Mercredi 25 décembre 2024

Opinions

Burundi ! Où es-tu ?*

21/05/2024 13
Burundi ! Où es-tu ?*

Il y a à peine quelques mois, on se sentait honteux, lorsque la Banque mondiale, le FMI ou encore le PNUD déclaraient que le Burundi était le pays le plus pauvre du monde. Quelle n’était la déception, chaque Burundais étant désireux de voir le nom de son pays cité autrement que par les qualificatifs les plus négatifs et dégradants. Tiens, un certain rapport a même établi que les Burundais étaient le peuple « le plus triste ». « Une infamie ! » pour ceux qui croient à la théorie du complot. Et aujourd’hui, qu’en est-il ?

Par Frank Kaze (journaliste)

« Dernier ». Ce classement qui plaçait depuis quelques années le Burundi au plus bas de l’échelle sonnerait aujourd’hui comme un compliment ! Excusez du peu.

Le Burundi était « dernier » alors qu’il y avait du carburant.

Le Burundi était « dernier » alors qu’il y avait du sucre.

Le Burundi était « dernier » alors que la BRARUDI fonctionnait à plein régime et que la bière et les sodas coulaient à flots.

Le Burundi était « dernier » alors que les produits de première nécessité étaient encore disponibles et accessibles à tous, ou presque.

Le Burundi était « dernier » alors que les fertilisants étaient livrés presque de porte à porte.

Le Burundi était « dernier » alors que les exportateurs locaux étaient encore à l’œuvre.

Le Burundi était « dernier » alors que le lac Tanganyika était encore dans son lit.

Le Burundi était « dernier » alors que les services de santé étaient encore fonctionnels.

Le Burundi était « dernier » alors qu’il y avait de l’électricité et de l’eau courante.

Le Burundi était « dernier » alors que…

De tout cela, que reste-t-il ? Rien !

L’indescriptible

Même l’Office du transport en commun (OTRACO) vient de déclarer forfait, avouant ne plus être capable de transporter les enfants à l’école, parce qu’il n’y a pas de carburant.

Faute de moyens de transport, des enfants tout comme leurs maîtres et professeurs, ne vont plus à l’école ; les fonctionnaires de l’Etat s’absentent et personne ne leur demande des comptes, leurs supérieurs étant dans la même situation, pour avoir garé leurs voitures à sec ; les services d’urgence dans les hôpitaux ne fonctionnent plus, il n’y a plus de transferts de cas d’urgence, les ambulances n’ayant pas de carburant ; toutes les usines, à commencer par la plus emblématique de toutes, la BRARUDI, ont mis la clé sous le paillasson ; des pères, voire des mères de famille, passent des jours et des nuits dans leurs voitures à faire la queue aux stations-service à attendre vainement le fuel. Les plus courageux vont le chercher en RDC. Bref, tout est à l’arrêt, l’or noir n’ayant jamais aussi bien porté son nom.

Dans un tel contexte, il est même impossible de parler du prix du ticket du transport, les bus et autres taxis étant totalement introuvables. Même le ministère du Commerce a baissé les bras, n’osant pas définir des prix pour des véhicules fantômes. Mais un simple trajet de quelques km coûte les yeux de la tête pour qui a les moyens de se payer les rares taxis encore disponibles.

Cela fait maintenant plus d’un an que la Société sucrière du Moso (SOSUMO) a déclaré qu’elle suspendait ses activités. A l’heure qu’il est, les familles, dans tout le pays, peinent à alimenter leurs enfants en nutriments nécessitant du sucre, dont la bouillie, le porridge, etc. Les adultes, eux, ont dit adieu au thé et autre café sucré.

Aujourd’hui, l’import-export est en berne. Sans devises, impossible de faire venir des marchandises de l’extérieur ni de les y acheminer. Les entreprises locales, grandes, moyennes et petites, ne peuvent plus produire, faute d’intrants dont l’accès nécessite impérativement des monnaies autres que le franc burundais, particulièrement le dollar et l’Euro.

Autre conséquence de la rareté des devises, la dégringolade du franc burundais. Si l’année dernière l’on estimait sa dépréciation à 26 %, sa chute libre qui s’observe actuellement fait craindre le pire, les acteurs du marché de change avouant que la donne n’est pas prête de changer. Les experts autant que les organisations qui suivent de près l’évolution de l’économie burundaise parlent de politiques d’auto strangulation, l’inertie des autorités face aux maux qui gangrènent la gouvernance menant à un étouffement sans issue. Le danger ne guette plus. On est en plein dedans.

