Un communiqué du gouvernement burundais dénonce la résolution 2303 du CSNU et accuse la France de vouloir déstabiliser le Burundi. Il refuse le déploiement de policiers onusiens au Burundi.
« Le Gouvernement du Burundi rejette toute disposition de la résolution en rapport avec l’envoi d’une force quelconque sur son territoire.» Le 2 août dernier, dans un communiqué signé par le porte-parole et secrétaire général du gouvernement, Philippe Nzobonariba réagissait sur l’adoption par le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) de la résolution 2303, le 28 juillet 2016. Cette résolution autorise le déploiement de 228 policiers onusiens au Burundi, pour une période initiale d’une année, sur base d’une proposition formulée par la France.
Bujumbura rappelle au CSNU que toute résolution adoptée dans le cadre du chapitre 6 de la Charte des Nations Unies doit avoir impérativement le consentement du pays concerné. Pour lui, il n’y a aucune raison d’envoyer une quelconque force « les forces de défense et de sécurité maîtrisent parfaitement la situation à l’intérieur de tout le territoire national. »
Pour Bujumbura, « le déploiement d’une force étrangère, ne vise qu’à préparer la base arrière des éléments terroristes actuellement mis en déroute. » Dans la foulée, ce communiqué accuse Kigali et Paris de vouloir déstabiliser le Burundi. Le Rwanda est accusé d’abriter les mouvements armés qui attaquent le Burundi. A la France, Philippe Nzobonariba rappelle l’expérience au Rwanda en 1994 où l’Opération Turquoise initiée par la France n’a pas été salutaire pour les Rwandais, avec le génocide qui s’en est suivi. « Il devient dès lors moralement inacceptable que la France cherche à exporter l’expérience du génocide rwandais vers le Burundi au moment où le dossier de ses probables responsabilités dans cette tragédie n’est pas encore vidé ni le contentieux avec le Rwanda clôturé. » Pour le gouvernement burundais, il est donc hors de question que le Burundi accepte de payer les frais de la réconciliation entre ces deux pays par le sacrifice de sa population.
Une résolution nécessaire…
Cette résolution 2303 a été votée par 11 des 15 membres du CSNU, dont la Russie, pourtant allié inconditionnel du Burundi. Les délégués de l’Égypte, de la Chine, du Venezuela et de l’Angola se sont abstenus. La composante de police des Nations Unies sera chargée de surveiller la situation sécuritaire et de collecter des informations sur les violations des droits de l’homme commises dans le pays. Le Secrétaire général devra veiller au « déploiement progressif » de cette composante de police. Le CSNU a retenu la seconde des trois options que lui avaient présentées, à sa demande, le Secrétaire général le 15 avril dernier. Les deux autres prévoyaient le déploiement d’environ 3 000 policiers investis d’une mission de surveillance ou entre 20 et 50 policiers chargés d’une mission d’évaluation. Bujumbura avait accepté cette dernière, mais ne la juge plus nécessaire.
« L’adoption de la présente résolution est une décision importante qui marque une étape potentiellement décisive pour un retour de la paix au Burundi », a estimé, au contraire, le représentant de la France, en évoquant le génocide du Rwanda. « Cette fois, nous n’attendrons pas d’agir pour éviter une catastrophe », a renchéri la représentante de la Malaisie. Leur homologue des Etats-Unis a estimé que ce n’était pas une grande résolution mais que le peuple du Burundi comptait sur le CSNU pour agir et leur venir en aide. La Chine, la Russie, l’Angola, l’Egypte, et le Venezuela ont insisté sur la nécessité d’obtenir au préalable un accord du pouvoir burundais. Enfin, plusieurs délégations, dont celles de l’Espagne, ont déclaré qu’elles auraient souhaité une adoption à l’unanimité.
Réactions
La décision de cette résolution par le CSNU a provoqué des réactions, parfois violentes. Certains ont menacé de tuer les membres de cette force onusienne, et ont appelé à la résistance.
