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Culture

Burundi/Musique : le dernier blues de Buddy, célèbre guitariste burundais

28/10/2019 Commentaires fermés sur Burundi/Musique : le dernier blues de Buddy, célèbre guitariste burundais
Burundi/Musique : le dernier blues de Buddy, célèbre guitariste burundais
Buddy (à droite) dans le clip de la chanson de Kadja Nin, ’’Wale Watu’’

C’est ce samedi 26 octobre 2019 que Magloire Nibigirwe alias Buddy, un des pionniers de la musique moderne burundaise tire sa révérence en Belgique. L’Amicale des musiciens du Burundi, pleure cet artiste, altruiste.

«Il a tant donné à la musique burundaise », dira Freddy Kwizera alias Botchoum, président de l’Amicale des musiciens du Burundi quand il apprend la mort ce virtuose de la guitare.

«Nous sommes sonnés, attristés par la mort de notre cher ami Buddy. Nous savions qu’il était souffrant, amputé d’une jambe, le moral au plus bas. Nous nous sentons orphelins, Buddy était pour la plupart des musiciens burundais comme un père spirituel ou comme un grand frère», déplore-t-il.

Botchoum ne tarit pas d’éloges pour ce grand artiste talentueux : «Il a travaillé avec pas mal d’artistes ici au Burundi, au Rwanda, au Kenya, aux Etats-Unis, au Canada et en Belgique. Il sorti de l’ombre et tendu la perche à pas mal de musiciens et de chanteurs surtout la nouvelle génération».

Le président de l’Amicale des musiciens, arrangeur et producteur à la tête d’un studio témoigne : «On lui doit beaucoup, il nous a appris pas mal de choses dans le monde de la musique et de la production, il prodiguait beaucoup de conseils. Tous les petits arrangements à faire, telle sonorité, telle séquence, tout cela nous vient de lui».

«C’est un des pionniers du tradi-moderne»

Buddy, icône de la musique burundaise

Selon lui, bien qu’il n’ait pas composé beaucoup de chansons, bon nombre de tubes qui ont cartonnés portent son empreinte, sa marque. «Sa présence au studio était une garantie d’une production d’une qualité professionnelle avec un succès assuré».

Sur scène, témoigne un fan, son jeu à la guitare basse ou solo se démarque et envoûte le public. «Ses reprises comme la chanson de Niky Dave, ’’Amosozi y’urukundo’’ ou sa collaboration avec la célèbre chanteuse burundaise, Kadja Nin, ou avec Denise Gordon, chanteuse américaine, sur l’album ’’Nakupenda’’, produit à New York, sont autant de succès».

Ce n’est pas tout, se rappelle un autre fan, on se souviendra de ces concerts live au Havana Club en compagnie de quelques musiciens expatriés dont un représentant du PAM au Burundi et celui de l’Unicef, Luis Manuel Zuniga, assassiné le 12 octobre 1999 à Muzye en province Rutana au sud du Burundi. «Originaire du Chili, sa touche au piano change toute chanson jouée en salsa».

Botchoum est formel, c’est Buddy qui modernise la musique burundaise : «Il était capable de prendre une chanson traditionnelle connue et la donner une touche moderne en y insérant des claviers et des guitares. C’est ce qu’on appelle le tradi-moderne».

Selon lui, Buddy a beaucoup travaillé dans ce domaine en témoigne la chanson d’Emelance Emy Niwizere, ’’Yambogorera’’, qui remporte un prix à l’East African Music Award en 2011 à Nairobi et une trophée au festival SICA au Bénin. « Buddy était et restera un modèle ».

Le président de l’Amicale des musiciens du Burundi rappelle que feu Buddy compte parmi les présidents de cet organe. «Comme il a suivi depuis longtemps l’évolution de la musique burundaise, c’est le premier à m’avoir confié qu’elle a marqué des pas et des points».


Le rêve de Buddy

(Propos recueillis par Agnès Ntakarutimana)

Buddy avec sa guitare dans son studio

«Je n’ai pas de CV, je n’ai jamais travaillé pour le compte de l’Etat ni d’un privé. Je ne fais que de la guitare», lance fièrement Buddy. Son aventure dans la musique commence à l’âge de 13 ans.

Autodidacte, ce garçon de ville se rend souvent à Bwiza et Buyenzi, les seuls quartiers de la capitale où existent des groupes qui jouent et chantent comme Casabelle.

A travers les fenêtres, il observe les musiciens se produire, jouer à la guitare, son instrument préféré. De retour à la maison, il fait des répétitions des chansons jouées, il bosse dur, passe des heures à reprendre tel solo, telle basse.

Avec sa guitare fabriquée à l’aide d’une boîte de conserve et des câbles de freins de véhicules, il se met à gratter. Il fréquente aussi les élèves de l’école d’art de Gitega alors qu’il est élève au Collège Notre dame de Gitega (CND).

Dès lors, il commence à jouer dans de petits groupes. De retour à Bujumbura, il monte son propre groupe, ’’Soul Collection’’. C’est l’époque des interprétations des chansons en vogue et avec ses amis, ils animent des soirées dansantes.

Toutefois, ils se heurtent à la brutalité des policiers : «Ils cassaient nos guitares, déchiraient nos pantalons, traquaient les filles en mini jupes qui venaient danser. Il y avait une répression totale, aveugle des musiciens et de la musique», confie-t-il.

C’est à l’époque du fameux maire de la ville Kanyoni qui entend ’’discipliner’’ tous les citadins et surtout les citadines. Selon Buddy, depuis lors, la musique ne progresse pas, des talents sont étouffés.

En 1978, il intègre l’Orchestre national où il joue à la guitare basse et rythmique. Très attaché aux chansons traditionnelles burundaises, il veut faire découvrir la musique burundaise, il invente un mélange avec l’instrument électrique. Les chansons, ’’Ni agatera ntimba’’, ’’Indege irahinda’’, ’’Iyoba nosubiye kukubona’’ en sont le résultat.

Parti au Canada en 2000, Buddy acquiert aussi de l’expérience auprès de Jacques Murigande alias Mighty Popo, un burundo-rwandais compositeur, chanteur et guitariste.

De retour au pays en 2008, Buddy a une seule préoccupation : professionnaliser la musique. Il se dit choqué de voir les jeunes générations se produire sur scène sans aucune notion de musique. Créer une école de musique, c’est la seule solution.

Et avec quels moyens ? Il met en place des salles de classe dans la parcelle familiale, avec ses propres fonds. Il attend des professeurs venus de l’étranger pour dispenser des cours. Il confiera qu’il compte demander un appui auprès des ambassades pour qu’elles puissent l’épauler dans ses initiatives.

Buddy veut aller plus loin : « Comment la population peut découvrir les talents de ces jeunes alors que la plupart vit dans des ghettos où personne ne va ? »

Un espace sera aménagé avec resto où ces jeunes formés peuvent s’exhiber et attirer beaucoup de monde : «L’objectif est de donner aux gens des opportunités de vivre de la musique », conclura avec conviction ce pionnier de la musique moderne burundaise au milieu de son studio.

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