Quitter son mari et ses enfants, voyager pour faire des affaires, pas facile pour les femmes burundaises. Pour le bonheur de leurs familles, deux femmes sont allées contre la tradition et les clichés. Témoignage.
Elles bouleversent les clichés. Dans une société très machiste, Jeanne et Goreth symbolisent bien la burundaise qui refuse une certaine tradition qui lui ferme certains métiers. Issue d’une famille conservatrice, Goreth Bangezako aujourd’hui vendeuse de pagnes et de produits cosmétiques au marché central de Bujumbura se souvient de toutes les difficultés rencontrées pour convaincre son mari et son entourage avant de se lancer dans le commerce.
Pourtant, la famille avait du mal à joindre les deux bouts du mois : « Plus nous faisions des enfants, plus les dépensent grimpaient. Il était de plus en plus difficile à mon mari de faire marcher le ménage. » Malgré cette situation difficile, le mari a accueilli très mal l’initiative. Son égo masculin a pris un coup : « Il s’est senti humilié comme si subitement il était devenu un incapable. » En fait, pour comprendre l’hostilité du mari de Goreth à son projet, il faut rappeler qu’au Burundi une opinion tenace affirme que l’argent rend les femmes orgueilleuses et irrespectueuses envers leurs maris …
Des reproches d’infidélité
Même difficultés pour Jeanne, une commerçante qui fait aujourd’hui la navette entre Bujumbura et Dar-es-Salam. Cette mère de quatre enfants se souvient elle aussi qu’au début son mari a été très réticent. Et pourtant, là encore, les finances du couple allaient très mal : « Mon mari venait de perdre son travail ; je ne voulais pas que mes enfants meurent de faim! » Mais son mari, farouchement opposé à son projet lui a demandé de choisir entre lui et le commerce. Jeanne a obtempéré mais la situation financière ne s’améliorant pas, l’épouse a finalement décidé de braver l’interdiction de son mari.
Mais, reconnaît-elle, pendant plusieurs années, son couple en souffrira beaucoup. Son mari lui reprochera de ne pas s’occuper des enfants et d’entretenir des relations extraconjugales. Avec un peu d’amertume Jeanne confie: « Je devais m’absenter à cause des voyages et j’étais traitée de mauvaise mère. C’est très dur. Mais il fallait que j’assume. »
La situation s’améliore même si clichés et stéréotypes persistent
Aujourd’hui, malgré les débuts difficiles, Jeanne et Goreth avouent que leurs conjoints ont fini par comprendre qu’elles travaillent pour le bien-être de leurs familles. Toutefois, de nombreux clichés et stéréotypes persistent. Joseph Mujiji, président de la Coalition des Hommes contre les Violences Faites aux Femmes, regrette « les conceptions erronées du pouvoir dans la communauté conjugale. » Des maris empêchent le développement de leurs épouses et celui de leurs familles et freinent ainsi le développement du pays, déplore le militant des droits de la femme.
« Le conjoint doit créer un environnement favorable au sein de sa famille pour son épanouissement par le partage équitable des responsabilités familiales », conclut Mujiji qui se réjouit que de nos jours, « la majorité des hommes burundais a dépassé ces stéréotypes sexistes ».
Il nous a été impossible d’obtenir des statistiques sur le nombre de femmes burundaises qui sont dans le commerce. Ni l’Association des Femmes entrepreneuses du Burundi (AFAB), ni le Syndicat Général des Commerçants (SYGECO) ne possèdent de chiffres exacts.