Il y a d’abord eu une marche manifestation organisée par le gouvernement samedi le 30 juillet, au lendemain du vote de cette résolution, pour la rejeter et accuser la France. Un représentant du ministère de l’Intérieur, plusieurs députés et le maire de Bujumbura s’étaient joints aux manifestants. Ils ont juré de combattre les policiers onusiens, s’ils débarquent sur le sol national.
D’autres réactions individuelles ont précédé celle du gouvernement. « Nous voudrions alors demander que ces policiers que l’ONU veut envoyer sur le sol burundais soient composés uniquement de Français et de Belges. Il faut que les filles et fils français et belges viennent mourir au Burundi », a déclaré un dirigeant d’une organisation de la société civile proche du pouvoir.
« Le parti FNL trouve que, c’est le début de l’envoi des troupes d’interposition au Burundi. Nous rejetons en bloc cette décision et nous demandons à toute la population de refuser cette agression, cette ingérence et de résister contre ces forces », a martelé Jacques Bigirimana, le président du FNL, un autre parti proche du pouvoir. « Les troupes d’interposition qu’on nous propose risquent de donner le même résultat que celui qu’on a vu en 1994 au Rwanda. Même aujourd’hui le programme pendant de ces occidentaux induits en erreur par les politiciens burundais en perte de vitesse n’a d’autre objectif que d’éliminer le chef de l’Etat pour arriver au génocide. »
Jérémie Minani, commissaire en charge de la communication et des relations publiques au Cnared, salue cette résolution, mais avec des réserves. « Le Burundi n’a pas besoin d’une force qui vient observer impuissamment les atrocités de masse de Pierre Nkurunziza. Le CNARED a toujours demandé l’envoi d’une force africaine ou onusienne capable de protéger la population burundaise en péril imminent.»
« L’erreur commise au Rwanda, qui a conduit au génocide de la minorité tutsi, presque un million, peut faire que cette erreur peut se répéter ailleurs, même au Burundi. C’est pour cela que nous nous levons pour demander à la France de ne pas faire les mêmes erreurs qu’elle a déjà commises plusieurs fois en Afrique » a prévenu Jean de Dieu Mutabazi, président du RADEBU, également proche du pouvoir.
« La Sécurité au Burundi est mieux qu’en France. Souvenez- vous de la MINUAR et de l’opération turquoise, si la France pense que cela peut arriver au Burundi qu’elle se détrompe », dixit Gaston Sindimwo, 1er vice-président du Burundi.
Me François Nyamoya, secrétaire général du MSD : « Nous voulons condamner les paroles contre la France lancées par les membres du Cndd-Fdd… Quitte à critiquer la politique d’un Etat, on ne peut pas se moquer ou négliger les malheurs de son peuple. Beaucoup de gens sont morts en France, tués par des terroristes, des familles ont perdu les leurs. »
Non à la résolution 2303… Et après ?
A court d’arguments, le pouvoir menace aujourd’hui de s’attaquer aux policiers onusiens s’ils débarquent sur le sol burundais alors qu’il sait pertinemment qu’il ne peut le faire, puisque ce serait défier le monde. Une telle réaction se retournerait contre lui. Ce serait étonnant que le CSNU courbe l’échine devant Bujumbura en revenant sur sa décision. D’autant plus qu’il y a une autre option d’envoyer 3000 casques bleus au Burundi. En attendant, le 3 août dernier, le Quai d’Orsay a demandé aux autorités du Burundi de mettre en œuvre sans délai la résolution 2303 du CSNU.
Ce qu’il faut craindre, c’est la menace de génocide brandie par le gouvernement si les 228 policiers onusiens débarquent au Burundi. Alors qu’il y a encore quelques jours, le pouvoir jurait par tous ses dieux qu’un génocide est impossible au Burundi, on se demande comment il pourrait être provoqué par ces policiers. En lisant entre les lignes, cela voudrait dire, comme l’a prévenu Jacques Bigirimana, que ces policiers aideraient à assassiner le président burundais, ce qui déclencherait un génocide. Mais alors qui seraient les victimes de ce génocide, et qui seraient les bourreaux ?
