La première vague de rapatriement des Burundais réfugiés au Rwanda a eu lieu ce jeudi 27 août. Les 493 rapatriés ont été accueillis en grande pompe à la frontière burundo-rwandaise à Kirundo. Plusieurs personnalités burundaises avaient fait le déplacement. Retour sur une journée plutôt longue…
L’engouement d’accueillir les quelques centaines de Burundais attendus au poste frontière de Gasenyi-Nemba se lit déjà à travers l’effectif des véhicules venus pour leur accueil.
Plusieurs dizaines, dont 10 grands bus de l’Otraco, stationnent à la frontière, côté Burundi, depuis près de 9h du matin. Ce sont des membres des organisations humanitaires, dont la Croix-Rouge, GVC, IRC, etc. Ce sont des cadres de l’Etat, des membres du staff du HCR, des membres des corps de défense et de sécurité, etc.
Sous un soleil de plomb de cet avant-midi, ils attendent, tendus, l’arrivée de ces Burundais venus du camp de Mahama. Des femmes, des hommes, ont les yeux fixés vers la frontière rwandaise où on peut lire : «Bienvenue en République du Rwanda». C’est de là que viendront les 493 rapatriés, ils sont, pour la plupart, arrivés au Rwanda avec la crise socio-politique de 2015.
Parmi les personnalités de marque qui attendent depuis quelques heures, Sixte-Vigny Nimubona, président de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme, CNIDH. «Je suis particulièrement heureux d’être ici en ce jour», avouera-t-il devant des journalistes, dans la mi-journée. «En matière de droits de l’homme, il faut savoir que toute personne a droit de résider dans son pays».
Dans son groupe, Sixte-Vigny Nimuraba converse avec Gervais Ndirakobuca, ministre de l’Intérieur et du Développement communautaire et de la Sécurité publique qui a le rapatriement dans ses attributions, et Thaddée Ndikumana, ministre de la Santé Publique.
«Je prends cette occasion pour exprimer ma gratitude envers le gouvernement du Burundi qui a travaillé d’arrache-pied pour ce rapatriement », tient à souligner le président de la CNIDH.
Puis, c’est l’attente. Longue. Le convoi est attendu à 14 heures mais les minutes s’égrènent et rien ne pointe du côté de la frontière rwandaise. Entre-temps, le soleil cède à un mauvais temps. Une pluie s’annonce. Il va pleuvoir, doucement, un laps de temps.
Les gens, dont la représentante du HCR, encaissent, indifférents, les quelques gouttelettes. D’autres se réfugient sur la barza des bureaux du poste frontière de Gasenyi-Nemba. Tic-tac, tic-tac, l’heure tourne. Il est presque 15 heures et les bus rwandais ne se décident pas encore à pointer leur nez.
Derrière la barrière, des Burundais de Busoni, des « paysans » de Gasenyi de tout âge, tiennent debout. Ils sont venus à la rencontre des rapatriés. Nombreux viennent de cette contrée. Les agents de l’ordre les empêcheront de pénétrer dans l’espace d’accueil. Ils attendront gentiment, debout, de part et d’autre, le long de la route…
« J’attendais impatiemment cette date »
C’est vers 16 heures et demie que le convoi tant attendu s’arrête à la frontière. L’assemblée en attente depuis ce matin est soulagée. Des yeux sont rivés dans la même direction. Tout le monde veut voir ces rapatriés partis en exil suite aux évènements de 2015.
La joie se lit, se fait entendre. Pierre Nkurikiye, porte-parole du ministère de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique appelle à les accueillir sur un morceau de musique de Rally Joe d’appel au retour au pays. Des chants patriotiques retentissent…
Puis, ils arrivent. Ils ont l’air fatigué mais des visages étincelants de nostalgie, dans des cache-nez. Tous. Des femmes, des enfants, des jeunes femmes et hommes.
Parmi eux, Nestor Niyongabo, 30 ans. Dans ses bras, son second fils, à moitié nu. Devant lui, sa femme, avec dans ses bras, le cadet de leur trois enfants.
Depuis mars, la famille Niyongabo nourrit des intentions de regagner le Burundi. Selon lui, la vie devient au fil des jours insupportable avec le confinement dû au coronavirus.
«La vie d’un réfugié, vous savez, est si dure. On doit chercher de petits jobs à gauche à droite pour survivre. Mais depuis l’apparition du coronavirus, ce n’est plus possible». Pour se décider à rentrer, Nestor Niyongabo dit avoir entendu enfin, via un reportage de VOA, que la paix règne au Burundi.
Sur une file, attendant à prendre place dans le bus de l’Otraco pour le site de transit de Songore, un vieil homme, la cinquantaine, ne cesse de taper les mains sur un pas régulier. Vous chantez monsieur? «Bien sûr. J’éprouve une joie extrême de regagner le Burundi».
Claver Muhiziwintore, c’est son nom, il confie qu’il est difficile de vivre à l’extérieur de son pays. «Je n’avais rien fui. J’ai seulement suivi les autres. Et puis, deux ans après, en 2017, j’ai voulu me rapatrier tout seul en vain, les moyens m’ont fait défaut».
Goreth Tuyishimire, drapé d’un pagne multicolore, fait aussi part d’une joie extrême. «Depuis que la date de retour nous a été annoncé, nous n’avons plus dormi. Nous l’attendions impatiemment». Elle rentre, depuis 5ans de vie de réfugié, dans la commune Busoni, avec son époux et leurs six enfants. «En vérité, je n’ai rien gagné de l’exil. Il nous fallait rentrer».
« Un contexte plutôt rassurant »
Dans son mot d’accueil, le ministre Gervais Ndirakobuca appellera ces retournés à se joindre aux autres de la communauté pour la sauvegarde de la paix. Il leur recommande à s’atteler aux travaux de développement. «Toute personne doit travailler pour avoir de quoi mettre sous la dent».
Ce membre du gouvernement se dit satisfait de ce retour et demande à ceux qui restent au camp d’emboîter le pas aux autres. Il demandera aux administratifs à la base d’être à l’écoute de ces rapatriés. « Il faut que des solutions à leurs soucis soient trouvées au plus vite pour qu’il n’y ait pas de prétexte pouvant freiner ce processus de rapatriement ».
Selon Sixte-Vigny Nimubona, président de la CNIDH, la situation actuelle des droits de l’Homme est plutôt rassurante. «Le contexte est encourageant», a-t-il dit, soulignant que les criminels sont arrêtés et traduits devant la justice. Avant d’ajouter : « Dans la perspective de rapatriement de ceux qui restent, on va encore améliorer cette situation de respect des droits humains ».
A ce sujet, le ministre Ndirakobuca appelle les administratifs à la base à aider dans la réinsertion de ces rapatriés, en particulier en les protégeant de tout abus.
Les 493 rapatriés ont été emmenés vers 20 heures au centre de transit de Songore. Ils y passeront trois jours, le temps de faire le dépistage au coronavirus et de recevoir un kit de réinsertion socioéconomique. Ils seront ensuite conduits dans leurs communes d’origine.
Plus de 72 mille Burundais se sont réfugiés au Rwanda depuis la crise de 2015, dont plus de 60 mille au camp de Mahama. Leur rapatriement était jusque-là problématique et l’une des sources de tensions entre les deux voisins. Le porte-porte du ministère de la Sécurité a parlé d’un rapatriement spécial.