Arrestation, matériel confisqué et trois heures d’interrogatoire. Une simple interview d’un syndicaliste et activiste des droits de l’homme à l’aéroport de Bujumbura a failli coûter cher aux journalistes. Récit .
Une simple interview. Chimène Manirakiza, de la Web TV, Alain Majesté Barenga, de la Web Radio et leur cameraman, Fabrice Nzohabonayo, s’étaient rendus à l’aéroport le cœur léger, sans aucune appréhension.
Pourtant, vers 12 heures et quart ils sont arrêtés alors qu’ils interviewaient, dans le parking de l’aéroport M. Térence Mushano le responsable syndical à la Sobugea (Société burundaise de Gestion des Entrepôts et d’Assistance des Avions en Escale), qui est également connu pour être un activiste de la société civile. M. Térence Mushano est le représentant de l’association AC Génocide et ses prises de position lui ont déjà valu à plusieurs reprises des ennuis.
Tout de suite, les trois journalistes et ce défenseur des droits de l’Homme en même temps syndicaliste sont interrogés par des responsables de l’aéroport.
Aux journalistes, il leur est reproché d’interviewer un employé de la Sobugea dans le périmètre de l’aéroport sans autorisation préalable. Les journalistes ont répondu qu’ils ne savaient pas qu’une « interview dans le parking de l’aéroport était interdite. » Ils ont bien expliqué que l’interview en question ne portait pas sur les activités de ce syndicaliste et que même l’arrière-fond de la personne interviewée ne montrait pas les installations aéroportuaires, mais Bujumbura et les montagnes surplombant la ville.
Les journalistes ont rappelé que jusqu’ici la presse a toujours mené des interviews à l’aéroport sans permission préalable .
Les responsables de l’Autorité de l’aviation civile de Bujumbura eux maintenaient qu’il fallait demander une permission.
Au cours de l’interrogatoire, révèlent les journalistes d’Iwacu, il y a eu un moment de frayeur. Le ton est monté quand les tweets en rapport avec ces arrestations ont commencé à tomber sur les réseaux sociaux. « Cela peut aggraver votre cas », ont menacé les responsables de l’aéroport.
Le matériel et les téléphones des journalistes avaient été confisqués avant l’interrogatoire. Les responsables de l’aéroport en collaboration avec des agents du SNR affectés à l’aéroport sont allés jusqu’à exiger au cameraman d’Iwacu de leur donner les images de l’interview, ce qu’il a fait sans hésiter, car il n’y avait rien à cacher.
Ils ont copié le contenu dans leurs machines avant d’effacer la carte mémoire de la caméra du journaliste avec des menaces « de ne pas tenter de les récupérer. »
Finalement, ils ont signifié aux journalistes qu’il n’y avait ’’rien de compromettant’’ avant de les relâcher . Les journalistes ont pu récupérer leur matériel.
Quand les journalistes ont quitté l’aéroport, l’ activiste de la société civile et syndicaliste lui était encore sous interrogatoire. Selon ses collègues, il devrait prendre sa retraite d’ici quelques jours.
Quand les interrogatoires ont débuté, confie l’un de ces trois journalistes privés de liberté pendant presque trois heures, j’ai eu une pensée spéciale pour nos quatre confrères condamnés et emprisonnés à Bubanza pour ’’tentative impossible de complicité d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat’’, pendant plus de huit mois alors qu’ils ne faisaient que leur travail. Moi aussi je ne faisais que mon travail, confie-t-il pensif…