Hémicycle de Kigobe, mardi 14 mai, la présentation des commentaires sur le projet de loi portant fixation du budget général de l’État, exercice 2019-2020 bat son plein. Des manquements tombent l’un après l’autre. Le gouvernement est pointé du doigt.
Retouche des crédits votés sans l’aval des élus du peuple, prévisions d’exonération non corrigées malgré leur taux d’exécution élevé, exécution du premier juillet 2018 au premier mars 2019 évaluée à 645,1 %, recourt aux avances de la BRB pour financer le déficit budgétaire….Telles sont les quelques constatations passant outre la loi des Finances. La liste n’est pas exhaustive, 16 constatations sont relevées.
Après l’exposé, certains députés présents à l’assemblée nationale se disent indignés. L’Exécutif n’en fait qu’à sa tête quant à certaines dispositions de la loi des Finances.
La députée Godeberthe Hatungimana déplore que les lois de Règlement et de Compte-rendu budgétaires ne soient pas produites depuis 2014. En l’absence de ces documents, soutient cette dernière, le parlement ne peut pas jouer pleinement son rôle du contrôle de l’action gouvernementale.
«Les décrets ou les ordonnances modifiant les crédits votés en lois des Finances des exercices précédents ne sont pas transmis au Parlement», dénonce Jean-Bosco Muhungu. Il fait remarquer que l’Etat a passé outre l’article 25 de la loi des Finances. Et comme conséquence, le Parlement éprouve des difficultés dans le contrôle du budget de l’Etat. « Le budget est l’instrument à la disposition d’un élu du peuple pour contrôler la politique de l’Etat».
D’après André Ndayizamba, cette violation de la loi des Finances n’est pas récente. Elle est récurrente. L’Exécutif a modifié les crédits votés sans consulter les élus du peuple. Il rappelle que la loi des Finances 2018-2019 a provoqué un tollé général à l’hémicycle de Kigobe. «Nous avons débattu et échangé sur ce problème pendant plusieurs jours. Et il était question qu’après l’adoption du budget, l’Exécutif n’a pas le droit de modifier les crédits».
Ce député fait remarquer qu’il avait proposé de laisser au gouvernement le soin de modifier les crédits jusqu’à 2%. Mais, le Sénat a adopté la modification des crédits à 100 %. Cela signifie que l’Exécutif peut modifier tout le budget à sa guise. «Ce n’est plus l’assemblée nationale qui autorise le gouvernement à apporter tel ou tel autre crédit. Il les manipule comme bon lui semble », regrette-t-il.
«Le Parlement n’est plus maître du budget»
D’ores et déjà, ajoute M. Ndayizamba, le parlement n’est plus maître du budget. Le Législatif a donné le feu vert au gouvernement de changer le budget selon ses besoins. D’après lui, il n’est pas nécessaire d’analyser le projet de la loi des Finances portant fixation du budget. «C’est à se demander ce que nous sommes en train de faire».
Pour Pascal Nyabenda, président de l’Assemblée nationale, c’est la politique d’austérité. «Comme les ressources ne sont pas suffisantes, c’est compréhensible que le gouvernement dépasse les 10% prévus par la loi des Finances». Et de proposer qu’il y ait un atelier pour statuer sur ces irrégularités. Ce dernier devrait réunir des députés, des représentants de la Cour des comptes et du ministère des Finances.
Dans son intervention, Elysé Ndaye, président de la Cour des comptes, assurera que la loi n’autorise pas la modification jusqu’à 100%. «Au vu de l’article 24 de la loi des Finances publiques, la limite de modification est de 10%».
Toutefois, précise-t-il, même ces 10 % n’ont pas été respectés, selon nos analyses. «Tous les transferts ont été effectués en dépassement de 10% prévus sauf pour quelques ordonnances.» Il parle également de politique d’austérité. «Que ces 10% soient dépassés, c’est compréhensible compte tenu de cette politique».
Dans la foulée, le président de la Cour des comptes donne raison aux députés. Il fait remarquer que l’Exécutif retouche la loi des Finances par manque de la prise de conscience et de culture de légalité. «Ceux qui sont censés respecter la loi des Finances ignorent son importance ou certaines dispositions sont difficiles à mettre en application».
Dans le dernier cas, Elysé Ndaye suggère à l’Exécutif de demander les modifications de lois pour qu’il n’y ait pas contradiction entre les faits et la loi en vigueur.
Par ailleurs, certaines dispositions sont faciles à mettre en application. À titre d’exemple, les ordonnances opérant les transferts devraient être signées par le ministre des Finances et le ministre bénéficiaire. «Ce qui n’a pas été fait. Toutes les ordonnances ont été signées par le ministre des Finances», révèle Elysé Ndaye.
«Le gouvernement doit respecter la loi des Finances»
Là où le bât blesse, selon le président de la Cour des comptes, depuis 2015, le ministère des Finances a cessé de produire la loi de règlements budgétaires. «Le dernier que nous avons analysé est de 2014. Ce document montre comment les priorités des politiques économiques d’un pays ont été exécutées».
Selon M. Ndaye, si ces lois des règlements ne sont pas produites et mises à la disposition du parlement pour contrôle, cela signifie que la population ignore tout de l’utilisation du budget mis à disposition du gouvernement. Et de préciser que la population devrait être informée sur la gestion de son argent. «Le ministère de Finances gère le budget de l’État par délégation de la population. Cette dernière est représentée par le parlement », fait savoir le président de la Cour des comptes.
D’après cet homme de lois, toutes les richesses du pays appartiennent à la population. «Elle paie les impôts et les taxes. C’est elle qui rembourse des dettes extérieures contractées par le gouvernement ». Et de marteler que chaque année, l’Etat, par le biais du ministre de Finances à l’obligation de rendre des comptes à la population.
Le président de la Cour des comptes rappellera aux élus du peuple ce que signifie ‘’adopter la loi des Finances’’. Comme je l’ai souligné dans le précédent commentaire, explique-t-il, quand le Parlement adopte la loi des Finances, il donne le feu vert au gouvernement de dépenser le budget mis à sa disposition.
«Il faut s’assurer que ce dernier fait des décaissements dans le strict respect des limites fixées par les représentants du peuple. Quand la loi des Finances est votée, il faut que le gouvernement la respecte. Il faut l’exécuter à la lettre», conclura-t-il.