Vendredi 22 novembre 2024

Politique

Burundi/CVR : de nouveaux visages

31/05/2022 6
Burundi/CVR : de nouveaux visages
Les trois commissaires nouvellement élus

Laurent Kavakure (Hutu), Cheik Sadiki Kajandi (Hutu) et Stella Budiriganya (Tutsi) ont été élus, ce lundi 30 mai 2022, par vote secret par lAssemblée nationale comme nouveaux membres de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR). Toutefois, rien ne filtre sur les commissaires qui vont être remplacés.

Selon l’Assemblée nationale, la pré-sélection des candidats commissaires a été échelonnée sur 5 phases à savoir la conformité des dossiers de candidatures, l’établissement d’une fiche de cotation, la convention sur le nombre de candidats requis pour l’enquête de moralité et interview ainsi que la délibération dans la plénière.

Après ce processus qui s’est déroulé du 16 au 25 mai 2022, poursuit l’Assemblée nationale, 9 candidats sur 25 soumis ont été retenus dont 3 de l’ethnie tutsi (Stella Budiriganya, Pierre Claver Sererege et Déogratias Rwamuhizi) et 6 de l’ethnie hutu (Laurent Kavakure, Sadiki Kajandi, Harouna Nkunduwiga, Epimaque Buterere, Nikobitungwa, Daniel Mpitabakana, Apôtre Samson Ndihokubwayo).

A la fin, trois candidats ont été retenus à savoir Laurent Kavakure, Cheik Sadiki Kajandi et Stella Budiriganya. Interrogé sur les commissaires qui vont etre remplacés, le président de la CVR, Pierre Claver Ndayicariye, n’a pas voulu répondre.
Sans préciser leurs noms, le président de l’Assemblée nationale, Gélase Daniel Ndabirabe, a indiqué qu’il y en a qui ne remplissaient plus convenablement leurs tâches. « La CVR a encore du pain sur la planche vu le temps qui reste. Sur ce, il faut des personnalités fortes et non des gens qui sont là pour des polémiques. C’est pourquoi ils ont demandé que certains soient remplacés ».

Des avis mitigés

Hamza Venant Burikukiye, représentant légal de l’Association Capes+, félicite les nouveaux commissaires. « Ce sont des personnalités connues et intègres et de notoriété irréprochable donc qui inspirent confiance. Ces personnes nouvellement élues incarnent des compétences et expériences suffisantes. » Selon lui, on les jugera sur leur travail.

M. Burikukiye trouve que c’est une honte de penser à impliquer les Nations Unies pour des affaires internes des Burundais. « Depuis le temps de nos ancêtres, les Burundais réglaient leurs différends entre eux sans ingérence extérieure et des solutions étaient trouvées. Toutefois, si le besoin est bien justifié, l’aide d’un ami reste nécessaire mais à volonté et non pas imposée ».

Térence Mushano : « Sans les représentants des Nations Unies dans cette commission, il ny a pas d’esprit d’équite encore moins de neutralité »

Ce n’est pas l’avis de Térence Mushano, secrétaire général de l’Association AC Génocide Cirimoso. « Les individus nous importent peu. Ce qui compte, c’est le respect in extinco des Accords d’Arusha et le Rapport Kalomoh qui ont tracé le principe de la mise en place de la justice voire même la Justice transitionnelle ».

Pour lui, sans limplication des Nations unies, la transparence, la vérité réconciliatrice s’éloignent. « Les Burundais seuls ne peuvent pas être juges et parties. Sans les représentants des Nations Unies dans cette commission, il n’y a pas d’esprit d’équite et de neutralité. L’impartialité laisse à désirer »

Un juriste et défenseur des droits de l’homme qui a requis l’anonymat abonde dans le même sens. « La CVR prend origine dans l’Accord d’Arusha qui prônait l’entente, la cohésion et le dialogue permanent dans la conduite de ce processus. Cet accord prévoyait un rôle accru de la Communauté internationale en vue d’éviter des vérités téléguidées pour aboutir à une auto amnistie ».

Daprès lui, il est difficile de se crever un abcès. « Loin des orientations de l’Accord d’Arusha, la CVR met en application le narratif du régime. Un régime qui utilise la commission pour travestir la vérité en vue de falsifier l’histoire dans le but de berner et de rallier les masses, une partie de la population, à sa cause »

Selon ce juriste, les Burundais ont déjà confié un rôle majeur aux Nations unies dans la conduite du processus de la recherche de la vérité et de la réconciliation. « Notez par ailleurs que l’ONU a déjà fait une partie du travail à travers son rapport S/682/1996 qui a déjà établi en son paragraphe 483 que les actes de génocide ont été commis contre la minorité Tutsi en 1993. Le même rapport recommande qu’une autre enquête soit faite pour couvrir les autres dates notamment 1965, 1972, 1988, etc. »

Quant à l’Accord d’Arusha, poursuit-il, le premier protocole dispose en son premier chapitre, article 6 point 10 que seule la commission internationale indépendante d’enquête sur le Burundi mise en place par lONU est compétente pour qualifier les crimes commis comme étant des crimes de génocide, des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité.

« Notez que le gouvernement du Burundi a formulé une demande allant dans ce sens en date du 24 juillet 2002. L’article 8 du même chapitre confirme que la CVR n’a pas cette compétence de qualifier ces crimes graves même sils sont en train de le faire dans une procédure entachée d’irrégularités aussi bien quant au fond que quant à la forme ».