Décryptage
Les raisons du courroux de Bujumbura
La résolution 2303 du Conseil de sécurité a été arrachée aux forceps. L’hybris semble caractériser les réactions des partisans du régime de Nkurunziza.
Cet « acte fort de diplomatie préventive » du Conseil de sécurité de l’Onu a pour but de « prévenir une escalade de la violence » et son corollaire en termes de violations graves et massives des droits de l’Homme. La communauté internationale est consciente que la dynamique actuelle de répression contre tous les opposants présumés au régime conduit inexorablement le pays vers la rechute dans la guerre civile. Ce risque est d’autant plus probable qu’il existe déjà une opposition armée farouchement opposée au troisième mandat de Nkurunziza.
Quant au régime de Nkurunziza, il estime qu’une force de cette taille – il voulait la limiter à 50 policiers – est la première étape vers l’envoi au Burundi d’une force beaucoup plus importante, limitant ipso facto la marge de manœuvre du pouvoir. A cet égard, notons que les 228 policiers onusiens seront déployés sur tout le territoire national « pour une période initiale d’un an ». De surcroît, la mission pourrait être modifiée en cas d’aggravation de la situation. Dès lors, pour Bujumbura, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une ruse de la communauté internationale pour imposer à un « Etat souverain des forces étrangères d’occupation », selon la rhétorique officielle.
D’où les réactions outrées du camp présidentiel contre la France qui a été à la manœuvre durant plusieurs mois au Conseil de sécurité de l’Onu pour la faire voter, lors d’une manifestation organisée de toute évidence par le pouvoir, le lendemain matin. En voici un florilège. « La France a plus besoin de casques bleus que le Burundi, il y a eu plus de 100 morts à Nice en une journée» ; « Les 228 policiers de l’ONU ne fouleront pas le sol de notre patrie, à moins que nous soyons tous morts ! » ; «La France doit savoir qu’elle ne pourra pas installer un président comme en Côte d’Ivoire » ; «La France veut envoyer des hommes armés pour commettre un génocide comme au Rwanda», etc.
Un dialogue inter-burundais « véritable et inclusif »
La résolution 2303 insiste sur le lien intrinsèque entre cette force onusienne de police et un dialogue inter-burundais « véritable et inclusif » – une allusion limpide à la participation sans restriction du Cnared, la principale plateforme de l’opposition burundaise. Ce denier sera, avec l’évolution de la situation sécuritaire et les progrès accomplis dans le respect des droits de l’Homme, l’un des trois critères pour adapter « la taille, la composition et le mandat de la composante de police ».
L’idée de rapatrier le dialogue inter-burundais d’Arusha est ainsi clairement évoquée. Les policiers onusiens déployés sur le territoire burundais fourniraient alors des garanties de sécurité pour les opposants en exil.
L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) par le truchement de son porte-parole, Louis Hartman, semble souscrire à cette nouvelle approche de la résolution de la crise burundaise : […] L’important, c’est que la communauté internationale puisse maintenir la pression et envoyer des signaux comme l’a fait le Conseil de sécurité, pour faire comprendre aux autorités burundaises qu’il est très important de pouvoir rétablir un dialogue véritablement inclusif, dans un environnement apaisé et sécuritaire. »
Le rapatriement du dialogue inter-burundais sous la facilitation de l’ex-président Benjamin Mkapa contrarierait fortement le gouvernement burundais, qui ne cache guère l’orientation du dialogue politique interne : la révision de l’Accord d’Arusha et la Constitution qui en est issue. Autant l’interne peut en principe alimenter l’externe, mais deux processus internes de dialogue inter-burundais ne pourraient coexister, l’un exclut l’autre de facto. Dans cette équation politico-sécuritaire à l’échelle internationale, la réaction du Conseil de sécurité face au refus catégorique de Bujumbura d’appliquer la résolution 2303 fait figure de facteur X.
