Jeudi 07 novembre 2024

Environnement

Buringa 2 : une terre aride

07/11/2024 0
Buringa 2 : une terre aride
Buringa II, 6 ans après le déboisement

Dans la commune Gihanga, la localité de Buringa 2 est caractérisée par une sècheresse sans précédent. Aucun arbre, même pas pour une ombre, n’est visible. Le sol est fertile mais, deux jours de soleil suffisent pour détruire les graines fraichement plantées.

Il est 13h, le soleil tape très fort dans la localité de Buringa 2. Circuler dans la localité, sous le soleil, demande beaucoup de courage et d’endurance. La femme du chef de quartier déplore le fait qu’aucune autorité n’a jamais pensé à reboiser la localité.

La femme et son amie disent que des fois, la pluie fui les lieux et arrose Rukaramu et Rukoko. « Il y a des fois où nous voyons la pluie de loin vers Rukaramu et Rukoko sans qu’une seule goûte ne touche le sol de Buringa 2 », déplorent-elles.

Il y a à peu près 6 ans, raconte la femme du chef de quartier, la population de la colline Kagaragara de la zone Rukaramu a été déplacée dans la zone Buringa de la commune Gihanga suite à l’insécurité qui prévalait dans la région.

Elle fait savoir que, pour accueillir les nouveaux venus, le déboisement de la localité de Buringa 2 a été total et qu’il n’a laissé aucun arbre. Depuis lors, les conséquences ont déjà commencé à se manifester. Les seuls arbustes qui occupent la partie sont ceux de la famille des euphorbes qui étaient utilisés pour délimiter les parcelles. Pourtant, plusieurs projets de reboisement ont été initiés. Mais, la population de Buringa 2 ne semble pas être de la partie.

Au mois de janvier 2024, le gouverneur de la province de Bujumbura, Désiré Nsengiyumva avait soulevé des inquiétudes sur ces projets.

Pour cette autorité, il y avait à s’inquiéter au regard de ce qui reste après la réalisation de certains projets. « Ces initiatives ne produisent pas d’impact palpable », avait-elle précisé.

Le gouverneur Nsengiyumva a donné l’exemple du grand projet « Ewe Burundi urambaye » de reboisement des différentes montagnes du pays qui, selon lui, est en passe de devenir un éléphant blanc. « Le projet Ewe Burundi urambaye n’a pas donné de résultats qu’on espérait. Beaucoup de plants d’arbres et d’avocats ont été repiqués et plantés dans ma province, mais le résultat attendu n’a pas été visible ».

Un déboisement avec un impact négatif

Sous un soleil accablant, aucune ombre dans Buringa II

Depuis la délocalisation, même si la population de Buringa 2 a continué ses travaux champêtres dans la localité de Kagaragara, elle a aussi besoin des jardins de case, explique la prénommée Agnès, assise devant sa maison. Elle fait savoir que le sol de sa localité, malgré sa richesse, ne leur apporte rien. « Seul les jeunes qui font des briques en tirent profit. Nous, nous avons peur de ce que pourrait nous faire ce soleil si nous nous hasardons à planter quelque chose ».

La richesse du sol se fait remarquer par la verdure des euphorbes candélabres qui ne servent même pas de pâtures pour le bétail selon les habitants. « Avant, ces euphorbes servaient à délimiter les parcelles. Mais maintenant, les gens les ont adoptés comme pouvant servir de clôtures de leurs maisons. Ils ne nous procurent même pas d’ombre avec cette chaleur », regrette Agnès.

Des énergies alternatives

Jacques Nkengurutse est expert en environnement. Il souligne qu’il y a 3 ans, beaucoup d’effets négatifs se remarquent à Buringa 2 à la suite du déboisement de la localité. Il cite notamment l’aggravation des effets liés aux changements climatiques ; la dégradation des terres agricoles ; l’irrégularité des régimes hydriques dont le contrôle des inondations ; l’aggravation des érosions ; la réduction de l’humidité de l’air ; la dégradation des facteurs de production agricoles. Cet expert précise que les impacts seront désastreux et difficiles à évaluer. Selon lui, au finish, cela risque d’aboutir à une situation sécuritaire instable ayant la faim comme corollaire.

Il revient sur le projet de reboisement national « Ewe Burundi urambaye » mis en place pour restaurer le couvert forestier qui a démarré ses activités en 2018. Au terme de ce projet qui s’étend sur une période de sept ans, il est prévu de planter des arbres sur toutes les collines du pays.

A côté de cela, de jeunes environnementalistes s’investissent dans la plantation des arbres dans différents coins du pays. L’association « Ça nous concerne tous » a déjà planté plus de 50 millions d’arbres. On note également l’association « Greening Burundi » qui a déjà planté 872 785 arbres. Son objectif global est de planter 50 millions d’arbres.

Mais, selon Dr Nkengurutse qui s’exprimait déjà en 2021, dans un Burundi où entre 95% et 98% des gens recourent au bois comme énergie domestique, le reboisement ne peut pas résoudre le problème de déforestation. Pour illustrer ses propos, il essaie de donner des explications à base d’un exemple.

Pour satisfaire les besoins en bois, il faut 1 031 000 ha. Celles-ci représentent 38, 18% du territoire national. Ce qui est pratiquement impossible, d’où la nécessité d’adopter une solution fondée sur les techniques et de faire recours aux énergies alternatives.

Pour rappel, la volonté de contrôler les ressources forestières date de l’époque coloniale. En 1931, une politique a été mise en place dans ce sens par l’administration belge. Des forêts artificielles ont été développées. Néanmoins, cette politique qui visait la production, la satisfaction des besoins en bois et la préservation des forêts naturelles n’a pas été pérennisée par les pouvoirs publics. La situation dégénéra après l’indépendance. Une grande partie des plantations publiques a en effet été convertie en terres agricoles.En 1969, le gouvernement songea encore une fois à la gestion des réserves forestières du Burundi. Il fallait privilégier cette fois-ci la protection des forêts naturelles et la mise en place d’une législation consacrée à la cause forestière. A travers cette politique, le gouvernement fixait le quota d’exploitation nationale des forêts naturelles à 650 hectares par an d’une part et le reboisement de 100 mille hectares sur une période de trente ans d’autre part. Il fut alors imposé la plantation privée d’arbres à un rythme de 300 arbres par ménage.

En 1973, il y a eu le premier symposium forestier. Contrairement au document de politique de 1969, les conclusions dudit symposium sont contre l’exploitation des forêts naturelles. Elles encouragent au contraire la protection de ces forêts et insistent sur l’aménagement du territoire et la nécessité de mettre en place une législation forestière.

En1978 fut élaboré un autre document de politique qui fixa comme objectif global pour l’an 2000 la satisfaction des besoins en bois et la protection de l’environnement sur base d’un taux de couverture forestière du pays de 20%, y compris les forêts naturelles. Comme résultat, le taux de couverture forestière a passé de 3% en 1978 à 7% en 1993. C’est en 2012 qu’une nouvelle politique forestière nationale fut mise en place. Un de ses objectifs était de développer et de gérer rationnellement les ressources forestières. Elle prévoyait également de porter le taux de couverture forestière à 20% en 2025.

En 2016, une loi portant révision du Code forestier a été promulguée. Mettre fin à la réduction du couvert forestier en pratiquant une gestion forestière durable, accroître sensiblement la superficie des forêts protégées et celle des forêts gérées de façon durable figuraient parmi ses objectifs.

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