Vendredi 20 décembre 2024

Politique

Burundi/Élections 2025-2027 : La nouvelle coalition va-t-elle voler de ses propres ailes ?

Burundi/Élections 2025-2027 : La nouvelle coalition va-t-elle voler de ses propres ailes ?
La coalition « Burundi Bwa Bose » jouit dorénavant d’une personnalité juridique

Déclarée au ministère de l’Iintérieur le 13 décembre 2024, la coalition « Burundi Bwa Bose » est désormais officiellement reconnue. La question qui défraye la chronique depuis la déclaration officielle de cette nouvelle coalition est la suivante : va-t-elle tenter de se présenter seule aux élections de 2025 ou va-t-elle s’allier à d’autres partis ? Kefa Nibizi se veut rassurant. Selon un politologue, dès lors que la coalition bénéficie déjà d’une personnalité juridique, rien n’empêche d’autres forces politiques de se joindre à elle.

À l’approche des élections parlementaires et locales de 2025, le paysage politique burundais commence à se redessiner. Lors d’un débat tenu le vendredi 29 novembre 2024 sur la plateforme en ligne X, Patrick Nkurunziza, actuel président de la coalition « Burundi Bwa Bose », a évoqué la création d’une alliance politique ayant pour objectif de « changer les choses » au Burundi.

Jusqu’à présent, la composition de cette nouvelle plateforme politique suscite une grande curiosité. Certains politiciens « sceptiques » n’ont pas hésité à qualifier cette coalition annoncée de « spectacle politique ». D’autres émettaient déjà des doutes quant à l’avenir de cette coalition dans le contexte socio-politique actuel du Burundi.

La nouvelle coalition enfin reconnue.

Les dés sont jetés, les carottes sont cuites : à la suite du communiqué annonçant la déclaration au ministère de l’Intérieur de la création d’une nouvelle coalition politique, Martin Niteretse a pris acte de l’établissement de la coalition « Burundi Bwa Bose ». Dans une correspondance adressée à Patrick Nkurunziza, président de la coalition, le ministre de l’Intérieur lui a fait parvenir un accusé de réception.

« Nous avons l’honneur de vous informer que nous accusons réception de votre correspondante du 13/12/2024 par laquelle vous nous adressez une déclaration officielle de votre coalition formée par les Partis FRODEBU, FDES, CNDD et CODEBU », lit-on dans ladite correspondance signée le 17 décembre 2024.

Pour rappel, en lice pour les élections parlementaires et locales de 2025, puis la présidentielle de 2027, les délégués de ce rassemblement déclarent, dans un communiqué rendu public dans l’après-midi de vendredi 13 décembre 2024, vouloir « conduire le pays vers un avenir radieux ».

D’autres promesses selon ce communiqué : le renforcement d’un État de droit et d’une justice équitable et solide ; promouvoir la paix et la réconciliation des Burundais par le respect mutuel et de la différence.

Les locomotives de cette plateforme promettent également d’initier des réformes politiques et économiques dans le pays ; permettre l’organisation des élections libres, transparentes et inclusives par l’entremise de la restauration d’un climat politique apaisé où tous les partis politiques seront logés à la même enseigne. Cette alliance s’engage enfin à assurer un développement durable et harmonieux des Burundais.

Rappelons également que la prise d’acte de la création de la coalition « Burundi Bwa Bose » est intervenue 24 heures avant la fin des déclarations de candidatures aux élections des Conseillers communaux. Les mêmes déclarations pour la députation vont se clôturer le 23 décembre 2024.


Rencontre avec Kefa Nibizi

« Nous mettrons en place tous les dispositifs pour que les résultats des urnes soient les seuls proclamés »

La coalition « Burundi Bwa Bose » est désormais reconnue. Iwacu a rencontré Kefa Nibizi, son secrétaire général et porte-parole.

En mettant en place cette coalition, vous avez quel but ultime ?

En effet, quatre partis politiques se sont unis pour former cette coalition. Notre principal objectif est de nous préparer pour les élections de 2025-2027. Cette coalition a été créée pour répondre aux défis majeurs que notre pays rencontre.

Nous avons réalisé qu’il est nécessaire d’unir nos forces pour affronter de manière compétitive le parti au pouvoir. En outre, nous voulons trouver des solutions aux nombreux problèmes qui préoccupent notre pays et sa population.

Votre réaction sur la prise d’acte du ministre de l’Intérieur de la création de votre coalition ?

À mon avis, c’est une démarche normale. La reconnaissance de notre coalition respecte le cadre légal en vigueur.

Nous avons soumis tous les documents nécessaires pour la formation de la coalition, en conformité avec la loi sur les partis politiques. Il est donc tout à fait logique que le ministre de l’Intérieur reconnaisse officiellement et légalement la création de notre coalition.

