Il me paraît important de revenir sur l’expérience politique que traverse le Burkina-Faso tellement il y a des leçons politiques à y puiser.
Le gouvernement de transition
En ce qui concerne la dimension de l’équipe gouvernementale, la classe politique du Faso n’a pas versé dans la nouveauté : vingt-six ministres! N’est-il pas temps que nos pouvoirs exécutifs, voire nos représentants au parlement, soient réduits au maximum pour alléger les dépenses publiques et ainsi transférer ces fonds au bénéfice de programmes de développement ?
Il faudrait détailler les dépenses d’un cabinet ministériel en termes de masse salariale du personnel, de frais liés aux missions à l’étranger surtout et d’autres multiples avantages liés à la fonction pour être édifier…
A la défense du Burkina-Faso, il est vrai qu’il s’agit d’une gouvernance de transition pour laquelle il faut veiller à y inclure toutes les sensibilités agissantes au nom de la « publica pace ». En des circonstances similaires, l’Ouganda de Yoweri Museveni avait aligné une équipe d’une quarantaine de ministres !
Le premier ministre et ministre de la défense
On pourrait croire que « l’Homme Fort » de Ouagadougou, le premier ministre Zida, prépare son retour à la tête du pays au sortir de la transition. Les articles 3 et 4 de la Charte de la transition sont on ne peut plus clairs sur la question : le futur président élu devra être obligatoirement un civil. Et si, par ailleurs, le premier ministre venait à « oublier » qu’il fut militaire, l’article 4 interdit formellement tout membre du gouvernement de transition à participer comme candidat aux futures élections présidentielles et/ou législatives de 2015.
La grande majorité des Burkinabés s’accommodent de l’association de la primature avec le ministère de la défense étant donné la dimension sécuritaire hautement délicate au sein du pays et dans la sous-région en général.
Le ministre de la culture vilipendé
Adama Sagnon, ministre de la Culture et du Tourisme, est attaqué par le public pour avoir requis, comme procureur de la république, un non-lieu lors du procès de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo.
Encore une fois, La Rue burkinabée se montre particulièrement mûre et responsable car elle a manifesté son mécontentement sans pour autant s’adonner à des actes de violence ou de vandalisme.
Le Burkina Faso est en train d’écrire une page de son histoire et de l’histoire africaine hautement honorable. Je retiens, quant à moi, les valeurs qui sous-tendent toutes les actions faites et celles qui suivront pour sortir le pays de la dictature et la kleptocratie. Ces valeurs sont celles que notre culture burundaise condense dans le concept du « Bushingantahe » que nous ne parvenons plus à traduire dans les faits. Voyez vous-même celles mises en avant dès l’article 1er de la Charte de la transition et qui devront guider le peuple du Burkina Faso et tous ses leaders :
- Le pardon et la réconciliation
- L’inclusion
- Le sens de la responsabilité
- La tolérance et le dialogue
- La probité
- La dignité
- La discipline et le civisme
- La solidarité
- La fraternité
- L’esprit de consensus et de discernement
Thomas Sankara a bien eu raison de baptiser son pays : Le Pays des Hommes Intègres.
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* « le nom définit la personne ! » adage kirundi
Mr NGENDAHAYO a sûrement raison. Pour nous autres qui vivons les choses de près, car au Pays des Hommes Intègres depuis une bonne décennie, ce qui s’est passé ici est unique. Les internautes qui s’expriment dans ce forum peuvent affirmer que ZIDA est POUTINE mais ils ne puvent pas le démontrer. ZIDA par exemple ne pourra pas se présenter aux élections de Novembre 2015 car les articles que cite NGENDAHAYO le lui interdit. Donc dire que ZIDA est l’Homme fort, je ne le pense pas du tout. KAFANDO n’est pas moins fort non plus !!! C’est un homme posé, très expérimenté qui s’exprime impeccablement bien en anglais et en français et qui, jusqu’à présent, n’a pris que des décisions très sages, de connivence d’ailleurs avec son Premier Ministre, Mr ZIDA. Pourquoi Zida a pris la Défense en main? Eh bien pour réformer en profondeur l’armée car Mr Blaise Compaoré avec son régiment de la sécurité présidentielle pléthorique et surarmée était parvenu à créer une armée dans une autre armée. Une décision d’ailleurs est déjà tombée. La garde présidentielle va être démantelée pour s’occuper des questions de terrorisme, qui, comme vous le savez, ne manquent pas en Afrique de l’ouest.
