Samedi 23 novembre 2024

Opinions

Burundi : la fête de l’unité dans la désunion

Le propre d’une crise, c’est d’interrompre le cours normal et pacifique des choses. Que ce soit en politique ou en d’autres domaines. Aujourd’hui, il est indéniable que le Burundi est en pleine crise politique : un des plus élevés des proches collaborateurs du chef de l’état, le 1ervice-président, vient d’être limogé et semble avoir pris fuite aussitôt ((Il s’agit de l’Hon. Bernard Busokoza nommé à ce poste il y a à peine trois mois)) ; la participation de l’Uprona dans la gestion du pouvoir bat de l’aile au point de ne plus savoir qui est le vrai timonier de cette formation politique historique ((L’Hon. Charles Nditije qui le dirigeait jusqu’ici a été désavoué par le ministre de l’Intérieur. Nditije semble être entré dans la clandestinité…)) ; l’opposition rassemblée au sein de l’ADC-Ikibiri menace d’entraîner la population dans la rue pour rejeter le pouvoir du Cndd-Fdd; la société civile crie à la violation du droit et à la dérive autoritaire des dirigeants en place. Pour couronner le tout, les autorités au pouvoir qui s’expriment donnent l’impression de ne pas prendre la mesure exacte des périls en perspective …

Quels sont les risques encourus par le pays ?

Lorsqu’au niveau du leadership politique d’un pays le dialogue est brisé, une des tentations les plus courantes est de se tourner vers les forces armées et de les solliciter pour intervenir au nom du « salut national ». Cela s’est vérifié en Mauritanie ((Le 6 août 2008, le président élu Sidi Ould Cheikh Abdallahin était renversé par l’armée.)) , il y a bientôt six ans et nous venons de le voir en Egypte plus récemment avec l’éviction brutale du président Morsi.

Une crise politique peut aussi engendrer des assassinats de leaders. Une des caractéristiques d’une instabilité comme celle-ci est le déclenchement de sentiments violents et aveugles comme l’intolérance, la colère et surtout la peur. Cette dernière, étant mauvaise conseillère, peut pousser certains milieux ou certaines personnes à passer à l’acte et éliminer la ou les personnes jugées(s) gênante(s).

Ces mêmes ingrédients peuvent déboucher sur des massacres à plus grande échelle. Sans aller jusqu’à la guerre civile – encore qu’elle peut très bien ressurgir ! – le pays peut vivre une période d’insécurité généralisée durant laquelle toute personne trouvée au mauvais endroit au mauvais moment peut se faire trucider sans autre forme de procès.

Quels peuvent être les remèdes à la crise actuelle ?

Voici ce qu’a écrit Donatien Bihute au sujet des crises multiples qui ont secoué notre pays :
« Le Burundi est un bateau à la dérive et ses passagers semblent s’acharner à le faire échouer sur la côte rocheuse d’un océan troublé, pour qu’il se brise en mille morceaux. Je vois un peuple en haillon épuisé, agglutiné sur le pont du navire devenu plutôt un radeau, prêt à s’écraser avec lui sur les rochers. Ceux qui ont peur sont fouettés par les plus fanatiques de l’immolation. » p 156 ((Cfr Bihute, D., Parcours public & privé d’un Burundais, Paris-Montréal, L’Harmattan, 1999.))

Cette description dantesque d’un témoin privilégié de la vie politique nationale depuis un demi-siècle nous rappelle ce qui pourrait advenir de la nation burundaise si rien n’est fait pour éviter le pire et sauvegarder l’unité, la démocratie et le progrès.

