Au moment où les cas de coronavirus ne cessent d’augmenter, le gouvernement n’a pas prévu du budget pour lutter contre cette pandémie. Les experts déplorent l’irresponsabilité du gouvernement et des élus du peuple.
« Le monde entier fait face à la pandémie de la Covid-19. Or, au titre de la gestion budgétaire 2020-2021, nous constatons que rien n’a été prévu à cette fin». C’est le constat de quatorze élus du peuple, membres de la Commission des Comptes Publics et des Finances saisis pour analyser au fond le projet de loi des Finances publiques 2020/2021. D’après le rapport de ladite commission, ces membres ont analysé ce projet du 8 au 15 avril 2020.
Lors de la séance des questions orales adressées au ministre des Finances, les députés se sont montrés préoccupés. Dans cette loi des Finances, aucun montant n’est alloué à la lutte contre la pandémie de la Covid-19. «Monsieur le Ministre ne devrait-il pas prévoir un fonds destiné à la lutte contre cette pandémie?»
Domitien Ndihokubwayo, ministre des Finances, a précisé que le gouvernement n’a pas pris en compte l’impact de socio-économique lié à la Covid-19 dans ce projet de loi pour une seule raison: « La préparation du budget 21020/2021 est intervenue au moment où la pandémie du coronavirus n’était pas prononcée sur le plan national ni international.»
Cependant, l’argentier de l’Etat a rassuré les élus du peuple. Il a fait savoir que Le Gouvernement a mis en place une équipe chargée des impacts socio-économiques probables de la covid-19 à court et à moyen terme afin de dégager les effets négatifs de cette pandémie sur tous les secteurs socio-économiques du pays. « Les prévisions du montant destiné à lutter contre cette pandémie seront connues après cette étude».
Les députés sont préoccupés par autre chose
Convaincue par les arguments du ministre des Finances, l’Assemblée nationale a analysé et adopté à l’unanimité le projet de loi portant fixation du budget général de l’Etat 2020/2021.
Pour Gabriel Rufyiri, l’absence d’une ligne budgétaire destinée à lutter contre la Covid-19 dans cette loi des Finances montre que les élus du peuple sont préoccupés par autre chose. « Ils ne se rendent pas compte des conséquences de cette pandémie sur la population», conclut-il.
En outre, ces derniers n’ont pas insisté ou recommandé au gouvernement à prévoir dans cette loi, un budget alloué à la lutte contre cette maladie. Cela témoigne l’incompétence des représentants du peuple. Ils ne sont pas à mesure d’identifier les besoins urgents de la population. « La priorité absolue est d’aider le système de santé national à lutter contre la pandémie de la Covid-19.»
Selon lui, sous d’autres cieux, face à cette pandémie, l’Assemblée nationale aurait recommandé au gouvernement d’ajouter au budget le fonds destiné à protection de la population. Faute de quoi, elle aurait rejeté ce projet de loi.
Pour l’expert Faustin Ndikumana, le ministre n’a pas répondu à la préoccupation de la commission des comptes publics et des finances. Il ne s’agissait pas de montrer le budget de relance pour pallier l’impact socio-économique. Plutôt, c’étaient les moyens prévus pour faire face à cette pandémie. « Il s’en est tiré par une réponse évasive».
Selon lui, l’argument du ministre ne tient pas. Même si le budget avait déjà été voté. Le gouvernement peut demander la révision de la loi des finances. Par ailleurs, cet économiste fait remarquer, le projet de loi des Finances était à la disposition du parlement au plus tard au mois de février.
« Ne pas prévoir un budget pour faire face à cette pandémie, c’est une irresponsabilité notoire du gouvernement », déplore l’expert Faustin Ndikumana.
M. Ndikumana indique qu’il est carrément impossible de faire face au coronavirus sans budget supplémentaire. Au-delà des mesures de prévention, un fonds d’urgence contre le coronavirus est nécessaire. Il devrait être la priorité dans le budget 2020.Par ailleurs, le gouvernement devrait mettre en place un fonds d’urgence pour protéger les citoyens.
Cette somme servirait à financer des équipements médicaux tels que des respirateurs et autres équipement de protection, à transférer des patients en vue de les prendre en charge. Ce fonds financerait aussi la fourniture d’un appui aux soins de santé d’urgence, avec notamment la constitution de stocks et la répartition des ressources essentielles, la création d’hôpitaux temporaires. Ce fonds aurait servi à prendre en charge les personnes mises en quarantaine ou /et confinées.
Analyse/ Réduisons des dépenses courantes de 10%, on aura 94 milliards BIF contre la Covid-19
Alors que le nombre de personnes affectées par la Covid-19 ne cesse d’augmenter, l’Assemblée nationale et le gouvernement optent pour une étude d’impact socio-économique avant de prévoir le budget destiné à lutter contre cette pandémie mondiale.
Pour certains analystes, cette stratégie n’est pas une riposte adéquate pour pallier cette maladie. Pour le moment, le gouvernement et l’assemblée devraient plutôt constituer un fonds pour acheter les médicaments, les équipements sanitaires…
A l’heure actuelle, l’étude de l’impact socio-économique n’est pas une priorité. Car, on ne peut pas estimer les dégâts d’une pandémie au moment où le pays n’enregistre que moins d’une trentaine de cas.
Quelques questions restent sans réponse. Une commission a été mise en place pour évaluer les effets néfastes du coronavirus. Mais pourquoi ladite étude n’a pas encore terminé alors qu’elle devrait être urgente ? Pourquoi le gouvernement n’a pas réduit les dépenses courantes pour créer un fonds de lutte contre la Covid-19.
En outre, il y a une autre voie à explorer avant la publication. Le gouvernement peut également exiger à tous les ministères de réduire leurs budgets et de verser l’excèdent au fonds créé à cette fin.
Pour ce cas, les études d’impact ne sont pas nécessaires. L’une des stratégies d’avoir de fonds rapidement serait de réduire les dépenses courantes. Par exemple, l’argent alloué aux missions officielles devrait normalement être revue à la baisse ou supprimer. Cela permettra au gouvernement d’alimenter le fonds contre la Covid-19. Faisons un exercice simple sans faire beaucoup de calcul. Selon le projet de loi des Finances, 2020/2021, les dépenses courantes sont estimées à 946,5 milliards BIF, soit plus de 60% du budget général. Si le gouvernement réduit ces dépenses de 10%, il y aurait plus de 94 milliards BIF pour lutter contre coronavirus.