Lors du dialogue interactif sur le Burundi à la 42e session du Conseil des droits de l’Homme, ce mardi 17 septembre, la Commission d’enquête sur le Burundi a indiqué que les violations des droits de l’Homme demeurent extrêmement préoccupantes. Comme à l’accoutumée, Bujumbura parle d’un complot.
La commission Diène confirme que des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des actes de torture et autres traitements inhumains ou dégradants ont continué, depuis mai 2018. Selon les experts onusiens, ces violations ont gardé une dimension essentiellement politique. «Certaines ont été commises dans le cadre du référendum constitutionnel de mai 2018 mais de plus en plus elles s’inscrivent dans le contexte de la préparation des élections de 2020». Pour Doudou Diène, le président de cette commission, la crise burundaise mérite toute l’attention et la vigilance du Conseil des droits de l’Homme.
D’après les enquêteurs onusiens, ceux qui sont le plus visés sont les membres et les sympathisants, supposés ou avérés, des partis politiques d’opposition. Ils pointent du doigt les Imbonerakure qui agissent de plus en plus seuls ou en coopération avec des responsables administratifs locaux ou avec des agents de la police et du Service national de renseignement (SNR). «Ce service relève désormais directement de l’autorité et du contrôle du seul président de la République, qui pourrait donc voir sa responsabilité pénale engagée pour les agissements des agents du SNR». La commission souligne qu’il existe toujours des motifs raisonnables de croire que certaines de ces violations constituent des crimes contre l’humanité.
Restrictions des libertés publiques
Les enquêteurs onusiens mettent un accent sur l’intensification des restrictions des libertés publiques. «Des médias indépendants ont été censurés par le Conseil national de la communication et se sont vus retirer leur licence comme la BBC, ou ont été mis en garde, comme RFI et Iwacu, un des derniers médias burundais indépendants». L’organisation PARCEM a été suspendue en juin 2019, soulignent les commissaires, pour avoir présenté un rapport critique sur les conditions socio-économiques préoccupantes dans le pays.
Selon la commission, les huit facteurs de risque communs aux atrocités criminelles et donc de détérioration de la situation des droits de l’homme sont présents à la veille des élections de 2020. Elle se dit également préoccupés par l’accord récemment conclu entre la Tanzanie et le Burundi qui envisage le retour des demandeurs d’asile et réfugiés burundais, de gré ou de force et, si nécessaire, sans la coopération du HCR.
«Une corruption de l’opinion internationale»
«Les élections générales de 2020 se préparent déjà et tous les instruments sont en place notamment le calendrier électoral. Les membres de cette commission doivent savoir que leur prédilection envers les détracteurs du Burundi s’écarte de leur mission et les disqualifie», a déclaré le représentant permanent du Burundi à Genève, Rénovat Tabu. Selon lui, le peuple burundais reste debout, vigilant et déterminé à organiser les élections de 2020, sur ses propres fonds, dans un climat de quiétude.
D’après Bujumbura, envisager des facteurs de risque sous l’angle du crime de génocide est un vieux slogan qui relève de la pure subjectivité et de la mauvaise foi. «Le Burundi voit dans cette démarche une fuite-en-avant, une sorte de corruption de l’opinion internationale et une manipulation abjecte de l’opinion».
Rénovat Tabu assure que le Burundi ne va se laisser distraire et intimider par des rapports biaisés et politiquement motivés. Bujumbura invite la communauté internationale à mettre fin au mandat de la commission Diène.
L’Union européenne (UE) n’est pas de cet avis. Elle abonde dans le même sens que les commissaires onusiens : «Les conclusions de la Commission d’enquête sont extrêmement graves et exigent l’attention de ce Conseil et de toute la communauté internationale.» L’UE fait savoir qu’elle présentera, durant cette session, une résolution visant à renouveler le mandat de la commission car, selon elle, elle reste le seul mécanisme indépendant à enquêter, documenter et informer la communauté internationale sur la situation des droits de l’Homme au Burundi.
«Le peuple burundais est conscient que le complot de 2015 contre les institutions élues n’est pas mort et enterré. Certains acteurs comme Doudou Diène et leurs alliés cherchent à le faire ressusciter par des rapports perfides pour déstabiliser le Burundi à la veille des élections», a réagi sur Twitter le conseiller spécial en communication à la présidence, Willy Nyamitwe.