Oui, ce qui s’est passé ici pourrait servir de leçons à d’autres pays où les Chefs d’Etat se préparent à rester infiniment au pouvoir en dépit des textes réglementaires nationaux qu’ils cherchent à contourner et à ignorer royalement. Mais il faut savoir que le courage des Burkinabés n’est pas donné à tout le monde, malheureusement, car il y a des sacrifices à accepter de faire comme tomber sous les balles de l’armée et de la police. Ces dernières n’ont pas manqué car une trentaine de jeunes ont été fauchés par les balles de Compaoré mais elles n’ont pas empêché à ceux qui ne sont pas tombés d’avancer, d’aller de l’avant jusqu’à ce que l’armée et le dictateur se rendent compte qu’ils ne peuvent rien devant des millions de manifestants déterminés à mourir pour arriver à leur but.
En effet, comment tire-t-on sur plus de 500 milles manifestants tous les mains en l’air et qui avancent vers le palais présidentiel en chantant « la patrie ou la mort nous vaincrons »? L’armée a été obligée de reculer, puis de céder, poussée par la pression de la jeunesse Burkinabé qui était prête à mourir pour que Compaoré et sa famille prédatrice des richesses nationales s’en aillent et ils sont partis. Les jeunesses opprimées du Burundi, du Congo, de la RDC, du Cameroun (pour ne citer que celles-là) sont–elles prêtes à faire de même ? A vous de me répondre car moi, j’ai quitté ce pays depuis plus de 20 ans.
Au Burkina Faso, plus rien ne sera comme avant. La société civile, la jeunesse veillent et influencent la prise de décision tous les jours depuis le 31 Octobre dernier. Le cas SAGNON en est un exemple très éloquent mais d’autres semblables à celui du Ministre d’un jour se passent régulièrement sous nos yeux, sans que la presse internationale s’en empare mais nous on le vit en direct.
En ce qui me concerne, je crois quand même que tôt ou tard ceux qui cherchent à rester infiniment au pouvoir (pour des raisons personnelles) finiront par subir le sort de Compaoré. C’est une question de temps. En effet, les jeunesses africaines, de plus en plus politisées, « technologisées » (passez-moi l’expression) sont aussi de plus en plus exigeantes en termes de gouvernance. Elles aspirent toutes à une bonne éducation et à des emplois sûrs et durables. Ces jeunesses-là sont de moins en moins intéressées par les divisions tribales et autres régionales dont la plupart des dictateurs se sont servis souvent pour confisquer le pouvoir du peuple. Let us wait and see.
Vous dites « izina ni ryo muntu », j’ajouterais « Ubuntu burihabwa »
Dans ce processus de la mise en place des organes de transition il faudrait souligner également, la nomination (le 27 novembre dernier) par l’Assemblée intérimaire du Burkina Faso, du journaliste Sy Moumina Sheriff 54 ans, patron de l’hebdomadaire Bendré et candidat malheureux au poste de président de transition au poste de président du Conseil national de transition (CNT) qui comprend 90 membres (30% de femmes et surtout des jeunes 25-40) issus de la société civile, des partis politiques et de l’armée. Sa première déclaration fut : « Ce qui nous unit, je ne pense pas que ce soit le besoin d’être parlementaire, ce qui nous unit, c’est que nous sommes tous au service de ce pays. L’histoire nous interpelle, mais l’histoire aussi nous condamnera si nous ne faisons pas bien notre travail »
Bien que les obstacles ou (autres imperfections) ne manquent pas, c’est dans ce climat apaisé que vous décrivez si bien dans ce billet, que les « hommes intègres » transigent vers l’avenir.
Dans ce contexte, Je me demande alors ce que Le candidat burundais malheureux au poste de secrétaire général de l’OIF a voulu dire par : « Prétendre que tous ceux qui modifieraient leur Constitution n’ont pas leur place dans l’espace francophone est exagéré. Chaque cas est spécifique. » Jeune Afrique, 01/12/2014. On pourrait lui demander les quels ? (cas)
En tout cas c’est l’homme fort qui a change pa le systeme.Quant a ce colonel premier ministre il joue a la Poutine,je serai pa etonne de le voir a la tete du pays apres cette transition.