Pour ne rien arranger, le pays s’enferme sur lui-même en bloquant les frontières d’avec son voisin du nord, le Rwanda, condamnant de fait les échanges transfrontaliers entre les populations des deux pays. Et comme une punition, voilà mère nature qui se fâche et le lac Tanganyika qui déborde et envahit les zones alentour habitées et coupe la seule route qui mène vers Uvira, la ville congolaise la plus proche de Bujumbura et dont une bonne partie des produits du marché proviennent de l’autre côté, et vice-versa. Le débordement du lac, les inondations de la Rusizi et les multiples éboulements de terrains à travers le pays ont délogé des milliers de familles qui, dépourvues de toute assistance, ne savent plus à quel saint se vouer.

Les prix des denrées alimentaires atteignent des sommets inimaginables, encore faut-il en trouver. Et le désespoir de voir des lendemains meilleurs va grandissant, les agriculteurs ne pouvant plus se faire livrer de fertilisants, parce que l’usine de fabrication n’a pas d’intrants pour en produire. Et, pire, le cycle des saisons étant toujours à l’heure, la saison sèche qui débute risque d’être, au propre comme au figuré, une véritable traversée du désert.

Shakespeare aurait-il pensé au Burundi, sept siècles auparavant, quand il disait dans Hamlet : « When sorrows come, they come not single spies but in battalions. » ? Ce qui signifie : « Quand les malheurs arrivent, ils ne viennent pas seuls, mais en bataillons ».

A la faim qui guette la population s’ajoute maintenant l’épidémie de choléra qui est déjà signalée dans pas moins de huit districts sanitaires. Une conséquence évidente du manque criant et endémique d’eau potable. De la bouche d’experts en épidémiologie, le choléra se transmet à une très grande vitesse. Ce qui exige des interventions d’urgence permanentes. Mais qui pour sauver les possibles multiples cas, dans un pays où aucune ambulance ne peut rouler, faute de carburant ? A supposer que les proches arrivent à porter les malades sur les civières traditionnelles, c’est d’abord un risque presque certain d’être contaminés, mais qui vont-ils trouver dans les établissements sanitaires, en l’absence de moyens de locomotion pour transporter médecins et agents médicaux ? Loin de jouer les oiseaux de mauvais augure, mon vœu le plus cher serait que tous les cas soient traités dans les meilleures conditions possibles. Mais est-ce imaginable maintenant ?

Que dire de l’insécurité qui règne en maître avec d’incessantes attaques à la grenade et des assassinats et enlèvements qui ont repris de plus belle ! Les familles des victimes crient, pleurent, implorent, mais il n’y a personne pour les consoler. Surtout que personne ne se sent à l’abri.

J’irais encore plus loin, mais la peine que j’éprouve en dressant un tel tableau m’oblige à m’en arrêter là.

Inclassable

« Dernier », disais-je, il y a quelques mois, mais avec tout ce vide, le Burundi mérite-t-il encore d’être ‘honoré’ de ce classement ?

A mon avis, s’il avait encore la chance d’être ‘considéré’, tout au plus serait-il dans la catégorie « Inclassable » ou, pire, « N’existe pas ».

Que faut-il espéré des autorités burundaises actuelles pour sortir le pays de ce ravin d’une profondeur infinie ?

Quand le numéro 1 ne cesse de clamer haut et fort que le Burundi est l’Eden, la preuve étant qu’il dispose de tonnes de stocks de vivres de toutes natures et qu’en plus « il est riche », que le chef du gouvernement, lui, reconnaît que le pays traverse une crise d’une telle gravité qu’il avoue en même temps son impuissance à trouver des solutions… C’est encore plus navrant quand l’on entend le refrain à la mode : que c’est la faute d’un pays voisin. De quoi pousser le peuple au suicide collectif !

Qu’espérer des élections ?

Le système du parti-Etat a montré ses limites depuis belle lurette. Mais, l’appétit venant en mangeant, il a déjà annoncé les couleurs et déclare à tout bout de champ qu’il n’est pas prêt de lâcher le morceau, allant jusqu’à écarter, toute honte bue, sans mettre le moindre bout de gant, et pour une énième fois, l’unique et seule personne susceptible de le challenger. « C’est nous ou personne ! »

Les Burundais ne sont donc pas au bout de leurs peines. Le temps reste le seul juge.

