Depuis 2017, le haricot et le soja sont plantés entre les pieds de caféiers replantés. Les caféiculteurs se réjouissent de cette nouvelle technique. Ils en tirent de l’argent et de la nourriture en attendant la production du café.
« Jadis, associer le café et d’autres cultures était une technique interdite et punissable. Désormais, les choses ont changé». C’est la phrase qui sort de la bouche de certains caféiculteurs rencontrés en commune Busiga de la province Ngozi, lundi 1er juillet. Les caféiculteurs ne sont pas nombreux dans les champs. Un bon nombre se sont rendus à Ngozi pour célébrer le 57e anniversaire de l’indépendance.
Amon Ndayisenga, de la colline Nyange, est l’un de ceux qui n’ont pas répondu à ce rendez-vous. Il entretient son champ de café. Les mains posées sur les hanches, la sueur coule sur son visage. Ce jeune homme fait le paillage. La joie se lit sur son visage. Il ne peut pas se retenir: « Ma plantation est bien recépée. Depuis l’année passée, j’y ai cultivé le soja et le haricot.»
Selon lui, cette pratique est nouvelle. Cette dernière associe les cultures intercalaires avec le café. Il confie qu’il est sceptique. Il doute qu’elle puisse durer : «Cette innovation me permet de récolter les produits vivriers en attendant que le café grandisse et donne des cerises. »
Au mois de janvier, ce caféiculteur témoigne avoir récolté 80 kg de soja alors qu’il n’avait planté que 5 kg. Au mois de mai, sur un espace de 70 pieds de caféiers, il a récolté 100 kg de haricot. Il avait planté 4 kg d’haricots.
M. Ndayisenga témoigne que cette nouvelle technique est productive : «Je n’ai jamais eu une telle quantité de récolte.» Par ailleurs, ajoute-t-il, il était jusque-là interdit de cultiver en association le café avec d’autres cultures. Ce dernier apprécie cette méthode culturale lui permettant de produire plus pour les cultures intercalaires et le café.
Elles génèrent des revenus
Ce cultivateur indique que sa famille ne pouvait pas consommer toute la récolte du soja. Il a vendu une certaine quantité à 70 mille BIF. Puis, il a acheté une chèvre à 60 mille BIF. « Cette dernière a mis bas ».
Même son de cloche chez les caféiculteurs rencontrés sur la colline Kididiri. « J’avais planté 3 kg de soja. Il a récolté 50 kg. C’est énorme», soutient Philippe Nzigamasabo. En outre, il a récolté 70 kg de haricot alors qu’il avait planté 5 kg. Ce sexagénaire fait savoir que l’argent tiré de la vente de la récolte du haricot et du soja lui permet de s’approvisionner en engrais pour la prochaine saison culturale.
Par ailleurs, il indique que l’introduction du haricot ou du soja entre les lignes de caféiers constitue une autre source de production. Car, la récolte de ces cultures permet de tenir bon et d’attendre deux ou trois ans sans se soucier de quoi nourrir sa famille. Ce dernier assure que cette méthode présente un certain nombre d’avantages.
Ce père famille déplore que durant cette période, sa famille menait une vie une vie misérable. Rien ne pouvait compenser le revenu tiré de la récolte du café. Il tient à préciser que la production annuelle est estimée entre 1 et 1,5 tonne de cerises. « Cette production me procurait entre 500 et 750 mille BIF». Pour le moment, il est persuadé que grâce à cette technique, la récolte du café sera doublée ou triplée.
La récolte du café augmente
Pierre Ntamagara a déjà cueilli le fruit de son labeur. Depuis deux ans, il cultive le café en association avec le haricot. Ses récoltes lui ont rapporté un bon revenu, et c’est une réussite qu’il aimerait voir se répéter. «J’ai recépé 200 pieds de caféiers en 2018. Au cours de cette année, j’ai vendu 200 kg de cerise. J’attends la paie ».
Pour y planter des cultures intercalaires, ce dernier indique devoir couper tous les caféiers. Et de nuancer qu’il était avant sensibilisé de sélectionner quelques caféiers. «On nous recommandait de couper deux et garder un seul. Ce dernier continuait à donner la récolte au moment où les deux autres grandissent», raconte Pierre Ntamagara.
D’après lui, l’ancienne méthode n’était pas productive. Il attendait plusieurs années avant de récolter. De surcroît, les caféiers non recépés donnent une récolte insignifiante.
La fédération des caféiculteurs Nkorerangukize de Ngozi se dit satisfaite de l’introduction des cultures intercalaires dans les plantations du café. «Notre rêve est en train de se réaliser», se réjouit Lambert Nunzubumwe, coordinateur technique de cette fédération.
Selon lui, cette fédération avait deux objectifs afin de répondre aux préoccupations des caféiculteurs. Diminuer la période d’attente après le recépage et permettre aux caféiculteurs de planter d’autres cultures dans les pieds de caféiers recépés ou replantés.
Ce responsable tient à préciser que cette nouvelle technique ne concerne que les caféiers recépés ou replantés. On y plante des légumineuses comme le haricot et le soja et d’autres arbres agro forestiers. Cette méthode vise le bien-être des caféiculteurs et l’augmentation de la production du café. «Cette innovation génère une plus-value. Ils en tirent plusieurs avantages : l’argent, la fertilité du sol, la sécurité alimentaire », fait savoir ce représentant des caféiculteurs. Selon lui, cette technique est rentable. Les caféiers recépés donnent la cerise après une année alors qu’avant les caféiculteurs récoltaient après trois ou quatre ans. Par ailleurs, les arbres agroforestiers jouent un rôle important dans une plantation du café. Ils sauvegardent l’humidité de la terre, fertilisent le sol et interviennent dans la lutte contre l’érosion. M. Nunzubumwe tient à signaler que cette nouvelle technique est appuyée par le projet d’appui à la compétitivité du secteur café. Ce dernier fournit aux caféiculteurs des semences, de l’engrais et de l’outillage agricole.