[Ndlr:Mais alors qui seraient les victimes de ce génocide, et qui seraient les bourreaux ?] Vous devriez poser cette question à la France, qui, à mon avis sais quand et comment ce génocide se commettrait! Heureusement que les burundais ne commettraient cette malédiction!
S’agissant de ces 228 policiers, il y a à se poser des questions! Voilà où se trouve le mensonge et/ou l’hypocrisie de la France! Si les 3000 de la MINUAR et les français de l’Opération dite turquoise) n’ont pas empêché le génocide au Rwanda, 228 policiers l’empêcheraient-ils au Burundi! Si les 20 milles casques bleu à l’Est de la n’empêchent les massacres dans cette parties de l’Est de notre voisins, 228 protégeront-ils tout le Burundi?
Que la France dévoue tout simplement son agenda caché, sinon ses arguments sont loins d’être convaincants!
Nibaza tuzobahushura kabisa. Na Kagame amaze kuza keshi kandi yarabonye la superiorite militaire.
Micombero, uravuga icyo utazi, « la superiorité militaire » sur base de quoi? Uzakore ubushakashatsi uzeumbwire. Kagame n’Igisirikare ciwe ubizihe? Ngaho muzabasomborotse ngo hano mufise imbaraga. Akagabo gahimba akandi kataraza!
@«En attendant, le 3 août dernier, le Quai d’Orsay a demandé aux autorités du Burundi de mettre en œuvre sans délai la résolution 2303 du CSNU.»
Est-ce que le Bujumbura pourrait au moins être informé sur le calendrier/agenda établi sur le déploiement de ce fameux contingent onusien, pour qu’il sache du moins, si la résolution 2303 est en retard ou non de son application? Et puis, peut-il être tenu pour responsable d’un quiconque manquement qui surviendrait dans sa mise en application alors qu’il n’a jamais eu écho de son adoption étant malgré tout le premier concerné de la partie? Pourquoi alors, un tel acharnement de la France à vouloir mettre la pression sur Bujumbura d’une affaire montée en catimini et sans son consentement ? Un tel comportement ne serait sérieusement qualifié de «provoquant» voire même de «va-t-en-guerre», au vue et au su de ce qui se passe/trame aujourd’hui entre ces deux pays francophones et partenaires de longue date. J’ai sincèrement beaucoup de doute et questions sur cette relation bilatérale, laquelle à mon humble avis est en train de s’annoncer sous d’autres formes ou plutôt prendre une autre direction pouvant malheureusement occasionner un dénouement fortuit et inattendu de tous.
Il faut tout simplement voir quelles alternatives. Ariko abarundi, ari abari mu butegetsi canke abari muri opposition tuzogeza ryari kwisamburirako nk’impene?
Franchement qu’attendons nous des etrangers comme solutions si nous ne voulons pas la paix nous meme??
Abi, mu gifaransa bavuga ngo, «on ne connaît l’utilité des fesses que quand vient le moment de s’asseoir». Abatazi rero amahoro nuko bataramenya akamaro kayo, mugabo bizoteba bishike.
@Abi
Le congolais Mapenzi ya Mungu (originaire de Bukavu) l’a bien dit dans sa belle chanson Telema Congo:
« Usiwaze wageni watagenga inchi yako,…wataleta umoja kwako,…wataleta amani kwako/Ne pensez pas que les etrangers vont batir ton pays,…t’amener l’unite nationale,..t’amener la paix…
Peke yako utajenga, …peke yako utaleta umoja, …peke yako utaleta amani… »/C’est a toi de batir ton pays, …c’est a toi d’amener l’unite, …c’est a toi d’amener la paix…
(Voir Evangelist Mapenzi ya Mungu: Telema Congo, http://www.youtube.com).
avec quel outil? avec financement? je ne connais pas aucun pas au monde qui s’est développé sans l’appui de l’extérieur! Même la chine (qui n’est même pas un pays développé) a connu des avancés actuelles grâce aux apport de la technologie occidentale, ils ont envoyé leurs enfants dans les plus prestigieuses universités des EU et d’Europe. il ne faut pas rêver. revenons sur terre.