Honorable Ngendahayo je suis d’accord avec vous quand vous dites que dans le scenario du Burkina il y a beacoup de leçons à y puiser mais je ne suis pas d’accord quand vous allez dans le sens de célébrer la réussite de la révolution ..Auparavant j’avais aussi cru que la révolution avait réussi mais apres avoir analysé réellement les faits j’ai bien compris qu’au Burkina Faso comme en Egypte la REVOLUTION A ETE RECUPEREE.Récuperé par ceux qui ont aidé Compaoré a s’ évader en franchissant les frontières .En vous lisant on croirait que c’est le peuple qui controle tout, comme si le meneurs du mouvement populaire sont ceux qui prennent les décisions,oui c’était ainsi quand ce dernier a commencé mais au milieu de ce mouvement j’ai compris que les ennemis de l’Afrique(africains ou non africains) ont appliqué la stratégie machiavélique pour récuper et confisquer ce changement qui allait faire tomber tout le système érigé après la mort de Sankara. C’est clair l’armée va conserver son influence dans le jeu politique et cela a été préparée car la constitution intérimaire n’interdit pas que le 1er ministre soit un militaire ou un civile et tout a été bien préparé en manipulant l’opinion burkinabè comme quoi il n y a rien de mauvais de voir un militaire diriger le gouvernemnent, en plus on peut donc se poser la question si cette dernière n’est pas télecomandée ??.Alors qui est Zida, numero 2 de la garde presidentielle de Compaoré alors pourra t-il demdander l’exradition de son chef ?Et l’actuel president Kafando qui lui aussi serait soupçonné d’avoir pris de lourdes responsabilités dans l’assassinat de sankara pourra t-il se juger ?Autre chose après la chute de Blaise Compaoré on a dit que son frère Francois compaoré a été arreté,mais où est-il maintenant ?On devrait analyser ces faits avec realisme car je doute que le peuple en cueillira les fruits souhaités .Pour moi Le Peuple voulait balayer ceux qui sont au sommet mais ils ne sont pas arrivé à détruire le système. Et quand on parle de l’affaire sankara, qu’avec le nouveau régime on pourra commencer le procès on n’oublie que Blaise n’est pas le cerveau de cet assassinat il n’est qu’un exécutant qui était au bon moment et au bon endroit pour exécuter le plan comploté par ceux qui l’ont supporté durant ces 27 ans de règne et qui l’ ont aidé à franchir les frontières sain et sauf.Ceux qui ont pris le pouvoir vont bien continuer la logique de leur prédécesseur mais sous une autre appellation.
Cher « L’Africain »,
Il y a beaucoup de vrai dans ce que vous écrivez, mais la politique est « l’art du possible ». Les révolutionnaires et les revolutions ont la pretention de faire « table rase » du passé, mais cela est quasi impossible dans la plupart des cas. Et là où cela s’est fait, comme en Chine Populaire par exemple, la même révolution a instauré un ordre nouveau pas si idyllique que cela… Je pense à la révolution culturelle par exemple…
Au Burkina Faso ce n’est pas La Rue qui est au pouvoir et c’est bien ainsi. Ce n’est pas son rôle. Le peuple se révolte et contribue au changement et … les professionnels de la politique reviennent au-devant de la scène politique. Et c’est en fonction, de rapports de force tant internes qu’externes qui s’exercent sur la société. Ce qui est remarquable ici, c’est que toute la classe politique s’est accordée sur des textes et des valeurs de référence d’une très haute tenue morale. L’avenir nous montrera si elle s’y conformera en instaurant une gouvernance basée sur l’état de droit.
Ne jetons pas l’eau sale avec le bébé!
Fraternellement
Totalement d’accord avec vous!
PS : Ne jetons pas le bébé avec l’eau sale (lol) .
Ils (Burkinabés) ont bien investi en éducation: les intellectuels sont légion dans ce pays. Rien à comparer avec nous illettrés de burundais. Ils agissent conséquemment.
Et oui, n’en déplaise tous ceux qui prédisaient ici des lendemains qui déchantent pour la révolution burkinabé, avec un espoir caché que l’échec de la dite révolution devienne un contre modèle ou contre exemple pour le reste de l’Afrique. C’est fou jusqu’où les gens peuvent aller pour défendre leur cathédrale, en l’occurrence les gouvernements en place qui veulent se maintenir au pouvoir malgré les constitutions qui le permettent pas.