… »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dominique_Mbonyumutwa
Stan Siyomana merci de votre excursion historique,mais cela n’excuse pas le nazisme tropical de la révolution du Parmehutu en 1959 en tuant les tutsi et le génocide des Tutsi en 1994. L’histoire de Mbonyumutwa est un épiphénomène d’un drame qui couvait.Vous n’allez mème pas dire si je lis à trvers les lignes , »ils n’ont eu ce qu’ils méritaient »Arrétez ces propos négationistes.
@Yan
Izo mpfuvyi nazo uvuze ziri au pouvoir quelques jours auparavant hari abavyeyi batemagujwe imipanga impfuvyi ubu ziriho zirakuze ! Tu n’ as pas compris le cercle vicieux dans lequel l’ on se trouve!!
Quelle horrible coïncidence! 29 avril 1972; 30 avril 1997. Pour le premier : massacres ethniques dont on commence à parler officiellement aujourd’hui, presque 50 ans plus tard. Les commanditaires et exécutants ne sont plus: ils sont morts, le poids de leur forfait sur la conscience, laissant derrière eux un lourd héritage. Pour le deuxième, 25 ans plus tard, massacre de Buta: les commanditaires et exécutants sont, je pense, encore en vie; un nuage de secret semble les protéger. N’est-il pas encore temps qu’ils se manifestent et soulagent leur conscience en demandant pardon? Ce geste, profondément humain, devait être la norme dans un pays si profondément croyant à l’amour et au pardon de Dieu. Ou faudra-t-il encore attendre 50 ans?
Comme nous sommes, nous Barundi, tous croyants, prions pour nos âmes torturées depuis que notre pays est indépendant. Faisons des thérapies psychologiques collectives pour enfin sortir de ces violences qui nous guettent encore nuits et jours. Comment pouvons nous bâtir un avenir heureux en se disant qu’une guerre civile peut éclater à tout moment ?
Léonard Nyangoma était chef rebel , ceux qui ont mitraillé les enfants seminaristes ni abo bari au pouvoir!! Ils doivent demander formellement pardon !!!
@Mutima
Sans oublier ko abo bari kuri pouvoir benshi ari impfuvyi bakaba ababagize impfuvyi ata kigongwe bigeze basaba. Toi tu n’as pas encore compris dans quel cercle vicieux tu es plongé.
@Yan
En effet, un cercle non seulement vicieux, mais même infernal !!! La question qui se pose est comment en sortir ? A mon humble avis, seule une justice menée par un leadership clairvoyant pourrait encore nous sauver en punissant toute tentative d’atteinte à la vie. Démarrer avec de nouvelles bases comprises et acceptées surtout par tout ce beau monde qui se bat pour gouverner ce pays.