Cinq Burundais torturés ont porté plainte devant les juridictions nationales. Cependant, aucune enquête effective n’a jamais été initiée. Les victimes ont alors saisi le Comité contre la torture (CAT).
M.T. affirme avoir été torturé en 2006 par les agents de l’Etat. Sans donner trop de détails, il témoigne que les coups pleuvaient sur tout son corps. Pour étouffer les cris, raconte le supplicié, un des tortionnaires a introduit dans sa bouche une pierre sale, ramassée dans les immondices. « J’ai saisi le Comité contre la torture pour obtenir justice », indique la victime.
M.H. a aussi été torturé, en 2008 : « Les autorités judiciaires n’ont pas tenu compte de ma plainte. » Il souhaite que le comité contre la torture constate que la justice burundaise n’a pas fait son travail et qu’une décision soit prise.
M. F. affirme avoir été battu par les agents de l’Etat en 2010. « Ils m’ont déshabillé et m’ont violemment battu pendant plusieurs heures », se souvient-il. Et d’ajouter : « L’affaire est passée sous silence. J’ai foi en la justice internationale en ce qui concerne la poursuite et le châtiment de ces crimes ignobles. »
Ces victimes affirment être accompagnées juridiquement par l’organisation TRIAL, une ONG suisse spécialisée dans la lutte contre l’impunité. Elle représente jusqu’à présent plus de 300 victimes de plusieurs Etats.
« Un fond d’indemnisation est nécessaire »
Armel Niyongere, président de l’action des chrétiens pour l’abolition de la torture, salue le courage de ces victimes. Pour lui, les dossiers n’avancent pas devant les juridictions burundaises parce que les auteurs des tortures sont les agents de l’Etat. Il propose à l’Etat burundais de créer un fond d’indemnisation : «L’Etat doit dédommager la victime et se retourner après contre les auteurs de la torture. »
| Depuis 1987, le CAT a déjà reçu 585 communications individuelles. Sur 64 Etats ayant reconnu sa compétence, 31 font ou ont fait l’objet d’une telle procédure, parmi lesquels deux pays africains (le Sénégal et le Burundi). Les pays ayant fait l’objet de plus de plaintes sont la Suisse (135), la Suède (111) et le Canada (82). Sur les 72 condamnations prononcées par le CAT, 61 concernent des Etats d’Europe, d’Amérique du nord et de l’Océanie.
« Le plaignant doit d’abord recourir aux procédures nationales »
Dean Grossman, président du CAT, reconnaît que cinq requêtes concernant le Burundi ont déjà été déposées auprès de son comité. Pourtant, révèle-t-il, elles sont en attente d’information de la part de l’Etat partie. Dean Grossman explique que le comité reçoit les plaintes des particuliers : « Ce sont ceux qui prétendent que l’un ou plusieurs de leurs droits ont été violés. » Pour que le comité décide sur le fond d’une plainte, précise-t-il, le plaignant doit d’abord recourir aux procédures nationales disponibles. Le président du CAT précise que le plaignant ne peut pas être l’objet de représailles : « Il a la possibilité, lors de la procédure écrite, de plaider la totalité de sa cause devant le comité. » Pour Jean-Luc Marx, représentant du Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme au Burundi ce mécanisme n’a pas été imposé au Burundi mais le pays l’a accepté dans l’exercice de sa souveraineté.
| Le Comité de l’ONU contre la torture, une voie de droit pour les victimes de torture
D’après des spécialistes, le comité contre la torture est un mécanisme de protection des Droits de l’Homme au sein des Nations unies. Il a été créé par la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants entrée en vigueur le 26 juin 1987. Il a pour mandat de surveiller la correcte et pleine application de ce traité international par les Etats qui l’ont ratifié. Le Burundi a accepté le 18 février 1993 de respecter les obligations contenues dans cette convention. Il a reconnu le 10 juin 2003 la compétence du CAT pour recevoir des plaintes de la part de victimes se trouvant sous sa juridiction, pour des actes intervenus après cette date.
Néanmoins, le CAT reçoit la victime qui a épuisé toutes les voies de recours internes. L’objectif de la procédure devant le comité contre la torture n’est pas de condamner et sanctionner directement l’agent de l’Etat qui a commis les actes de torture. Il n’est pas non plus dans le mandat du comité d’octroyer lui-même une réparation à la victime. L’objet de la procédure est de reconnaître que l’Etat a violé les droits de la victime et qu’en cela sa responsabilité internationale est mise en cause. Une telle procédure vise donc avant tout à rendre justice aux victimes.
Le prochain rendez-vous international du Burundi en matière des Droits de l’Homme est prévu pour janvier 2013.