*Les articles de la rubrique opinion n’engagent pas la rédaction

Frank Kaze est un journaliste burundais indépendant en exil. Il est dans le métier depuis plus de vingt ans et exerce surtout comme formateur de professionnels des médias dans divers pays africains. Son regard critique sur la situation au Burundi aujourd’hui rentre dans son engagement quotidien pour les causes humanistes.

Forum des lecteurs d'Iwacu

13 réactions
  1. Nsavyimana

    Et le pire est qu’il n’y a plus d’espoir dans les coeurs de certains jeunes patriotes appelés burundi de demain, l’amour de la patrie s’eteind de petit à petit dans leurs coeurs à cause de la souffrance continuelle qu’ils subissent dans leur propre patrie.Ils soufflent tellement que même celui qui a la chance de quitter le pays part avec l’objectif de non plus revenir, les grands frères et grandes soeurs qui ont le pays vers l’étranger à la recherche des connaissances éspérant revenir dans le pays avec des belles initiatives,aujourd’hui,ils n’ont plus d’envie de revenir,ils ont tellement de la pein pour leurs familles laisser dans le pays qu’ils ne travaillent plus pour revenir investir dans leur mais pour faire quitter le pays leurs bien-aimés. Tout le monde pense à fuir le pays,l’une des premières richesses d’un pays c’est la capacité intellectuelle des dècideurs,la présence des hommes et des femmes intègres capables de proposer des solutions bénéfique pour toute la communauté, c’est la qualité éducative qui forme des futurs hommes et femmes au service de la Nation non pas à celui d’une personne quelconque. Mais quelle est l’avenir d’une Nation qui semble ne pas avoir tout ça, une Nation où les centres éducatifs sont devenus aussi des lieux de rencontre pour parler de la politique, quelle est l’avenir d’une Nation où un étudiant dit futur cadre,il est incapable de savoir pourquoi il étudie,incapable de se differencier d’écolier,une Nation où certains étudiants se présentent dans les cours comme ils veulent parce que les discours de certains de leurs grands oncles et tantes leurs donnent impression d’avoir commis une grande erreur en décidant de continuer les études. Que peut-on éspérer dans une Nation où ceux qui ont des bonnes idées n’ont pas le pouvoir de décision et ceux qui en ont ne veulent pas réagir par peur d’être ceux par qui le scandale arriverait ou en usant cette règle du vatican qui dit que: »Etre homosexuel discretement,c’est faire partie de la famille « . Quel espoir nous reste-t-il dans une Nation dont la seule qu’on est sûr et certain est qu’on vit dans un pays où l’on a le passé parce qu’on l’a vécu,le présent parce qu’on le vit et futur qui reste incertain?

  2. Abdou Zidane

    Le Burundi est un état où la corruption omniprésente et affecté divers aspects de la vie publique et privée.
    corruption politique:les responsables acceptent des pot-de-vin,corruption administrative,judiciaire etc…….dans les affaires les autorités et les riches utiliser la corruption à leur avantage

  3. Bellum

    Excellent article!
    1. La seule solution c’est sortie par le haut a savoir des elections libres, equitables et transparentes. Exactement comme en 2010. Les DD ont gagne les elections par la soif de la paix pour une population meurtrie.
    2 En 2025, des elections libres permettraient de changer pacifiquement les dirigeants qui ont ruine le pays. La vague d’enthousiasme que cela susciterait leverait les voiles economiques, les exiles rentreraient, la diaspora viendrait investir dans les tres petites, petites et moyennes entreprises qui sont le moteur de la creation d’emplois, l’instauration d’un Etat de droit ramenerait la cooperation occidentale avec les IDE, le tourisme (l’industrie la plus creatrice d’emplois et la plus generatrice de devises) reprendrait.
    3. Les DD auront-ils la sagesse de sortir par le haut ou vont-ils, comme en 2015, decider de detruire la paix difficilement recouvree, ruiner l’economie et condamner les populations a la misere noire comme actuellement?
    4. Sans une sortie par le haut, pacifiquement et democratique, l’avenir s’avere sombre et cauchermardesque.

