Du 30 au 1er mai, les rescapés, les parents des victimes et le diocèse catholique de Bururi ont commémoré le 19ème anniversaire du massacre des élèves du Petit séminaire de Saint-Paul de Buta. Sous le signe du pardon.
Ni la pluie ni le grand froid de Buta, rien n’empêche plus d’un millier de personnes venues de différents coins du pays à faire une veillée de prière. Nous sommes le samedi 30 avril. « Mon Dieu ! Il y a des enfants.
Ils vont mourir de froid », alerte un pèlerin venu de Bujumbura. En souriant un habitant du coin lui dit qu’ils sont habitués. Et d’ajouter que personne ne peut mourir sur un lieu saint de guérison. La joie est immense. La foule danse. Les uns sont dans le sanctuaire où on voit des images des 40 jeunes dits martyrs sur le mur derrière l’autel. Devant la chapelle, 40 tombes séparent l’autel et un hangar abritant une partie des pèlerins. Tout le monde y passe la nuit en train de prier, adorer et louer.
De l’autre côté, à l’est du sanctuaire, dans la salle de spectacle du séminaire, une veillée culturelle se déroule en présence des anciens de Buta, des élèves et des responsables de l’école. Différents thèmes ont eu lieu. Une chose dont tout le monde se souvient, c’est l’intervention d’un élève de Buta.
« Vous m’étonnez fort quand vous dites que vous avez déjà pardonné à ceux qui ont massacré nos confrères. Vous qui êtes rescapés, à qui avez-vous pardonné ? Est-ce que vous les connaissez ? Vous ont-ils demandé pardon ? Moi je pense que l’on accorde le pardon à celui qui en a besoin et qui le demande », lâche-t-il. Et tout le monde d’acclamer. Pendant la journée, des matches opposant différentes écoles ont eu lieu.
Le pardon coûte que coûte
Le décor a complètement changé, dimanche 1er mai. Des milliers de personnes, y compris celles qui y ont passé la nuit attendent le début de la messe à la place des martyrs. Les unes avec des bidons d’eau pour les faire bénir. Une pluie fine ne les empêche pas de venir massivement.
Certains se prosternent devant les 40 tombes. Vers 11h, Mgr Venant Bacinoni, évêque de Bururi, épaulé par celui du diocèse de Mpanda, en Tanzanie, dirige la messe. On commence par le dépôt des gerbes de fleur, notamment celle de l’évêque et des représentants des rescapés et des parents des victimes. Par après, nous voyons une gerbe de fleurs du parti Uprona déposée en pleine messe. Aucune autorité administrative n’est présente.
Comme cette année est consacrée au pardon au sein de l’Église catholique, Mgr Bacinoni procède à l’ouverture des portes du sanctuaire, un rituel traduisant le pardon. « Celui qui entrera par cette porte aura accepté de pardonner », indique-t-il. Impossible pour la foule innombrable de passer par la porte. Seuls les prêtres, les religieux, les choristes et quelques invités le font. Les autres auront l’occasion, après la messe.
Dans son homélie, le célébrant a insisté sur le pardon et l’amour, socles de paix. En invitant tout le monde, et surtout les jeunes, à suivre l’exemple de leurs grands frères qui ont donné leur vie par amour. Et d’insister : « Prions pour le Burundi, pour que notre pays ait une vraie paix, une paix qui n’est pas uniquement sur les lèvres. »
L’amour plus fort que la haine
« Le matin du 30 avril, les assaillants sont venus en chantant et en criant : «Nta wuzobura ingero yibikorwa yakoze (Personne ne manquera le salaire de ce qu’il aura fait). Ils sont entrés dans le dortoir du cycle supérieur. En arrivant, ils ont frappé tout le monde sans distinction, en tirant en l’air pour faire peur », fait savoir Innocent Ndayiragije, alors doyen des élèves du séminaire. Après cela, poursuit-il, ils nous ont intimé l’ordre de nous séparer, les Hutu d’un côté, les Tutsi de l’autre. Personne n’a obtempéré.
Alors, continue le psychologue de formation, ils ont tiré des rafales jusqu’à penser qu’ils avaient tué tout le monde puis sont partis. « Ils avaient installé une arme lourde sur la montagne (pointant du doigt une montagne tout près du séminaire). Ils ont tiré en automatique sur le dortoir. Vers 9h, quand les survivants étaient en train d’évacuer les blessés, ils sont revenus pour parachever leur sale besogne ».
M. Ndayiragije, comme les autres rescapés, indique qu’il n’a pas de ressentiment contre leurs bourreaux. Selon lui, le problème que connaît le Burundi est une instrumentalisation de l’ethnie. « Je suis prêt à témoigner et montrer qu’à travers ce qui s’est passé à Buta, il y a eu un geste d’amour et que donc le problème n’est pas ethnique.»
Quant à savoir ce qu’il ressent quand les autorités du pays ne viennent pas à cette commémoration, il n’y va pas par quatre chemins : « Parmi nos décideurs, il y en a qui sont pointés du doigt. Je les comprends. »
« Je suis le père d’un martyr »
Sébastien Rizimana, représentant des parents des victimes, est maintenant dans la joie : « Aujourd’hui, franchement, je suis fier parce je suis parent d’un martyr. Après 19 ans, on ne pleure plus. Nous venons nous incliner pour saluer le courage de ces jeunes qui ont refusé de trahir leurs frères, qui ont dit nous sommes tous un ». Venir à Buta maintenant, poursuit-il, ce n’est pas un chemin de croix. Quant à savoir ce qu’il ressent envers ceux qui ont tué son fils, le père de Patrick Nininahazwe rassure : « Je suis prêt à pardonner, mais malheur à ces gens qui ne veulent pas demander pardon. Quant à nous autres parents, je crois que nous avons déjà pardonné.»
Et de lancer un appel à ceux qui veulent réveiller les vieux démons : « Faut pas déterrer la hache de guerre. Savoir ce qui s’est passé, c’est bien. Pardonner, ce n’est pas oublier, mais c’est se souvenir autrement. »
A son tour, Abbé Savin Sabiraguha, responsable du Sanctuaire des Martyrs de la fraternité, fait savoir que la place est devenue un lieu de pèlerinage.
« C’est un milieu qui rassemble beaucoup de monde. Certains viennent pour savoir ce qui s’est réellement passé. D’autres, des jeunes des environs, viennent pour le recueillement, pour la prière. Et quand ils voient qu’il y en a qui sont morts en témoignant l’amour du Christ, c’est un exemple qu’ils vont suivre. »
Il remercie les membres de l’association Lumière du monde de Buta qui ont rénové la place. Ils ont aussi promis d’assister les parents des « martyrs » pour leur témoigner la vraie fraternité.
«Si l’on fait grâce au méchant, il n’apprend pas la justice, il se livre au mal dans le pays de la droiture, et il n’a pas égard à la majesté de l’Éternel » Ésaïe 26.10
«Si ton frère a péché, reprends-le, et s’il se repent, pardonne-lui» Luc 17.3
Seuls ceux qui sont repentants demandent pardon ET reçoivent pardon. Quand on te demande PARDON, avec REPENTANCE, à ce moment, on peut donc COMMENCER à pardonner (c’est un processus qui inclut la guérison, la restauration-restitution). Dieu dit qu’il faut pardonner comme Dieu nous a pardonné. Dieu nous pardonne quand nous sommes repentants.
C’est le CNDD-FDD qui a tué à Buta, des innocents élèves, et il continue à tuer. Vous allez pardonner qui ?