Il fait savoir que l’article 33 de la loi de 2003 sur la prévention et la répression du crime de génocide confirme que les crimes graves feront objet d’une enquête menée par une commission indépendante et impartiale envoyée par les Nations unies avant de laisser la place au Tribunal spécial sur le Burundi qui sera mis en place par l’ONU pour juger les responsables.
« Face à ces dispositions de la loi si claires et limpides, la CVR peut se livrer à sa triste comédie pour amuser la galerie mais le processus sera relancé une fois que le Cndd-Fdd ne sera pas au pouvoir », faut savoir ce juriste.

Quant aux nouveaux commissaires élus, ce juriste rappelle que l’article 10 de la loi régissant la CVR dispose que cette commission doit être indépendante, neutre et crédible tandis que l’article 13 enfonce le clou en précisant que tout membre de la commission doit être impartial dans l’accomplissement de ses fonctions par rapport aux positions des partis politiques.

« Tenant compte du fait que tous ces commissaires sont des militants souvent zélés du parti au pouvoir, ils viennent continuer l’instrumentalisation de la CVR par le parti au pouvoir pour des fins politiques. Sa mission est vouée à léchec si rien n’est fait pour rectifier le tir », s’inquiète-t-il.

Signalons que la commission mixte et paritaire chargée de la pré-sélection des candidats commissaires de la CVR était dirigée par par Hon. Claude Nahayo comme président et Hon. Spés Caritas Njebarikanuye comme vice-président. Les membres de la commission étaient les députés Nestor Ntahontuye, Jean Claude Kwizera, Aline Manirabarusha, Gaston Sindimwo, Jean Bosco Kurisansuma.

Qui sont les nouveaux commissaires ?

Ancien ministre des Affaires Etrangères jusquen 2015, Laurent Kavakure était jusquà maintenant secrétaire exécutif de la CVR. Laurent Kavakure a été également président du comité technique chargé de la préparation de la mise en place des mécanismes de la justice transitionnelle, dont la CVR.

Ce comité était composé de 7 membres : Laurent Kavakure (président), Pascasie Nkinahamira (vice-présidente), Jean-Marie Sindayigaya (secrétaire), Léonce Ndarubagiye, Me Fabien Segatwa, Clotilde Bizimana et Joseph Sinabwiteye.

Ils avaient pour mission de réfléchir et de proposer des orientations méthodologiques de la CVR, de visiter les expériences des autres pays en vue de dégager des options utiles au Burundi, dadapter les textes législatifs et réglementaires aux conclusions issues du rapport sur les Consultation populaires, notamment la loi n° 1/18 du 27 décembre 2003 portant mission, composition et fonctionnement de cet organe, de déterminer son budget de fonctionnement et de proposer des critères pour la désignation des membres de la Commission.

Depuis 2009, Cheik Sadiki Kajandi Abdallah, était représentant légal de la Communauté Islamique du Burundi (Comibu). Ce prédicateur formé en Arabie Saoudite a déposé sa lettre de démission le mercredi 26 août 2020. Il était accusé de malversations et de détournements de fonds. Certains imams de la marie de Bujumbura et de l’intérieur du pays lui avaient adressé une correspondance où ils lui demandaient de rendre son tablier.

Depuis août 2017, Stella Budiriganya est Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Burundi en Inde, Indonésie, Thaïlande, Malaisie, Singapour et Brunei avec résidence à New Delhi.

Journaliste au quotidien Le Renouveau, elle deviendra directrice du quotidien de 2006 à Avril 2010. Elle a aussi été conseillère principale chargée des questions politiques et diplomatiques au cabinet du président du Sénat du Burundi (2010-2015) ainsi que porte-parole de ce dernier de 2015 à 2017.

CVR

Forum des lecteurs d'Iwacu

6 réactions
  1. arsène

    « Ce prédicateur formé en Arabie Saoudite a déposé sa lettre de démission le mercredi 26 août 2020. Il était accusé de malversations et de détournements de fonds. Certains imams de la marie de Bujumbura et de l’intérieur du pays lui avaient adressé une correspondance où ils lui demandaient de rendre son tablier. »

    Pour M. Venant H. Burikukiye, M. Kajandi est une personnalité connue et intègre. Il a sa propre conception de l’intégrité.

  2. Gitoro

    Espérons que les nouveaux membres vont pousser la CVR à reconnaitre que les hutus ont massacré les tutsis au sud du pays en 1972, le génocide des tutsis en 1993, crimes de guerre Bugendana, Buta, Teza, holocoste Kibimba

    • Bellum

      La CVR est un organe uniquement la justice des vainqueurs. La preuve est la nomination d’un commissaire accuse du massacre de Tutsis a Muraho en 1993. Ce qui prouve que la CVR est au service la cause.

    • Fadjo St-James

      Les Tutsi ont aussi massacrés des Hutu.
      La CVR est dans son rôle.
      Attendons les résultats.
      Ça ne sert absolument à rien de vouloir tirer la couverture de son bord.

    • Theus Nahaga

      Les Hutu n’ont jamais massacré les Tutsi, comme les Tutsi n’ont jamais massecré les Hutus. Si des gens sont morts parce qu’ils étaient des Hutus ou des Tutsi, les criminels portaient des noms reconnaissables: Michel, Jean, ou autres Masina. Tuer une personne est une décision qu’on prend individuellement et on doit en répondre individuellement.

      • Yan

        @Theus Nahaga
        « Tuer une personne est une décision qu’on prend individuellement et on doit en répondre individuellement. »

        En 1972 j’étais un adolescent qui étudiait dans la ville de Gitega où il y avait un camp militaire dont tous les soldats hutus ont été tous (sans aucune exception) assassinés. Je doute fort que lors de leur exécution, chaque assassin décidait dans son coin d’abattre un ou plusieurs soldats hutus. Ca devait être un projet mis en production en groupe.

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