17 septembre, se déroule la 39è session du Conseil des droits de l’Homme à Genève. Un dialogue interactif sur le rapport de la commission Diène a eu lieu. Retour sur les débats.
A Genève, l’intervention de Rénovat Tabu, représentant permanent du Burundi est très remarquée. Offensif, il s’en prend aux membres de la commission Diène. «Le conseil des droits de l’Homme ne peut pas faire croire au monde entier qu’il est en train de remplir son rôle de promouvoir et de protéger les droits humains en recrutant des éléments qui n’ont aucun égard envers les Etats .»
Une salve est aussi lancée à l’Union Européenne. Pour M. Tabu, la grande erreur des européens est de croire que le Burundi doit accepter et accomplir leur volonté pour être un « bon élève » des droits de l’homme. Ainsi, ce n’est plus une question des droits de l’homme, tranche-t-il, il s’agit d’une question d’appétit géopolitique. Le diplomate burundais met en garde la communauté internationale : se garder de tous faits et gestes qui mettraient à mal le dernier round des négociations et les préparations des élections de 2020.
« Nous ne devrions pas faire d’attaque personnelle »rétorque le modérateur en essayant de recadrer les débats. Et de rappeler que le dialogue interactif doit se faire dans un cadre acceptable et respectueux. Après cette mise au point, vient le tour de la délégation de l’union Européenne. « L’U.E regrette profondément la décision du gouvernement de déclarer les membres de la commission ‘’persona non grata’’ en représailles à la publication de leur rapport», a affirmé l’ambassadeur Peter Sorensen. En outre, il exhorte le gouvernement burundais à cesser les menaces verbales à l’encontre des membres de la commission. Bruxelles a réaffirmé son plein soutien au travail de la commission d’enquête. Il appelle Bujumbura à désarmer les groupes armés illégitimes et à mettre fin à l’impunité. Pour l’Union Européenne la situation demeure grave. D’où la nécessité de renouvellement du mandat de la commission d’enquête sur le Burundi.
Contrairement aux européens, la Russie remarque qu’il y a une nette tendance de stabilisation au Burundi. Et cela, en dépit des attaques de l’opposition radicale qui provoque le regain des tensions. Elle condamne les attaques des extrémistes sur de civils innocents. La représentante de la fédération de Russie estime que les prédictions pessimistes sur le référendum n’étaient pas justifiées. «Nous sommes convaincus que l’usage de la rhétorique pour mettre la pression sur le Burundi est contreproductive »lance-t-elle. De surcroit, les russes croient que les sanctions « unilatérales » infligées à l’exécutif burundais sont inefficaces.
« Dire non au diktat européen »
Durant le dialogue interactif à Genève, les pays africains ont brillé par leurs réserves. Lors de la 36è session de septembre dernier, les africains ont fait front commun. Ils ont chapeauté une résolution opposée à celle des européens. Les deux ont passé. Un fait inédit dans l’histoire du conseil de droit de l’homme. Cependant, force est de constater que la résolution africaine a fait long feu.
Seule la Tanzanie a pris la parole. Elle demande à la communauté internationale de soutenir les efforts de rapatriement des réfugiés burundais se trouvant sur son sol. Actif dans les pourparlers burundais, le pays de Julius Nyerere encourage toutes les parties prenantes dans la crise Burundaise à embrasser l’esprit d’unité. « Les Burundais doivent s’abstenir de tout acte susceptible de saper les efforts de résoudre la crise de manière pacifique ».
Doudou Diène, le président de la commission d’enquête, quant à lui, voit un encouragement dans la réaction du gouvernement de les déclarer ‘’persona non grata’’. « C’est peut-être l’indicateur le plus pertinent sur la crédibilité et le sérieux de notre rapport ». La 39è session du conseil des droits de l’homme se termine le 28 septembre prochain. L’union Européenne a promis de déposer une résolution demandant le prolongement du mandat de la commission Diène. Pendant ce temps, Bujumbura demande aux groupes des pays africains de ne pas se laisser faire. De dire non au «diktat» européen.
Bujumbura menace de bouder
Un « side event » était organisé par la mission permanente du Burundi à Genève. Sous le thème « Regard rétrospectif dans la perspective des élections de 2020 », cette activité ne se déroulera pas comme prévu. La présence des « fugitifs » recherchés par la justice perturbera sa ténue. Les autorités burundaises vont protester auprès du conseil des droits de l’homme. Menaçant même de bouder la suite des travaux du conseil si les badges d’accès au palais ne leur étaient pas retirés. Une demande qui n’a pas trouvé d’écho.
Selon un observateur avisé, le gouvernement n’a pas la latitude d’exiger qui inviter à la session ou pas. Cela revient au Conseil des droits de l’homme. Il a pour partenaire les Etats membres et les organisations de la société civile. Ces derniers ont la casquette d’observateur. Parmi eux, figurent les individus poursuivis par la justice.
Quant à l’attitude de bouder, il estime que c’est tout à fait légitime. « Aucun Etat au monde ne peut applaudir quand il fait l’objet d’une enquête de violations des droits de l’homme ». Quant à la question de savoir si Bujumbura peut claquer la porte du conseil. Notre source indique que les textes internationaux l’y autorisent. Au regard de la situation, le gouvernement n’y gagne rien, dit-il.