Toute solution future à la crise burundaise devra impérativement passer sous les fourches caudines des exigences suivantes :
1. Reconnaître l’existence d’une crise profonde dans le fonctionnement du pouvoir et accepter l’urgence et la nécessité d’un diagnostic objectif et complet de celle-ci ;
2. Trouver un cadre adéquat de dialogue et des personnalités burundaises et étrangères acceptées par les parties en conflit pour arbitrer et pouvant prôner des voies de sorties ;
3. Accepter que la solution aux difficultés actuelles vise impérativement la paix, se réfère aux textes fondamentaux de la République et veille à l’intérêt de tous les citoyens dans leur diversité et leurs différences ethniques, idéologiques et/ou religieuses ;
4. S’engager à accepter – après débat bien entendu – sans conditions les voies de solutions qui pourraient se dégager de ce cadre sur proposition des personnalités arbitrales.

Préfaçant un ouvrage dédié à son action pour la paix au Burundi, Nelson Mandela dit une chose qui ressemble étrangement à un testament laissé au peuple burundais dans son ensemble et à chaque leader présent et à venir en particulier, mais aussi à la communauté humaine qui voit évoluer le Burundi:
« The peace process remains fragile, and it could yet unravel. South Africa must work closely with its regional partners and the international community to ensure that it doesn’t. At the end of the day, only Burundians themselves can forge the peace that their country so badly needs, and deserves. We must all continue to give them our support.” P X ((Cfr Bentley, K. A. & Southall, R., “An African Peace Process: Mandela, South Africa and Burundi, Cape Town, HSRC Press, 2005.))
Traduction libre: “Le processus de paix reste fragile et pourrait très bien se désintégrer. L’Afrique du Sud avec ses partenaires de la sous-région et la communauté internationale devraient veiller à ce que cela n’ait pas lieu. Mais en fin de compte, ce sont les Burundais eux-mêmes qui peuvent construire la paix dont le pays a tant besoin et qu’il mérite. Nous devons tous continuer à les soutenir. »

C’est encore une fois un homme d’expérience, Marc Manirakiza, qui nous rappelle que les Barundi sont indissociablement unis par-delà leurs différences ((L’auteur insiste sur le clivage ethnique, mais cela est valable pour toutes les autres formes de divisions qui peuvent gangréner la nation burundaise.)) : « Disons-nous la vérité, laissons agir la justice et réconcilions-nous, car au Burundi, les Hutu et les Tutsi ne sont pas victimes les uns Des autres, mais victimes les uns ET les autres. » p 198 ((Cfr Manirakiza, M., Les Écoles du crime : 1994-2005/2006, Paris, Le Roseau Vert, 2005.))

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. borntomakelovenotwar

    1. L’armée n’interviendra pas pour une crise d’un parti moribond qu’est l’Uprona. Qu’elle règle ses problèmes et qu’elle envoie ses pions au Gouvernement endéans les délais constitutionnels. Sinon, les partis en opposition vont y prendre place, et, d’ailleurs tout le monde sait que l’Uprona n’était même pas deuxième, mais quatrième si on s’en tient aux communales qui seules avaient reflétées la représentativité avec la participation de tous.
    2. Le Gouvernement est encore fort et le Président bénéficie d’une armée unie, disciplinée et non mono-ethnique. Elle ne vient pas non plus de la même province si pas même commune pour se solder aux ordres d’un mal intentionné.
    3. Le Parlement (l’Assemblée Nationale et le Sénat) est pourvu à plus de 80%, les autres institutions fonctionnent.
    4. Actuellement, les clivages ethniques sont un faux problème.
    5. La fuite des leaders de l’Uprona est une fausse alerte : ils ne sont les plus importants de l’opposition burundaise et ne présentent aucun danger. On sait que certaines personnes de l’Uprona et certaines personnes du Cndd-Fdd ont beaucoup en commun, notamment sur la CVR que tous craignent, ils chercheront toujours à se rallier.
    EN SOMME, LA CRISE EST MINIME ET VA ETRE VITE REGLEE.

    • Jean-Marie Ngendahayo

      Cher Bornto…etc.,
      Alors, entonnons la fameuse chanson: « Tout va très bien madame ma marquise, tout va très bien! »

      Fraternellement

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