Touchés.Blessés. Le 14 mai 2015, le pluralisme de l’information a été atteint en plein coeur à Bujumbura. Au petit matin, une fumée noire flotte au-dessus de Radio Télé Renaissance et de Radio Télé REMA. Dans la journée, la Radio Publique Africaine est incendiée, les radios Bonesha et Isanganiro sont saccagées, détruites. Ce soir-là, le silence règne sur les ondes.
Jusque-là, le Burundais était bien loti. Il avait le choix. Il n’avait pas besoin des RFI, BBC et autres Voix de l’Amérique et pouvait, avec fierté, consommer « local ».
Le choix était varié. De l’info pour tous les goûts. En général Pro. Bien préparée. Bien présentée. Même si, chez certains, depuis quelques années, apparaissaient des tendances inquiétantes, des propos haineux, des insultes visant des personnalités ou des mouvements politiques. Les médias burundais n’étaient certes pas irréprochables. Il y a eu des fautes, des péchés de jeunesse, voire quelques fois des écarts avec la déontologie. Mais ils contribuaient au débat démocratique.
Ce matin du 14 mai 2015 a signé la mort de cette diversité qui faisait notre fierté. En tout état de cause, quels que soient leurs « péchés »,graves ou véniels, les médias burundais ne méritaient pas cette immolation par le feu. Cette solution « finale ».
La stupeur passée, quelques rescapés de cette liquidation, la peur au ventre, tentent de faire « comme avant. » Le journal Iwacu, après quelques semaines de silence, a recommencé à paraître, mais son équipe, ou plutôt ce qui en reste, après quelques départs en exil, travaille dans des conditions éprouvantes. Rien ne sera plus comme avant.
Peut-on faire « comme avant », quand le travail sur le terrain est interdit à certains ? Le journaliste, pour bien comprendre et rendre compte, a besoin d’être là. Présent sur le terrain, « embedded » dans la réalité. Respirer le même air que sa source. Whatsapp n’a pas d’âme.
Peut-on faire « comme avant », quand la prudence contraint à filtrer, parfois taire, biaiser, pour se protéger et protéger les autres ? Quand il faut distordre la voix du téméraire qui a « osé » témoigner ? Quand il faut flouter autant que possible la photo de la source ?
Aujourd’hui, les journalistes sont suspects, ils rasent les murs. En reportage, ils doivent s’annoncer à l’autorité locale avant d’essayer de travailler, à leurs risques et périls.
« Mujeri » (chiens faméliques), devant Moloch, éparpillés, exilés, apatrides, démunis, mais encore en vie. Notre collègue Jean Bigirimana n’a pas eu cette chance : il a disparu le 22 juillet dernier et son corps n’a jamais été retrouvé. Pensons à lui, mais célébrons aussi la vie, malgré tout, en cette journée dédiée à la liberté de la presse. Plus que jamais, nous avons le devoir de continuer. Faire l’information comme on accomplit un sacerdoce. Car la population a plus que jamais besoin de savoir, de comprendre, de saisir ce qui lui arrive. En espérant qu’un jour le Burundi puisse à nouveau rendre espoir et confiance à ses journalistes.
Avez-vous réellement l’intention et la volonté de recommencer à faire « comme avant »?
Si les locaux de certains médias et leurs équipements ont été saccagés et détruits, d’un côté comme de l’autre, c’est que quelque part, les auteurs de ces méfaits sentaient un penchant du média détruit, vers le côté opposé au leur dans le traitement de l’information et de l’actualité.
Ne faites plus cette erreur, parce que c’est cela qui a conduit à la situation actuelle.
Si vous devez critiquer un membre du/des partis au pouvoir ou du gouvernement pour avoir manqué à ses devoirs, critiquez aussi le membre de l’opposition qui fait preuve d’un manque de sens de responsabilités.
Si vous dénoncez un corrompu, dénoncez aussi le corrupteur.
Si vous traitez un sujet sur des agissements d’un membre d’un corps de sécurité avec une certaine véhémence, traitez les manquements d’un membre de l’opposition avec la même véhémence.
Le péché le plus fréquent que j’ai observé est cette tendance à ne rien dire quand c’était (quand c’est) un manque de l’opposition qui commet (ou appelle à commettre) un impair.
Même si on ne parle pas de religion ici, l’omission est aussi un péché. Ne rien dire de ce qui ne va pas du côté de l’opposition quand on ne manque aucune occation de s’en prendre à l’autre parti (même pour des rumeurs) sera toujours considéré comme un parti pris.
Dans le même ordre d’idées, ne pas non plus parler d’une bonne réalisation du gouvernement et parler seulement des bons coups de l’opposition, c’est aussi un péché par omission… et un penchant.
Je pourrais continuer en donnant des exemples précis, mais je choisis de dire seulement ceci : « les mêmes causes conduisent aux mêmes effets ».
À qui de droit de faire une introspection et de prendre promptement les engagements qu’il faut, et surtout, surtout, d’adopter et de poser lourdement les comportements, les gestes et les actions qu’il faut pour plus de neutralité.
Aujourd’hui nous regrettons d’avoir perdu ce que nous ne considérions pas comme « précieux ». La prochaine fois, préservons cette liberté.
Un article bien ecris avec du professionalisme. Courage les journaliste, vous avez trop à faire!!
Très bon article.Des mots justes.On sent la nostalgie des professionnels pour s’enquérir de la véracité des faits et des informations sur le terrain.Malgré la paix relative,l’atmosphère n’est pas encore propice à la profession pour exécuter bien sa mission.Les réseaux sociaux ont pris le relais pour diffuser des rumeurs ou des informations qui ne passeraient pas officiellement. Parfois, les gens ne savent plus discerner le vrai du faux.Une chose est certaine,dans ce 21ième siècle,à l’ère des technologies, l’information est comme le vent dont personne ne peut arrêter ni mesurer la portée réelle.
Le Quatrième pouvoir vous a échappé mes chers amis!!!Ariko mwari mwarenze ihaniro. un peu d’ordre quand même??Ayo maradiyo trotoire wamenga yaronzwe?? Ah, uwoba akipfuza gussubira kubona u Burundi mukajagari katagira izina, aho urubanza rucirigwa kw’iradio ikibira na enquête ariho zigitangura? oya ntimumpeko ubwo Burundi ntabwo nipfuza. Mbona naha turi démocratie yateye imbere bafise ico batinya?
Quel plaisir de lire un article si bien écrit, une bonne maîtrise de la langue et du style ! Un journaliste certes, mais aussi un bon écrivain. Je note aussi que le journaliste reconnaît et n’exonère pas, par solidarité, les torts de ses confrères. C’est très courageux de sa part. La place de M. Kaburahe devrait être au Burundi pour contribuer à faire progresser la profession. Une bonne fête à tous les journalistes burundais malgré tout, partout où ils se trouvent, qu’ils gardent courage.