Lundi 23 décembre 2024

Politique

Bururi : plus de 60 charniers découverts

19/03/2021 5
Bururi : plus de 60 charniers découverts
Pierre Claver Ndayicariye : « La crise de 1972 a frappé de plein fouet la province de Bururi et les séquelles sont encore perceptibles »

La Commission Vérité Réconciliation (CVR) a indiqué ce vendredi 19 mars 2021 que 68 fosses communes sur la crise de 1972 ont été découvertes dans la province Bururi. Et ce, durant huit semaines de son travail de terrain, du 8 février au 13 mars.

«La CVR a déjà auditionné 170 personnes ressources dans les six communes de Bururi. Parmi elles, des Hutu, des Tutsi, des femmes et des hommes », a déclaré Pierre Claver Ndayicariye, lors d’un point de presse.

Il a signalé que seulement 11 charniers ont été ouverts et les restes humains déterrés. « La CVR y a exhumé les restes de 1.455 victimes », a-t-il précisé.

Il a ajouté que, selon leur investigation, d’autres personnes tuées ont été jetées dans les rivières comme Siguvyaye, Jiji et Murembwe, dans les forêts et dévorées par des animaux.

Plusieurs autres effets personnels ont été retrouvés dans ces fosses communes: des pièces de monnaie, des porte-monnaie, des stylos à bille, des montres, des ceintures, des douilles et des balles réelles, etc.

« Beaucoup de blocs de pierre utilisés pour achever les victimes jetées dans les fosses communes à Munini et Muzenga en commune Bururi ont été constatés », a souligné M.Ndayicariye.

Le président de la CVR a aussi indiqué que les charniers ne sont pas de même dimension. Il a donné l’exemple d’une fosse commune découverte sur la colline Kiremba, sous-colline Rwankona, commune Bururi.

« Elle a une longueur de 8,25 m, une largeur de 3,70 m et une profondeur de 5 m. Nous y avons exhumé des ossements de 523 victimes», a-t-il tenu à préciser.

Sans dévoiler leurs appartenances ethniques, M.Ndayicariye a fait savoir que les personnes tuées étaient des directeurs, des enseignants, des commerçants, des artisans, des riches paysans, des étudiants, des écoliers, des militaires, etc.

A l’ancienne Ecole Normale de Kiremba Sud, la CVR affirme avoir retrouvé les noms de 101 victimes de la crise de 1972 sur les 125 élèves assassinés et/ou portés disparus. Leurs portraits ont été d’ailleurs projetés.

« Au Petit Séminaire de Buta et à l’Ecole Normale de Rutovu, les informations reçues affirment que de braves gens ont tout fait pour protéger les élèves », a souligné le président de la CVR, applaudissant ce geste positif et louable.

Des défis aussi

Dans leur travail à Bururi, Pierre-Claver Ndayicariye a évoqué certains défis. Des victimes non retrouvées, des maisons construites sur les fosses communes, des témoins qui ont refusé catégoriquement de témoigner, l’intimidation des ouvriers de la CVR, quelques citoyens qui désorientent volontairement la CVR, etc.

D’après M. Ndayicariye, la province de Bururi est d’une sensibilité particulière sur le plan géographique et historique. « La crise de 1972 l’a frappé de plein fouet et les séquelles sont encore perceptibles ».

Il a déploré qu’après quatre semaines de travail, très peu de présumés auteurs ont demandé pardon. « Pour eux, la responsabilité de cette crise est à chercher du côté de l’Etat ».

Réparations, levée de deuil, remise des biens pillés, … voilà quelques-unes des réclamations des familles des victimes selon la CVR. Prochainement, cette commission se rendra dans les communes de Vyanda, Songa et Rutovu pour poursuivre son travail.

La CVR critiquée

Approché, Tatien Sibomana, politicien trouve que la CVR actuelle n’est pas celle négociée à Arusha. « Elle constituait une des mécanismes de justice transitionnelle ».

Ce politicien dit qu’avec le changement de la première loi régissant cette commission, on a altéré, et l’esprit et la lettre de l’Accord d’Arusha, en ce qui est de ses missions, de sa compétence, de la manière dont elle devait faire son travail.

D’après Tatien Sibomana, c’est une commission qui est orientée et téléguidée. «Ce n’est plus la vérité ou une réconciliation telle que convenue par les Burundais, mais une vérité telle que voulue par ceux qui l’ont mise en place ».

