Depuis des années, un climat de suspicion et de méfiance s’est installé entre les habitants du site de Bugendana et ceux qui sont restés sur les collines. Certains rescapés craignaient de subir le même sort que les leurs tandis que les résidents avaient peur d’être attaqués. Le climat de défiance se dissipe et certains commencent à regagner leurs collines d’origine. Témoignages.
Béatrice Nibigira habite sur la colline Mukoro. Elle est retournée sur sa colline d’origine, il y a 12 ans. Elle a constaté que la vie était difficile. Travailler la terre et rentrer au site, tous les jours l’ont fatiguée. Elle a alors pris la décision de réhabiliter sa maison et de s’installer. « Je suis bien accueillie par les autres habitants sur la colline. J’ai de bons voisins qui me rendent visite quand je suis malade. Si je suis à l’hôpital, je suis assistée par des gens de toutes les ethnies ».
Elle assure que des femmes âgées voudraient rentrer mais qu’elles ne peuvent plus se construire des maisons. « S’il y avait de l’assistance pour la réhabilitation des maisons, les choses iraient mieux. Sans maison, difficile de rentrer », observe-t-elle.
Mme Nibigira fait savoir que des voleurs venaient en son absence pour défoncer sa maison. Elle dénonce également des gens qui n’aiment pas la paix et la stabilité. Ces derniers ont agressé son chien et l’accusent de sorcellerie. « Mon cas est connu par l’administration qui me soutient. Ma maison reste là-bas dans le site. S’il advenait que ma sécurité soit menacée, j’y retournerais directement ».
Même sentiment de satisfaction chez Jean Bosco Havyarimana, Tutsi, qui habite dans le site des déplacés de Bugendana. Il explique que la cohabitation est pacifique entre les Hutu et les Tutsi : « Ils se considéraient comme des ennemis. Lors de la guerre, on était malheureux. Tout a changé. Nous vaquons ensemble aux activités de développement. La paix et la sécurité règnent. »
Concernant la question de savoir ce qui l’empêche de retourner sur sa colline, il indique que le site est actuellement mixte. Une autre raison qu’il avance : « Nous vivons en toute tranquillité. Si quelqu’un tient des propos haineux, nous le combattons ensemble. »
La situation s’améliore
Même lecture chez Aloys Bukeyeneza, Hutu, habitant sur la colline Mwurire en zone Bugendana. Il est maçon et travaille dans le site. Il souligne que la cohabitation entre les Hutu et les Tutsi est bonne. Il confirme que la situation était catastrophique par le passé : « On disait qu’un Hutu ne devrait pas épouser une Tutsi ou vice-versa. On disait qu’un Hutu qui se rend dans le site des Tutsi sera tué. Tout a changé. »
Aujourd’hui, il observe que les Hutu et les Tutsi cohabitent pacifiquement dans le site. Selon lui, retourner sur sa colline d’origine est une décision personnelle. Il considère que ceux qui propagent des messages de haine sont des ennemis de la nation. Ils doivent, insiste-t-il, être arrêtés et punis conformément à la loi.
Dieudonné Habonimana, conseiller de l’administrateur de Bugendana en charge des questions sociales, explique que cette commune a été touchée. Il se réjouit que les choses se soient améliorées : « Pour le moment, les relations entre les personnes d’appartenance sociale différente sont bonnes. Il y a des mariages mixtes. Nous sommes ravis. »
Pour lui, les messages haineux et violents ont fortement diminué. Et d’ajouter qu’au début, il y avait de la méfiance et des soupçons entre les habitants d’ethnies différentes. Des langages de stigmatisation et de dévalorisation des uns envers les autres étaient monnaie courante. D’après lui, la situation a changé peu à peu.
« Certains ne veulent pas rentrer pour plusieurs raisons. Il parle notamment des déplacés préférant rester pour s’occuper de leurs projets déjà initiés. D’autres achètent des parcelles à proximité. Sans oublier l’influence qu’exerce sur eux le mouvement de certains habitants des collines qui viennent habiter le centre », explique-t-il.
Et M. Habonimana de conclure : « Ceux qui propagent des messages de haine doivent se ressaisir. Un langage violent touche les autres et détruit la communauté. Les autres peuvent développer des mécanismes de défense. Il faut éviter de blesser les autres pour bâtir une société juste et prospère. »
Le site de déplacés a été créé pour les rescapés des massacres des habitants de l’ethnie tutsi sur la colline Mukoro en juillet 1996.