Est-ce que votre coalition se limite seulement aux quatre partis politiques ?

Comme je l’ai déjà mentionné, il s’agit d’une union de forces diverses. Notre coalition reste ouverte à toute autre force socio-politique désireuse de contribuer à la recherche de solutions et à des changements positifs dans les domaines socio-économique, des droits de l’homme, et du climat politique. C’est une coalition ouverte, et non fermée.

Certaines indiscrétions au sein de l’opinion disent que votre coalition est formée tardivement. Votre réaction ?

Ces observations ne sont pas complètement infondées. Cependant, la formation des coalitions se déroule en conformité avec le cadre légal. Le Code électoral stipule que la création d’une coalition doit se faire après la convocation des élections auxquelles elle souhaite participer. Or, le décret de convocation des électeurs a été signé le 7 décembre 2024.

Cinq jours plus tard, nous avons officiellement lancé la coalition. Bien que nous aurions souhaité le faire plus tôt, les contraintes légales et réglementaires nous ont obligés à annoncer la coalition à ce moment-là. Cependant, ce délai ne nous empêchera pas d’atteindre nos objectifs.

Dans le passé, certaines coalitions ont été formées mais ont eu du mal à s’inscrire dans la durée et à atteindre leurs objectifs. Quelle est votre stratégie pour réussir ?

Il est vrai que des coalitions ont existé, mais elles étaient souvent créées en réaction aux circonstances du moment, notamment pour contester des résultats électoraux. « Burundi Bwa Bose » représente une approche nouvelle.

Ce qui nous unit, ce sont les défis communs que nous rencontrons, tant au niveau individuel qu’en tant que nation. C’est cet engagement face aux problèmes de notre pays qui nous lie fermement et qui nous guidera jusqu’à la réalisation de notre objectif et de notre mission.

La reconnaissance officielle par la prise d’acte du ministre de l’Intérieur est intervenue à la veille de la clôture du dépôt des listes de candidatures aux élections des Conseils communaux. Le dépôt de candidatures pour la députation prend fin ce 23 décembre. Que pensez-vous de ces délais?

Bien que la clôture du dépôt de candidatures pour les élections communales ait eu lieu le 18 décembre, juste après la prise d’acte du 17 décembre, je peux vous assurer que nous avons réussi à déposer les candidatures des conseillers communaux dans toutes les communes, selon le nouveau découpage territorial et administratif.

Par conséquent, le dépôt des candidatures pour la députation, conformément au même découpage, ne devrait pas poser de problème non plus.

Selon certains observateurs, il y aurait aujourd’hui un désintéressement de la population à aller voter. N’êtes-vous inquiets ?

Absolument, il y a un sentiment de résignation. Les gens ne croient plus au processus électoral. Nous les invitons à être plutôt forts pour pouvoir mesurer les défis qui hantent notre société.

C’est qu’au niveau de l’organisation électorale, il y a toujours la peur qu’il y aura un holdup-up ou une fraude électorale. Nous leur rassurons que nous mettrons en place tous les dispositifs pour que les résultats des urnes soient les seuls proclamés. Ceux qui ont peur ; ceux qui sont résignés doivent se réveiller pour combattre ensemble afin de ressusciter la démocratie qui est mise en veille.


Trois questions à Denis Banshimiyubusa

« Lorsque la coalition jouit d’une personnalité juridique, rien ne peut empêcher à d’autres forces politiques de se joindre à elle »

Le spécialiste des partis politiques et des élections et professeur d’Universités fait le point sur le processus de prise d’acte et de fonctionnement de la nouvelle coalition « Burundi Bwa Bose ».

Au regard de la législation électorale, est-il possible que les autres forces politiques puissent rejoindre cette coalition déjà existante ?

Bien sûr. Il faudrait se référer ici à l’article 8 de la loi régissant l’organisation et le fonctionnement des partis politiques au Burundi.

Pour former une coalition, il y a des documents exigés. Lorsque le dossier est transmis au ministre, celui-ci vérifie tout ce dossier. Dès lors qu’il trouve que tout est en ordre, il est dit à l’article 8 dernier alinéa (4), que « la transmission de ces documents confère d’office la personnalité juridique à la coalition ».

Alors, lorsque la coalition jouit d’une personnalité juridique, rien ne peut empêcher à d’autres forces politiques de se joindre à elle.

Dans ce cas, de nouveaux membres sont accueillis par la coalition comme un parti politique peut le faire à son sein. Donc, conformément à la loi et selon la logique associative, rien n’empêcherait d’autres forces politiques de se joindre à cette coalition qui est déjà reconnue par la loi, à condition, bien évidemment, de se conformer aux textes régissant cette coalition.

Quelles seraient les forces et les faiblesses de cette coalition dans le contexte socio-politique actuel ?