A voir comment cette commission se comporte aujourd’hui, tout porte à croire qu’elle est chargée d’éclater au grand jour la vérité que ce sont les Hutu seulement tués en 1972. Ce qui est, d’après M.Sibomana, la principale tare pouvant conduire à la désunion qu’à la réconciliation.

Au moment où les critiques et les polémiques enflent sur les exhumations menées par la CVR, avec des appels à ne pas privilégier certaines victimes, comme celles de 1972, cette commission clame haut et fort qu’elle n’est pas sous le diktat du pouvoir et tranquillise : « La CVR ne se limitera pas sur une seule période sombre mais elle va s’intéresser à toutes les mémoires blessées. Chaque personne meurtrie est pressée, elle veut d’abord sa vérité, la guérison de sa blessure ».

Selon Pierre-Claver Ndayicariye, la CVR va évoluer vers d’autres périodes mais elle a commencé, comme principe général, par la tragédie de 1972. «Les événements sanglants de 1972 terminés, nous entamerons 1988, après il sera question de 1993 et les années qui ont suivi. Il faut faire preuve de patience. Se tromperait celui qui voudrait précipiter les choses », tient à préciser le président de la CVR.

CVR

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. Nshimirimana

    J’accuse….
    J’accuse le monde libre pour avoir fermé ses yeux pendant et après ce drame, durant autant d’années et face à ce « nazisme tropical » à la Burundaise.
    J’accuse les donneurs de leçons actuels au peuple burundais et à ses dirigeants, par leur silence aux découvertes macabres en et depuis le début du travail de la CVR . Belges, Français, « Onusiens » tout genre et de toute sorte, vous qui hier, alertaient le monde pour un fait banal d’un troisième mandat, ne banalisez pas , par votre silence complice, le drame qu’a vécu ce peuple…Ces fosses communes contiennent des humains, certes déshumanisés un jour de 1972
    Je vous accuse, vous journalistes, pour ne pas communiquer et informer le monde sur ces ses fosses communes,
    Je vous accuse, vous, membres de la commission d’enquête sur le Burundi, par votre silence face à ces fosses communes,
    Je vous accuse, vous tous qui cherchent à créer des amalgames, qui critiquent, qui relativisent, qui banalisent, qui nient!
    Osons dire, osons nommer, commémorons……
    Dès le 29 avril 1972, un génocide a eu lieu au Burundi

    Note du modérateur

    Votre colère et légitime. Mais c’est aussi très facile de d’accuser et de condamner globalement

    • Jereve

      Patience, s’il vous plaît, c’est le président de la CVR lui-même qui nous le recommande. Pour découvrir toute la vérité sur les massacres et tragédies qui ont endeuillé le Burundi, la CVR doit couvrir une très longue période de 46 ans (de 1962 à 2008). C’est dire qu’elle est à ses débuts, même s’elle a préféré commencer les enquêtes en 1972, un peu au milieu de la période légale. Ce n’est pas le moment de globaliser et sauter sur les conclusions et accusations.

      • Nshimirimana

        Jereve,
        Dans son rapport de 1985, M. Benjamin Witekare dresse une liste de huit génocides du XXe siècle (Massacre des juifs par Hitler et son régime mais aussi massacre des Hereros par les Allemands, des Arméniens par les Turcs, des Juifs en Ukraine en 1919, des Hutus au Burundi en 1972, des Indiens Ache, des minorités du Kampuchea par les Khmers rouges et des Bahais en Inde.
        Jereve, face à ce que tu as vu à Karusi, dans Gitega et actuellement dans Bururi et Makamba en attendant les révélations des autres coins du pays, peut-on encore émettre des doutes? Non mon frère!

        • Bambasi

          Et vous Monsieur Nshimirimana,auriez-vous bien saisi le sens de la réponse de Jereve?

          Il demande de ne pas globaliser,attendons les résultats définitifs des enquêtes de la CVR et à ce moment là;on saura qui a tué qui, ceux qui ont été assassinés et pour quelle raison.

          Et enfin;qui est coupable et qui ne l’est pas.

          • Nshimirimana

            Peut-on considérer que ces ossements sont des ossements des victimes ? Les coupables , vous vous en occuperez quand vous aurez le temps. Pour moi les cris, les douleurs , les souffrances de ces hommes et femmes me hantent ! J’ai hâte de leur rendre hommage, de commémorer!
            C’est tout !

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