  4. Samuel BITARIHO

    Like. Muvyandike mundimi.nyinshi.surtout mu kirundi.kuhira abatumva ikinyamazuru nabo.batahure.ubu buruma bwanyu. Murakoze

    • Stan Siyomana

      @Samuel.
      Ubu nyene hariho abantu/abarundi bariko bariyamiriza umufaransa Kino Yves aheruka guca muBurundi, bamuhora ko yasubiyemwo ivya Banque mondiale na FMI bivuga ko Uburundi arico gihugu gikenye kuruta ibindi (hisunzwe produit interieur brut-PIB par habitant).
      https://www.youtube.com/watch?v=j4J-H2aGY6A

  5. Kazungu

    Le Burundi connaît la pire crise depuis son existence en tant que république.Mais n’est-ce pas que la pire des situations peut mener à une vie plus heureuse?Le Burundi s’en sortira et sera plus fort qu’avant.Que ceux qui veulent l’enterrer vite attendent,le Burundi renaîtra de ses cendres avec ou sans le parti au pouvoir.

    • JIGOU MATORE

      Point de salut pour le Burundi avec le système DD mon cher. C’est un système gangréné par la médiocrité la plus extrême, et qui ne veut pas lâcher le pouvoir: corruption, incompétence, clientélisme, immoralité, ….
      Ntaco bamariye abanyagihugu mais ils s’attachent mordicus au pouvoir. Ntibari bakwiye no kwitoza.

  6. Umurundi abihiwe

    ewee Kazee reka nandike murwiwacu, amarira agahinda, ubwoba bwa Kazoza nibaza kubaye ijwi rya benshi mbaye nyakwigendera, mbega gisha kigana hehe? niga mubuganda umwigisha yatwigisha kahise ka Afika (African history , Paper3) niwe yatubwiye ingene Museveni yafashe igihugu Aho cari kigeze, kuronka isabuni kwaba Ari nko kubona umuzi w’ibuye icinagiwe coco ni umunyu… muri za 80 (1980’s). none mbona ariho turi inyuma Yi yirenga 35 And… none ga yemwe uru rusyo ruzotuvako rute??

    • Stan Siyomana

      @Umurundi
      Wewe uvuze ivy’isabuni uca unyibutsa ivyanshikiye mu gisagara ca Nzega (Wilaya ya Nzega) muri 1985 aho naba muri Tanzania. Muri ico gihe muri Tanzania vyari bigoye kuronka nk’isukari, ibiyeri, amasabuni…Nagiye mw’isoko kugura isabuni abantu bamwe bikorera mugabo badafise ihinguriro ryemewe n’amategeko, hanyuma ndabaza umudandaza ko izo sabuni zidashobora kunkata intoke, mugabo arampumuriza. Mugabo yarambeshe, iyo sabuni yarankase intoke.

      • Leonard

        Stan..narabuze coordonnées zawe.urazindungira kuri [email protected] !! Leonard

        • Stan Siyomana

          Ndaryohewe cane ko dusubiye gutorana. Ndaza kukwandikira. C’est presque un miracle.

  7. PCE

    Eh ben oui . C’est comme cela que ca se passe lorsque les oreilles se ferment pour ne plus entendre aucun cri même celui de la vérité . Dans la cacophonie de l’univers il y a certes beaucoup de bêtises mais il existe parfois quelques voix inaudibles pour proposer de nouvelles voies salutaires . Le Burundi a refusé de les entendre . Le piège se referme donc sur ceux qui ne veulent pas entendre et emportent le reste du peuple Murundi avec dans les sombres abimes de la misère. L’Histoire retient aussi bien les noms des grands hommes comme ceux des minables , elle ne garde rien des « politiquement corrects » qui refusent et de crier et d’entendre . Ainsi va le monde , celui des empires qui sombrent et d’autres qui renaissent parfois sur et avec les mêmes armes et mêmes arguments mais sous d’autres formes . Les seuls régimes qui perdurent sont ceux de la dêmos ( peuple) kratos ( puissance) que les francais ont affublé de ce doux mot de démocratie.

  8. Vous avez tout dit.
    Nous sommes dans l’Eden.
    C’est tout dire du niveu de moralité et d’intelligence de ceux qui chantent une telle aberration. Même
    Nos ennemis n’en reviennent pas lorsqu’ils entendent le Burundi affublé de terme d’Eden

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