Il faut souligner d’avance que la force ou la faiblesse d’une organisation dépend de la nature de ses leaders. Mais aussi du dynamisme des leaders et de ses membres.

Toutefois, on peut relever quelques éléments que l’on peut considérer comme des éléments constitutifs d’une force de cette coalition. Le premier élément, c’est ce fait même de se mettre ensemble.

« L’union fait la force », dit l’adage français. Lorsque des gens se mettent ensemble, ils essayent d’être complémentaires ; ils essayent de lutter ensemble ; ils épissent leurs efforts et leurs énergies pour pouvoir défendre une cause commune.

La deuxième force est cette situation socio-politique et même économique dans laquelle se trouve le pays. Un pays qui, politiquement, ne se porte pas très bien ; un pays qui, économiquement, est presque à terre.

Ceci dit qu’il y a une situation à exploiter, c’est-à-dire qu’il y a des problèmes auxquels il faut trouver de bonnes réponses. Si alors cette coalition propose un programme politique qui cadre bien avec les attentes des citoyens électeurs, cela sera une occasion pour elle d’engranger des suffrages.

Qu’en est-il des faiblesses ?

Justement il y a un autre élément qui constitue une faiblesse mais qui peut être en même temps une force. À considérer les partis politiques qui se sont coalisés, à savoir le Frodebu, le Codebu, le CNDD et le FDES-Sangira, ce ne sont pas des partis politiques qui aujourd’hui ont des ancrages sociaux au sein de la société.

Ce sont des partis qui sont presque méconnus ou alors qui ont perdu leurs fiefs électoraux. Cela pourrait constituer une sorte de faiblesse parce que ce sont des partis qui, au Parlement, ne sont pas représentés ; des partis qui ne sont pas connus du grand public.

Mais cette limite, comme je l’ai dit au début, pourrait aussi constituer une force selon le comportement des leaders de cette nouvelle coalition. On sait par exemple que même si le Frodebu a perdu de la vitesse, il a été un moment un parti très important ; un parti qui a gagné les élections ; un parti qui a une histoire mais qui a été en quelque sorte détrôné sur le terrain par le CNDD-FDD.

Alors, ce qui pourrait être appelé l’échec du CNDD-FDD pourrait du même coup constituer une force pour cette coalition. Étant donné qu’elle renferme le Frodebu qui est un parti avec une histoire politique respectable autant que le CNDD qui, en 2005, avait pu avoir quelques sièges au Parlement. Bien évidemment, il faudra attendre le dynamisme des leaders et le dynamisme des membres de cette coalition.

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. Gacece

    On n’aurait pas dû autoriser cette coalition à cause de son nom.

    « Burundi Bwa Bose ». Que veut-on dire par « Bose »? Qu’est-ce qu’on sous-entend?

    – Que le Burundi n’est pas actuellement pour tous les Burundais et que cette coalition vient remédier à la situation?

    – Que le Burundi n’appartient pas aux seuls Burundais mais à tous, y compris des étrangers (« bose » veut dire « tous »)?

    – Qu’il y a des Burundais qui ne se sentent pas actuellement Burundais et que cette coalition est la seule solution idéale pour leur refaire ressentir Burundais?

    Au fait, c’est le Burundi qui appartient aux Burundais ou ce sont les Burundais qui appartiennent au Burundi? L’un n’exclut pas l’autre. Ils sont même complémentaires. Et le nom de cette coalition ne reflète rien de cette complémentarité.

    De part son nom, cette coalition est plus divisive qu’unificatrice. Son nom trahit le ressentiment et les intentions de ses fondateurs envers leurs rivaux. Elle n’aurait pas dû être agréée telle quelle.

    Que diriez-vous de « Burundi Bwa Twese »? Il y a une immense différence entre le « Burundi de tous » et le « Burundi de nous tous ».

    Ce n’est que mon opinion.

Charte des utilisateurs des forums d'Iwacu

Merci de prendre connaissances de nos règles d'usage avant de publier un commentaire.

Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes, antisémites, diffamatoires ou injurieux, appelant à des divisions ethniques ou régionalistes, divulguant des informations relatives à la vie privée d’une personne, utilisant des œuvres protégées par les droits d’auteur (textes, photos, vidéos…) sans mentionner la source.

Iwacu se réserve le droit de supprimer tout commentaire susceptible de contrevenir à la présente charte, ainsi que tout commentaire hors-sujet, répété plusieurs fois, promotionnel ou grossier. Par ailleurs, tout commentaire écrit en lettres capitales sera supprimé d’office.

Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Que la compétition politique soit ouverte

Il y a deux mois, Iwacu a réalisé une analyse de l’ambiance politique avant les élections de 2020 et celles à venir en 2025. Il apparaît que la voix de l’opposition est presque éteinte. Il n’y a vraiment pas de (…)

Online Users

Total 2 185 users online